La Chine ambitionne de concurrencer le soft power américain et cela se voit dans le cinéma. Depuis la grande muraille, l'empire du milieu produit de plus en plus de films spectaculaires, reprenant les codes d'Hollywood pour diffuser ses oeuvres toujours teintées de patriotisme. Maladroites au début comme dans Wolf Warrior, les productions gagnent progressivement en qualité et en ambition. La preuve avec The Wandering earth, adaptation de la nouvelle du romancier de S.F Liu Cixin. Un budget modeste, 50 millions, au regard des productions étatsuniennes mais très rentable puisque le film a généré 500 millions de dollars de recette en Chine et été racheté par Netflix. Et au vu des deux heures de film on peut clairement dire que l'argent a été finement utilisée.
Le film est un film de S.F catastrophe. Dans un futur proche, le soleil s'étend menaçant d'extinction la planète terre. Pour survivre les gouvernements s'unissent pour lancer le projet de terre errante. D'immenses réacteurs doivent propulser la terre hors de sa galaxie et la conduire vers sa nouvelle demeure près de proxima du centaure. La moitie de l'humanité se réfugie dans des abris sous terre travaillant à extraire les sources alimentant les propulseurs tandis que dans l'espace une poignée de cosmonautes regroupés dans la station spatiale internationale surveille cette migration. Mais l'arrivée dans l'orbite de Jupiter provoque une panne des moteurs. La planète terre dérive vers l'astre géant et une poignée d'hommes et d'ouvriers tente de sauver l'humanité tandis que dans l'espace un cosmonaute chinois doit choisir entre la survie de l'espèce et la survie de la terre.
Question scénario, le film emprunte à tout ce que la S.F spatiale nous a offert de bon. Interstellar est cité en permanence, gravity aussi dans des séquences de sauvetage spatiale, Armageddon, sunshine, 2001 l'odyssée de l'espace et même 2012 pour l'évocation d'une terre glacée. Tout ceci construit une intrigue qui part dans de nombreuses directions : une histoire de père qui veut revenir sur terre voir son fils ; une rébellion contre une I.A style HAL 9000 ; des terriens luttant contre le déchaînement des éléments. Le film veut en mettre plein les yeux et il ne prend pas le temps de se poser. Le résultat ce sont des ambitions, du gigantisme mais aussi des intrigues qui manquent d'approfondissement sur les relations humaines, les sentiments. Le lien père-fils n'est que survoler, le dilemme du cosmonaute évacué trop rapidement. De même le sacrifice d'une bonne moitié de l'humanité au début du film (une idée audacieuse) n'est pas du tout exploité comme l'histoire de la femme du cosmonaute. A trop faire une synthèse entre ces modèles, à choisir le spectacle visuel, le film gâche le potentiel dramatique de son histoire.
Mais tout ceci est rattrapé par la débauche d'actions et de spectacles. Une grande partie de l'intrigue se passe sur une surface gelée où les équipes de sauveteurs affrontent des tremblements, des chutes de météores, des effondrements. Aucune pause dans cette course contre la montre multipliant les morceaux de bravoure parfois délirants, l'exaltation du patriotisme à la chinoise (plus finement néanmoins que chez les étatsuniens), des moments d'humour assez bien trouvés. L'ensemble est soutenu par la qualité des effets spéciaux. Le numérique n'est certes pas parfait mais que de progrès réalisés par les équipes chinoises. D'autant plus que les scènes représentant la lente absorption de la terre par Jupiter sont extrêmement belles, presque poétiques. Il y a de même un sens du détail sidérant (dans la reconstitution des cités glacées) quand on se réfère au budget modeste. Le design des véhicules, des réacteurs, des vaisseaux fonctionnent très bien. Dommage même que les parties spatiales n'interviennent que dans la seconde partie du film. Il y avait matière à un huis clos spatiale fort.
Le casting porte réellement le film. Les acteurs se donnent en effet à fond dans les scènes d'action et de sacrifices (les héros tombent). Avec leur propre style, leur propre mimique, ils nous font vibrer pendant 2 heures. L'une des bonnes trouvailles du casting c'est Wu Jing, habitué des films d'action (SPL, Wolf Warrior), combattants hors pair, employé ici à contre emploi dans la peau de cet astronaute devant choisir entre la mission et son fils. Là encore malgré un temps d'exposition restreint, il nous fait nous attacher à son personnage au passé triste.
The Wandering Earth n'est pas exempt de défauts notamment dans la sous-exploitation de son potentiel dramatique. Néanmoins sa réalisation, son énergie, la bonne tenue des effets spéciaux en font un film réjouissant qui marque une étape dans le développement des blockbusters chinois. Espérons que les producteurs sauront s'extraire de leur volonté de spectacle avant tout pour profiter pleinement du potentiel dramatique de leurs scripts.
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