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May 18

Les ombres de l'histoire sud-coréenne

1980 l'instabilité politique s'installe durablement en Corée du Sud. Le président dictateur Park a été assassiné par le chef de la KCIA l'année précédente. Mais la démocratie demeure une utopie. Un autre général, Chun Doo Hwan renverse l'éphémère pouvoir démocratique deux mois après la disparition de Park. Dans le pays les lycées et les campus s'agitent, en particulier à Gwangju, ville du Sud-Ouest historiquement rebelle. Entre le pouvoir et ce mouvements populaire la confrontation sera violente et marquera au fer rouge cette ville.


Quand la Corée du Sud était encore une dictature

Film historique May 18 s'intéresse à une page sombre et encore sensible de la mémoire coréenne. Nous avions déjà évoqué le film 26 years, imaginant la vengeance 26 ans plus tard des fils et filles des victimes de la répression gouvernementale. May 18 nous plonge dans le quotidien des habitants de Gwangju pendant ces quelques jours de révoltes et de communes populaires. La première surprise du film c'est le ton employé. Au lieu de commencer sur le ton du drame, Kim Ji Hun construit une histoire qui débute comme le quotidien d'une ville alors que l'été se précise. Le ton est léger presque optimiste, référence au nom de code l'opération de répression :  Splendid Holliday. 

Un bel été se précise et nous plongeons dans l'univers de ces familles : le chauffeur de taxi, son frère lycéen, l'ancien soldat..Rien ne les prédestine à devenir les rebelles. Le réalisateur nous offre une première partie calme où les histoires individuelles s'entrecroisent : le flirt de Min Woo avec Shin Ae, le lien entre Min Woo et Jin Woo son jeune frère qu'il élève depuis la mort de leur parent. L'image est belle, très ensoleillée. Mais délicatement le réalisateur laisse filtrer la sombre menace : le discours de l'officier dans l'avion, l'extrémisme du général et l'absence de dialogue. Et quand la tempête éclate le film nous propose une plongée dans une féroce et quasi aveugle répression. 

Un drame à hauteur d'homme

Et au lieu de la filmer comme un documentaire, Kim Ji Hu montre comment de simples citoyens s'engagent dans la contestation. Le film glisse alors sur le drame : matraquage, fusillades, traque, guerre civiles puis massacre. La mise en scène est forte et nous arrache des larmes : la mort des proches, l'aveuglement des soldats, l'amitié fatale entre le militaire à la retraite et son ancien élève.  Un des moments forts consiste dans les manifestations monstres occupant le centre ville.  Plusieurs plans reprennent des photos d'époque ce qui renforce l'immersion. La caméra saute d'un camp à l'autre, multiplie les plans. Les morceaux de bravoure s'enchaînent aussi : la sortie du cinéma, le tir sur la foule, le désarroi du médecin...

Tout en restant centré sur ces personnages, May 18 n'en reste pas moins un formidable documentaire fictionnel sur ces jours de colère. Entre les scènes d'action pures, il s'attaque en effet à nous décrire l'expérience d'autonomie de cette ville, les espoirs des citoyens projetés dans la grande histoire. Notons que les acteurs permettent de s'identifier aux personnages. Non seulement les premiers rôles tenus par des acteurs chevronnés comme Ahn Sung Ki ou Kim Sang Kyung mais les seconds rôles (le frère, les habitants, la grand mère à la recherche de son fils). 

Fresque dramatique May 18 offre une critique sévère et sans concession du pouvoir et de la récupération politique des divisions. Car dès la première scène plane une ombre : la Corée du Nord et le communisme. C'est au nom de cette logique de protection contre l'ennemi du Nord que les ordres sont donnés. Et le film approfondit l'univers mental de ces soldats d'élite. Pour eux ce ne sont pas des révoltés mais des rouges, des ennemis intérieurs qui ne méritent pas de compassion. Une fois encore c'est le traumatisme de la guerre de Corée qui revient au coeur de la réflexion. Le film d'ailleurs pose plusieurs questions qui gênent : l'attitude des Etats-Unis, les donneurs d'ordre et la mémoire.

May 18 est plus qu'un bon film. C'est une oeuvre qui vous prend aux tripes. Il résume l'histoire de la Corée : des pleurs, de la passion, des divisions.


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