Duel de géants : Pékin et Hollywood
Annoncé depuis 20 ans, le face à face Etats-Unis/Chine anime et perturbe la géopolitique mondiale. En économie les deux puissances mènent une intense guerre commerciale ; en politique elles tentent d'affaiblir le modèle rival soit en pointant la dérive totalitaire soit en stigmatisant les dysfonctionnements démocratiques ; sur le terrain militaire elles se font face à travers des dépenses croissantes en armement ou en défendant leur pré carré notamment en Mer de Chine ; en sciences elles se lancent dans une nouvelle course à l'espace avec Mars en ligne de mire tout en rivalisant pour mettre au point l'Intelligence Artificielle.
Il est un domaine où leur rivalité s'anime depuis 10 ans mais sans défrayer la chronique : le cinéma. Et pourtant le marché chinois est un acteur clé du 7è Art. La croissance du secteur cinéma est de 9 % par an (chiffre avant COVID) et désormais la rentabilité des blockbusters étatsuniens reposent sur les revenus hors E.U.A (70 %), une bonne partie réalisée en Chine. La construction d'écran en Chine se poursuit au rythme de 27 par jours. Ainsi avec 41 000 écrans elle a dépassé les E.U.A (40 759). Mais au-delà des chiffres vertigineux du marché, c'est la dimension artistique de cette stratégie qui ici nous intéresse synthétisée en 10 points.
1. les ambassadeurs
Premier pilier de cette offensive culturelle, les acteurs chinois devenus ambassadeurs de la puissance chinoise. Qui de mieux que Jackie Chan, icône, star et aussi marque déposée. Certaines de ses récente prises de position illustrent son rapprochement avec le pouvoir actuel.
- En 2014 il qualifia la victoire à l'élection présidentielle de l'indépendantiste Chen Shui-Bian de "plus grande blague du monde"
- En 2019 au moment des manifestations à Hong Kong, il critiqua les désordres et appela au respect du drapeau chinois
Au de-là de ces propos, c'est sa carrière qui est assez révélatrice. Depuis 2009 et la censure du son excellent film The Shinjuku Incident, il a recentré ses choix sur des films idéologiquement compatibles - fresque mythologique, film d'action à la gloire de la Chine (Vanguard) voire film patriotique comme 1911 - au détriment de la qualité artistique. Mais avec son aura, le public (à part peut être à Hong-Kong) ne lui en tient pas rigueur, lui qui reste le seul chinois ambassadeur à l'UNICEF et toujours apprécié à Hollywood.
Attention, ce "patriotisme" verbal est un privilège dont il est un des rares à user sans mettre sa carrière en danger. L'actrice chinoise du Mulan de Disney, Liu Yifei l'a expérimenté à ses frais.
2. Les investisseurs
Connaissez-vous le point commun entre Valérian, Fast and Furious 6 et 7, Mission Impossible 6, Once Upon a Time in Hollywood, Warcraft ? Ils ont été financés en partie grâce à des capitaux chinois issus d'Alibaba, de China Film Corporation ou de Polybona Film. Une présence discrète qui permet d'apprendre auprès des meilleurs et de favoriser certains discours (si l'on veut être distribué en Chine).
3. Transfert de technologies
Il n'y a pas que dans le transport ou le nucléaire que la Chine récupère légalement le savoir-faire. Le cinéma reprend cette stratégie industrielle. En effet en matière de production, d'effets spéciaux, de gestion de la post-production, la Chine accuse encore un retard. Le recrutement de techniciens occidentaux a permis toutefois à la production chinoise de connaître un vrai bon avant. Un exemple, la saga
Wolf Warrior (
1 et
2). Le 2 a vu l'arrivée à la production des frères Russo (Saga
Avengers) qui ont transformé la qualité technique du film qui a pratiquement atteint les standards américains.
4. Acteurs étrangers
Wolf Warrior 2 présente au casting Franck Grillo, une gueule d'Hollywood vu dans captain América, dans la série Kingdom). Loin d'être une exception c'est une stratégie, reprise de l'âge d'or de Hong Kong (où des occidentaux tenaient des seconds rôles) et amplifiée. Le symbole : le film la Grande Muraille qui se paye le luxe d'avoir au casting Matt Damon et Pedro Pascal.
5. Tourner en Chine, évoquer la Chine
Evoquer la Chine dans les blockbusters, c'est devenu une évidence. On peut évoquer l'introduction de Valérian, la station orbitale chinoise de Gravity, la navette chinoise de sauvetage dans Seul sur Mars.
Un film synthétise cette omniprésence de la Chine : Transformers 4, l'âge de l'extinction. Le film fait des placements produits dirigés vers la Chine (Banques), place son climax final à Hong-Kong, reprend l'imaginaire martial chinois et les gunfight à la John Woo et met au centre de l'intrigue une entreprise chinoise partenaire d'une firme américaine.
A suivre...
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