A redécouvrir

The Battle at Lake Changjin

 Le nationalisme pour les Nuls



    Lancée dans une compétition idéologique, politique et économique avec les États-Unis, la Chine multiplie les films à gros budget à la gloire de sa puissance pour le meilleur et pour le pire. Sont ainsi sortis sur les écrans un fresque spatiale sympathique The Wandering Earth, la version chinoise très nerveuse et réussie de La Chute du faucon noir Opération red Sea, le nanardeux Wolf Warrior, le très inégal Wolf Warrior 2 et le très surprenant Opération Mékong. Avec ce The Battle at Lake Changjin, les producteurs chinois décident d’adapter une bataille importante de la guerre de Corée, un affrontement dantesque entre les forces chinoises et les armées de l’O.N.U qui contraignit ces dernières à se replier. Cette fresque historique, genre dont raffole le public chinois, ne doit pas oublier de véhiculer un message patriotique, nationaliste  et de gommer les événements historiques non conformes à la doctrine du parti. Pour mener à bien un tel projet, ce sont trois réalisateurs - Chen Kaige (L’Empereur et l’assassin, Tsui Hark que l’on ne présente plus  and Dante Lam (Opération Mékong)  - qui se sont partagés la caméra. Un choix très particulier mais qui n’a pas empêché le public chinois de se ruer dans les salles pour acclamer le long métrage. Maintenant qu’l est également visible en Europe, il est possible de se faire un avis sur cette œuvre et il est pour le moins très réservé.

La guerre de Corée vue par la propagande chinoise

                Novembre 1950, les forces américaines (en réalité les forces de l’O.N.U) ont franchi le 38 è parallèle, pris Pyongyang la capitale de la Corée du Nord et foncent vers le fleuve Yalu qui marque la frontière avec la Chine. Le général MacArthur  commandant en chef des forces de la coalition a promis à ses soldats qu’ils seront rentrés à la maison pour Noël. Du côté chinois, la présence des E.U.A  inquiète Mao qui décide pour préserver la « paix » et la sécurité de son pays d’envoyer son armée en Corée menée par le général Peng Dehuai  combattre les Américains.

                Wu Qianli, commandant de la 7ème compagnie de l’Armée Populaire de Libération et vétéran de la guerre civile rentre chez lui enterré son frère. Mais la décision de Mao le renvoie sous les drapeaux. Désobéissant à ses parents, son petit frère le suit et s’engage dans l’armée. Dans le froid, mal nourris, à pieds, plusieurs centaines de milliers de soldats chinois s’apprêtent à attaquer par surprise les forces américaines trop confiantes regroupées près du réservoir de Chosin (Changjin).


Vérité et contre-vérité

          Le premier problème que pose ce film concerne l’utilisation de l’histoire. En effet le scénario utilise des événements historiques véridiques. Il présente bien la stratégie chinoise, une gigantesque embuscade, (voir ici l’analyse), la disproportion entre la masse de soldats chinois et la puissance de feu des Américains. Le film présente aussi le caractère du  général Mac Arthur et son aveuglement. Il faut aussi ajouter plusieurs détails historiques intégrés au film : les soldats chinois congelés et morts de froid, la vétusté de leur équipement ou la mort d’un des fils de Mao (même si les versions divergent sur les raisons de sa présence dans le bunker). Sans oublier les conditions terribles de ses combats, en montagne, en plein hiver par moins 20 degrés.



        En revanche le film présente une vision réécrite de la guerre de Corée. Il fait en effet débuter cette dernière au débarquement d’Incheon et passe totalement sous silence l’agression Nord-Coréenne. D’autre part la dimension nord-coréenne du conflit est totalement mise de côté au profit d’une prétendue agression américaine contre la Chine. De même on peut voir dans le discours une réécriture de l’histoire dans les raisons qui poussent Mao à intervenir. Enfin le film ne traite pas de la bataille dans son ensemble. En effet si l’embuscade fonctionne, les troupes E.U.A retraitent emmenant avec elles des dizaines de milliers de civils nord-coréens. Il faut bien garder à l’esprit ses éléments pour comprendre le film.


Un spectacle inégal.

                Pendant les trois heures de film, le spectateur ne s’ennuiera pas. En effet le scénario classique reprend avec une certaine maîtrise les poncifs du genre. La découverte de ses camarades, les moments de joie avant le drame, la préparation de la campagne, les sacrifices, le cheminement personnel. Là-dessus, les scénaristes développent bien leur héros chinois a contrario de leurs adversaires trop souvent caricaturés (la nourriture, les pilotes).  Les scènes d’action (finalement peu nombreuses avant le dernier acte à alternent le meilleur et le pire. Elles s’appuient sur un nombre de figurants impressionnant, des explosions en cascade, des scènes épiques (parfois débiles) nombreuses. Les réalisateurs tentent de montrer comment les Chinois exploitent les éléments naturels (la neige, la nuit, les hauteurs). Cela donne les meilleurs plans du long métrage insistant sur le camouflage, l’impression de menace permanente.

    Le premier problème que pose ce film concerne l’utilisation de l’histoire. En effet le scénario utilise des événements historiques véridiques. Il présente bien la stratégie chinoise, une gigantesque embuscade, (voir ici l’analyse), la disproportion entre la masse de soldats chinois et la puissance de feu des Américains. Le film présente aussi le caractère du général Mac Arthur et son aveuglement. Il faut aussi ajouter plusieurs détails historiques intégrés au film : les soldats chinois congelés et morts de froid, la vétusté de leur équipement ou la mort d’un des fils de Mao (même si les versions divergent sur les raisons de sa présence dans le bunker). Sans oublier les conditions terribles de ses combats, en montagne, en plein hiver par moins 20 degrés.


Les grands oubliés : les Coréens

    Si l’on replace ce The Battle at Lake Changjin au sein des films sur la guerre de Corée, il s’inscrit dans la lignée de Opération Chromite, ces fables nationalistes qui utilisent ce drame national pour diffuser une rhétorique guerrière. En effet ce film est du point de vue occidental anachronique car il ressemble à toute la vague de films anti-communistes sortis pendant la guerre froide. Il noie son sujet comme le faisait avant Rambo II et III dans un discours revanchard qui laisse sur le côté les principaux intéressés : les Coréens.


    Ils sont en effet d’une discrétion absolue à peine évoquée dans une séquence d’action fun mais bordélique à souhaits. On est donc très loin du remarquable Frères de Sang qui parvenait à représenter la guerre dans son absurdité et à renvoyer les deux camps dos à dos. Ici rien n’est dit sur les motivations, les divisions, les souffrances des civils et le sur le coût de cette intervention.

    Ce qui sauve en définitive ce long métrage ce sont ses acteurs investis et les rares moments où la mise en scène se veut inventive. The Battle at Lake Changjin est donc à ranger à côté de tous ses films de guerre de propagande oubliant de traiter leur sujet.

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