La nouvelle ambition du cinéma chinois: les thématiques
L'article précédent présentait les grands axes techniques de cette ambition chinoise : promotion d'acteurs/réalisateurs locaux phare, co-production, engagement de producteurs occidentaux, de stars étrangères, références récurrentes à la Chine dans les blockbusters étrangers. Cette seconde partie s'intéresse aux films produits par la Chine, pas toujours distribués en Occident mais qui renseignent sur le soft power chinois.
1. La mise en scène de son histoire
Hollywood a participé à la diffusion du rêve américain en mettant en scène les grandes heures de ce pays jeune : conquête de l'Ouest, seconde guerre mondiale, guerre du Vietnam, Assassinat de JFK... Au point que cette histoire est parfois mieux connue des étrangers que des américains eux-mêmes.
La Chine a décidé à son tour de mettre en scène les riches heures d'une histoire millénaire. Certains projets n'ont pas eu le succès escompté (film sur Confucius), d'autres ont eut le droit à une sortie en Occident accompagnée d'un très beau succès critique (
Red cliff).
Ces adaptations n'oublient pas de conserver un discours politique plus ou moins discret. C'est le cas dans le film
Hero, merveilleusement mise en scène et dont la moral tourne autour du sacrifice, de l'unité, de la supériorité de l'intérêt commun sur l'individu. Mais à la différence d'Hollywood les films critique sur l'histoire de la Chine (qui ont existé aux débuts des années 2000) ne sont plus en odeur de sainteté.
2. Diffuser sa mythologie
Le Hollywood de l'Âge d'or a popularisé les grandes fresques bibliques : Les 10 Commandements, Ben Hur. Cette thématique s'est poursuivie à travers des oeuvres plus sombres (Le Nom de la Rose), polémiques (la dernière tentation du Christ).
Le cinéma chinois a lui aussi décidé de s'appuyer sur son imaginaire mystique au croisement du bouddhisme, du taoïsme, du confucianisme. Le cinéma de Hong Kong des années 1980-1990 avait déjà popularisé ces univers grâce à la série des Histoire de fantômes chinois. Mais depuis 2010 une vague de film fantastico-mythologique déferle, célébrant le personnage du roi-Singe, les créatures mystérieuses dans la série des détective Dee ou un monde magique secret dans Hanson and the beast. 3. Adapter ses propres oeuvres
Hollywood s'est aussi fait une spécialité d'adapter les univers culturels étrangers pour le meilleur (sherlock Holmes avec Robert Downey Junior) mais aussi pour le pire (les récentes versions des Trois Mousquetaires).
Les Chinois ont décidé de piocher dans leurs nombreuses oeuvres de fiction pour diffuser hors de leurs frontières leur figure populaire. Cela donne par exemple la série des détective Dee (1, 2, 3) , l'adaptation chinoise du conte de Mulan. Cela passe aussi par des oeuvres comme La Grande muraille qui réécrivent les mythes chinois pour les rendre compréhensibles par les Occidentaux. Une trahison certes mais sous contrôle. 4. L'étoffe des héros
L'Amérique à la conquête des étoiles, l'Amérique qui sauve le monde d'un désastre cosmique, forment des figures de style récurrentes et reconnues du cinéma hollywoodien: Armageddon, l'Etoffe des Héros, Independance Day, 2001 l'Odyssée de l'espace sont là pour en témoigner.
Sur ce point les films chinois sont restés longtemps timides, la faute à des effets spéciaux très en retard. Mais les choses sont sur le point de changer depuis la sortie de
The Wandering Earth, croisement entre
Armageddon et
Interstellar mâtiné d'un discours patriotique qui n'a rien à envier à
Independance Day. Un film qui demeure plaisant, bien réalisé, bien produit et qui amène à prendre au sérieux la Chine sur le terrain de la science fiction.
5. De la géopolitique sur fond de grand spectacle
The Wandering Earth nous amène à évoquer le dernier type de productions chinoises : les oeuvres mettant en scène la puissance et les idéaux "éclairés" de la Chine.
Sur ce point nous pouvons classer les oeuvres en trois catégories. Les premières ont un discours patriotique, nationaliste, tout sauf subtile et dépeignent des menaces extérieures,(souvent occidentales) visant à humilier le pays. Le meilleur symbole : la série des Wolf Warrior, notamment le 1 qui n'a rien à envier (sauf sa meilleure chorégraphie) au productions Hollywoodiennes des années Reagan.
Les secondes mettent en avant la capacité de la Chine à venir en aide à ses ressortissants quelque soit le pays où ils se trouvent. Un exemple, le très réjouissant Opération Mékong, qui revisite avec audace et talent un fait divers aux confins du triangle d'or.
Les dernières décrivent une Chine pleine de bonne intention intervenant pour protéger les civils et lutter contre le terrorisme. Le meilleur exemple, opération red Sea, qui fait référence sans jamais les citer à Daech, à la guerre au Yémen et qui glorifie avec une débauche d'action et de scènes de bravoure les forces spéciales chinoises. Michael bay n'aurait pas fait mieux.
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