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The creations of the gods, critique

Histoire de renard chinois

    Chine et Blockbuster, l’accolade des deux mots n’a pas toujours été à la hauteur des attentes, la faute à des SFX poussifs ou des discours nationalistes lourds. Mais le cinéma de Zhang Yimou, de Tsui Hark les très réussis opération Mekong, Opération Red Sea ou l’incroyable succès du jeu vidéo Black Myth Wukong montrent que le potentiel est là. La sortie de The creation of the Gods : Kingdom of Storms de Wu Erhan, à qui l’on doit le très bon Mojin, the lost légend confirme nos espoirs. Adaptant librement le roman classique chinois du XVIème siècle L’investiture des dieux, ce long métrage, premier d’une trilogie renoue avec le cinéma fantastique chinois convoquant mythologie taoïste et bouddhiste, intrigue politique et épopée épique

the creation of the gods

Macbeth dans la Chine du Xème siècle avant J-C

    Yin Shou, fils du roi des Shang qui règne sur la Chine, a été mandaté par son père pour châtier le roi de Jizhou. A la tête d’une armée puissante et secondé par un bataillon d’élites composés de fils de princes envoyés comme otage auprès du roi des Shang, il prend la ville du félon puis le traque dans la montagne. Après un duel féroce, il tue son ennemi et lui tranche la tête. Mais blessé, il ignore que son sang va libérer le renard à neuf queues, une puissance démoniaque qui va prendre possession de Su Daji, la fille du roi vaincu du Jizhou.

    Charmant son vainqueur, la princesse renarde excite ses envies de pouvoir. De retour à la capitale, alors qu’un banquet est organisé, le frère de Yin Shou tue le roi avant d’être tué par les gardes. Yin Shou devient souverain mais le crime provoque la malédiction de tout le royaume. Pour la lever, le nouveau roi promet de se sacrifier. Dans le même temps, les Immortels de Kunlun décident de donner à Yin Shou le parchemin de l’investiture des dieux, capable de mettre fin à la malédiction. Ils chargent le moine de Jiang Ziya et deux de ses deux disciples de la lui remettre. Mais découvrant que l’âme du monarque est corrompue, il se ravise et s’enfuit.

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The creations of the gods : le retour du grand film fantastique

    Est-ce un hasard du calendrier mais le prodigieux succès de Black Myth Wukong a donné des idées aux producteurs chinois : s’appuyer sur la richesse de leur littérature classique. Pour ce The creations of the gods, Wu Ershan puise donc dans ce conte mêlant histoire politique, morale, intervention divine, trahison, choix cornéliens. Il reprend des thèmes chers au cinéma chinois (et aussi au parti communiste) : la fidélité au chef, le sens de l’honneur, les liens familiaux, l’intervention du fantastique.

    Son film va donc proposer un spectacle qui rappelle, sans les égaler, les fresques de Zhang Yimou et la maestria visuelle de Tsui Hark. Au premier il emprunte le sens de la grandeur, de la démesure, la peinture du pouvoir, de sa corruption. Au second, dans un mélange entre Detective Dee et Histoires de fantômes chinois, il reprend ce sens du baroque, ce goût pour la magie et une imagination sans limites. Il en ressort un film qui tient en haleine pendant plus de deux heures.

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Un film sous influences

    Wu Ershan convoque tout un plan du cinéma hollywoodien, japonais et chinois pour porter toutes les dimension de son récit. En effet, une première influence se trouve du côté de la trilogie du seigneur des anneaux que ce soit lors de l’immense bataille qui ouvre le récit mélangeant la charge des rohirrims et le siège de Minas Tirith ou lors de la scène du cheval clairement inspirée de celle des Deux Tours et du sauvetage de Aragorn.

    Mais ce long métrage lorgne aussi beaucoup du côté de Kurosawa notamment de son film Le Château de l’araignée. Et c’est normal car le film a des accents shakespeariens. Le parcours du général corrompu par le pouvoir est à cheval entre Macbeth et Richard III. Enfin Wu Ershan a été marqué par la trilogie d’Histoires de fantômes chinois avec ces moines taoïstes volants, ces démons cachés dans le corps de princesse et cette cour impériale au bord du gouffre.

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The creations of the gods : ambition, baroque et SFX

    On ne peut pas critiquer le manque d’audace de ce film. En effet, il mélange sans vergogne les genres : militaire, onirique. Il ose les changements de ton passant du réalisme au décor naïf, kitsh du monde du ciel. Les acteurs vont aussi assumer des rôles où le sur-jeu est quasi permanent et assumé. Nous sommes dans la plus pure tradition de l’opéra chinois. Le tout s’appuie sur une richesse dans les décors, les costumes, les figurants et une diversité dans le bestiaire fantastique.

    Cela suppose donc une parfaite tenu des effets spéciaux. Ils sont encore une fois inégaux même si les progrès des films chinois sont constants. Ce qui évite aux spectateurs de ne pas sortir du film, c’est l’ambiance onirique, le côté conte de fée qui permet d’accepter certaines fautes de goûts. L’ensemble est tellement généreux que l’on passe facilement devant ces scories qui donnent finalement au film une patine surannée.

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