A redécouvrir

la cité interdite

Une famille en or

Sorti en 2007, the curse of the golden flower est la nouvelle fresque historique du talentueux et prolifique réalisateur Zhang Yimou. Une carrière immense couronnée de prix, de distinction (l'organisation de la cérémonie d'ouverture des JO de 2008) pour ce réalisateur très apprécié des autorités et qui pourtant à travers sa filmographie interroge le passé de la Chine et ses doutes.



Pour ce long métrage il choisit de construire son intrigue sur un quasi huis clos. Nous sommes au Xè siècle sous la dynastie des Tang. L'empereur et sa famille vivent dans leur palais-ville. Après une longue absence le souverain regagne sa demeure et prépare d'immenses festivités. Le palais se couvre de fleurs jaunes. Pourtant derrière le cérémonial et les rites, les tensions couvent. Le premier fils né du premier mariage du souverain souhaite quitter le palais. Le roi et la reine sont en conflit larvé, celle-ci supportant de plus en plus mal de prendre les traitements prescrits par son époux. Le second fils est pris dans cette querelle entre ces deux parents tandis que le troisième fils semble observer. Alors que les rumeurs de complot et poisons se multiplient, une étrange femme fait son apparition dans le palais porteur d'une information explosive sur le passé de l'empereur.

La qualité première de cette oeuvre c'est son souffle épique. Pour reconstituer la cité impériale (non pas celle de Pékin mais celle de Nanjing), Zhan Yimou a mis la barre très haute. Les couleurs sont étincelantes, les décors somptueux que ce soit les meubles, les armures, les vêtements et tous les ustensiles médicaux. Nous sommes tout de suite en immersion. La splendeur, le gigantisme, l'excès de la cour impérial est pleinement mise en scène. Comme l'est la ritualisation, la sanctuarisation de cet espace. Entre l'abondance de serviteurs, la multitude d'emplois spécialisés (sonneur de cloche, porteur, préparateur de potion), le palais fonctionne comme une machine bien huilée. Et gare à celui qui enfreint les règles car tout se sait, tout est vu.

La seconde qualité tient dans l'intrigue terriblement tortueuse et profonde. C'est un quasi huis clos (quelques scènes de déroulent dans le palais du gouverneur de Suzhou) qui réussit son pari.  Placer les personnages dans un palais immense et qui pourtant semble les étouffer : pas de mur mais des paravents transparents. Tout s'entend, se sait et progressivement le palais étouffe les membres de la famille ce qui symboliquement représenté lors de l'affrontement final entre les 10 000 rebelles et le mur de piques. Ce huis clos nous emmène sur des nombreuses pistes. Tout semble partir de la haine entre un roi et une reine qui ne s'aime plus, le premier (attention spoil) tentant d'empoisonner sa femme tandis que celle-ci lui est infidèle. Mais tout est plus complexe et il est difficile de trouver un vrai héros. L'empereur avec son passé sombre et ses manipulations ; la reine qui utilise son second fils ; le premier fils incapable d'assumer la tâche d'être l'héritier ; le second perdu entre son amour filial et sa fidélité vassalique ; le mystérieux troisième fils ; le médecin...Tout ceci ne peut finir qu'en drame, quasi shakespearien dont nul ne sort gagnant. La fin est à ce titre une totale réussite.

La troisième qualité tient dans les scènes de combat et l'interprétation. Belle réussite que d'offrir des scènes épiques aériennes de combat de sabre dans un film qui se construit comme un suspense psychologique. One retrouve toute la maestria du réalisateur et se ses chorégraphes pour nous offrir un somptueux duel entre le roi et son fils, des batailles énormes entre les rebelles et les assassins, entre les rebelles et les troupes fidèles au roi. C'est terriblement beau et l'affrontement final fait frissonner. Et quand tout ceci est servi par un casting de star : Chow Yu Fat en empereur manipulateur, Gong Li rayonnante en femme blessée, Jay Chou magnifique dans la peau du second fils tiraillé.

La dernière qualité du film tient dans la symbolique. Le film présente en effet une vision de la Chine de son premier âge d'or tout en puissance, en suffisance mais aussi en troubles intérieurs. La personne de l'empereur est égratignée. Le film est surtout audacieux sur le thème des femmes : entre la première épouse répudiée pour une plus jeune ; les mariages arrangés ; le film résonne de thèmes très contemporains. C'est un film engagé sur le statut des femmes, les blessures subies depuis la nuit des temps. Il y a même une certaine ironie tragique à voir Gong Li l'ancienne muse de Zhang Yimou (qui aurait ensuite eu une relation avec la plus jeune Zhang Ziyi) incarnée cette femme blessée

Saluée par la critique, la Cité Interdite est une réussite tant formelle qu'intellectuelle. Spectacle prestigieux, c'est surtout un formidable drame sur la condition de la femme.


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