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Raging Fire critique

 Le film Testament de Benny Chan


Le 23 août 2020, le réalisateur Benny Chan nous a quitté. Pour les amateurs de cinéma Hong-kongais, ce nom est synonyme de films d’action spectaculaire. En effet pendant 30 ans il a fait jouer les plus grands stars : Jackie Chan, Andy Lau, Nicolas Tse, Lau Ching-Wan, Louis Koo, Nick Cheung, Andy Lau, Araon Kwok. Et parmi sa vingtaine de films, plusieurs sont d’authentiques pépites : Who I am, A moment of Romance, New Police Story ou Invisible Target. Cet artisan doué devenu artiste a tout au long de sa carrière clamé son amour pour le cinéma de genre. S’il n’a pas toujours réussi ses paris, il a toujours montré une sincérité, un respect pour un style de film à qui il a contribué à donné ses lettres de noblesse. Une honnêteté jusque dans ses défauts qui a permis à tous ses films d’emporter l’adhésion du public. Raging Fire sorti un an après sa mort est une œuvre posthume synthèse de ce que l’Homme a apporté pendant 30 ans au cinéma d’action.

Les frères ennemis

Shan, le mentor, Ngo le protégé, formaient une des plus efficaces équipes de la police de Hong-Kong. Complémentaires sur le terrain, complices dans la vie, rien ne semblait ne pouvoir les séparer. Jusqu’à cette terrible affaire d’enlèvement. Ngo et son équipe franchissent la ligne rouge. Shan a tout vu et fidèle à son serment d’honnêteté choisit de ne pas couvrir ses collègues. Sanctionnés, ils sont radiés de la police.

Or lors d’une opération contre les trafiquants de drogue, la police est confrontée à un groupe de mercenaires redoutables et très au fait de ses méthodes. Très vite les soupçons se portent sur Ngo récemment sorti de prison. Appliquant avec méthode un plan implacable, il est décidé de se venger de ceux qui l’ont trahi et faire émerger sa version de l’histoire. Entre le mentor et l’élève un affrontement à mort commence.


De l’action en veux-tu en voilà

Raging fire est une œuvre généreuse. Portée par son duo d’acteurs charismatiques, elle laissait supposer une déluge de scènes d’action. Et sur ce point Benny Chan ne nous déçoit. Son film propose en effet un déluge de moments dantesques empruntant autant à Heat qu’à the Killer en passant par Volte Face ou Time and Tide. Le film assume ses emprunts notamment dans l’immense scène de braquage digne de Heat ou lors du face à face final que ne renierait pas John Woo.

Ce qui fait la qualité de ces scènes, c’est la mise en scène de Benny Chan. Véritable expert ès action, il rend chacun de ses moments très lisibles malgré la surenchère d’effets visuels, d’explosion. Son style alterne en effet des passages grandiloquents, quasi romantiques et des séquences plus brutales, sanglantes. Ainsi la scène de braquage est filmée de façon très âpre, clinique alors que le face à face final emprunte des tonalités très baroques. Et tout cela s’équilibre parfaitement grâce à la beauté des plans, une photographie limpide et une musique efficace.


Donnie Yen et Nicholas Tse sublimes

Les deux stars Hong-kongaises portent l’ensemble de l’intrigue et sont une vraie plus-value. Donnie Yen, chorégraphe, artiste martial et acteur émérite trouve un rôle à la hauteur de son charisme. Benny Chan l’iconise et le sublime en lui offrant des scènes de combat remarquables où il peut faire la démonstration de l’étendue de toutes ses techniques debout et au sol, à main nue ou avec une arme. Il lui construit aussi un personnage certes classique du policier vertueux mais qui ne cesse de se remémorer son passé pour comprendre l’itinéraire de son ancien élève. Donnie Yen démontre qu’il est un acteur accompli sachant magnifiquement jouer le drame comme la comédie.

Face à lui Nicolas Tse nous surprend par la dimension physique de sa prestation. En effet nous connaissons depuis Time and Tide son talent pour jouer la comédie, la romance ou le drame. Et donc il n’y a pas de surprise à le voir jouer avec délectation le rôle de ce policier brisé en quête de vengeance. Mais dans Raging Fire Benny Chan lui propose en plus une succession de scènes d’affrontements en moto, dans un immeuble, dans une église. Le tout culminant avec le face à face avec Donnie Yen. Et devant le récital de ce dernier, Nicholas Tsé et sa belle gueule sont loin d’être ridicules. Il est en grande forme et permet de rendre palpitant ce duel.


Une narration confuse

Raging Fire souffre comme dans beaucoup de film de Benny Chan d’une narration qui se perd parfois. En effet l’intrigue manque parfois de clarté surtout dans le déroulé du plan du méchant. Ceci conduit le film a utilisé certaines facilités scénaristiques ou sur-explications pour faire avancer l’intrigue. Les motivations profondes des anciens policiers ne sont pas assez explicitées malgré les nombreux flash-back. C’est même étonnant de voir que des éléments, les cicatrices notamment, liées à leur emprisonnement ne sont absolument pas exploitées. Alors que le film est assez long (plus de deux heures), des éléments de l’histoire restent flous.

Ceci s’explique sans doute par les soucis de montage. Le film a été finalisé alors que Benny Chan était décédé. Le réalisateur n’a pas eu la main sur le final cut. Ce qui explique certainement le déséquilibre dans ce montage. En effet les scènes d’actions sont parfaitement organisées. En revanche les scènes plus calmes sont montées avec beaucoup moins de finesse, certains cuts sont assez bruts, sans transition. Il semble que certaines séquences ont été clairement supprimées (les scènes sur la prison) au nom du rythme mais au détriment de la narration.


Ces défauts empêchent Raging Fire d’atteindre l’excellence. Il n’en demeure pas mois que cet ultime film de Benny Chan est un vrai plaisir visuel porté par des scènes d’action rythmées et un duo d’acteur excellent.


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