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1931, le Japon envahit la province chinoise de Mandchourie.
Il crée l’Etat fantoche du Mandchoukouo en y plaçant à sa tête l’ancien
empereur de Chine, Pu Yi. La région est en fait totalement contrôlée par l’armée
impériale japonaise et qui y impose un régime de terreur traquant sans relâche
les opposants, opprimant la population tout en se livrant à tous les trafics
possibles (voir le manga Manchuria opium
squad) et à de mystérieuses expériences.
Afin de découvrir ce qui se passe dans cet État, la
résistance communiste envoie quatre agents formés en U.R.S.S infiltrer la zone. Ils doivent rentrer en contact
avec des partisans et exfiltrer un prisonnier chinois possédant des
informations cruciales. Mais leur réseau a été infiltré et des traîtres ont
informé les forces japonaises. Une traque féroce s’amorce pour découvrir qui
sont les taupes et pour mener à bien cette périlleuse mission.
On retient souvent de Zhang Yimou sa capacité à filmer des
armées gigantesques (La Grande Muraille,
Hero, La Cité interdite) et à mettre
en scène des combats épiques aux sabres ou à l’épée (Hero, Shadow). Mais on n’oublie qu’il excelle aussi dans un style
plus sobre, plus réaliste. C’est ce que démontre Cliff Walkers où il privilégie des espaces clos (trains, ruelles
étroites, cinéma, cellules de prison) pour faire ressortir l’ambiance lourde,
oppressante de cette occupation japonaise. Le contrôle est permanente, la
menace quotidienne.
Pour accentuer cette plongée dans cet « enfer »,
il crée une double atmosphère. La première s’appuie sur les codes du film
noirs. L’histoire se passant dans les années 1930, Zhang Yimou exploite les costumes, les voitures, la lumière de
cette époque. Il plonge le spectateur dans une torpeur où tout est nimbé
d’ombres, de doutes. Il renforce cette impression en situant son récit pendant
l’hiver. Toute l’action se déroule dans une ambiance glaçante. La neige recouvre
tout, pétrifie les corps, les âmes et recouvre d’une blancheur illusoire le
sang des innocents.
Toute la force de l’histoire repose dans la tension
permanente, le jeu de dupes auquel sont confrontés les agents. En effet, leur
mission est dès le départ compromise. Traqués, ils sont en permanence suivis
par les Japonais et leurs séides. Qui ne les arrêtent pas car ils ont un
objectif plus vaste : faire tomber tout le réseau et trouver la taupe tapie dans leur service. Cette astuce permet au film de tenir sur près de deux
heures. Si les Japonais ne tuent pas leurs cibles, c’est parce qu’ils veulent
les faire parler. Ce qui légitime certaines « incohérences » de l’histoire.
L’une des grandes qualités de l’histoire, c’est que très vite
la mission principale devient secondaire dans le parcours. En effet, les informations que
détient le prisonnier (on suppose que ce sont les expériences de l’Unité 731)
ne sont jamais révélées. Tout reste dans l’ombre, évoqué. La résolution de
cette mission intervient en fait très vite. Car ce qui intéresse Zhang Yimou,
c’est de raconter le périple de ces héros, leur passé, leur courages alors que
tout est compromis. Ce qui anime le film, c’est de comprendre pourquoi certains
trahissent quand d’autres sacrifient tout pour leurs idéaux.
Des qualités de style, de montage, Des ambitions narratives,
tout semble réuni pour faire de Cliff
Walkers un grand film sur la
résistance (à l’image de L’Armée des
Ombres sur la résistance en France). Malheureusement, deux défauts
l’empêchent l’atteindre ce statut. Il y a d’abord, dans la seconde partie du
film, les scènes de fusillades, exagérées, qui tranchent avec les affrontements
du début (plus viscéraux, cliniques). On sent ici poindre l’obligation de
peindre des héros tout puissants au risque de dénaturer l’ambiance globale.
Le second défaut tient dans le traitement des antagonistes
et des traîtres. Jamais le film n’ose expliquer clairement si ce sont des
Japonais ou si ce sont des Chinois travaillant pour les Japonais. Tout semble
indiquer qu’il y a des officiers Japonais avec des collaborateurs Chinois mais
le film évite sciemment de le dire. En effet, cette collaboration (sans
laquelle les Japonais n’auraient pas pu mener toutes leurs opérations) est dans
la Chine communiste un sujet tabou alors même qu’après-guerre de nombreux procès ont
condamnés les séides des Japonais. C’est dommage, car ce flou empêche le
spectateur de comprendre combien la mission confiée à ses quatre agents est
quasi impossible.
Sur un sujet complexe, Zhang Yimou livre un film
visuellement maîtrisé, servi par un scénario astucieux. Vous ne vous ennuierez
pas pendant deux heures. Dommage que le cahier des charges
« idéologique » empêche le réalisateur d’exploiter pleinement son
histoire.
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