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la révolte du Gwangju

Nous avons sur ce blog chroniquer sur ce blog le film 26 years qui par la fiction revenait sur la période trouble de la présidence Chun Doo Hwan et la sanglante répression qu'il organisa dans la ville de Gwangju. Nous allons à présent revenir sur ces jours sombres de 1980 qui a vu l'armée sud-coréenne tirer et réprimer dans le sang les mouvements d'opposition démocratiques.



La jeune Corée du Sud n'a connu que des régimes dictatoriaux et d'essence militaire depuis son indépendance. Les intermèdes démocratiques n'ont duré que quelques moins. Ainsi en 1961 le général Park fomente un coup d'état qui le porte à la présidence. Sous sa poigne, la Corée du Sud connaît un fort décollage économique mais les libertés sont brimées. Echappant à plusieurs attentats guidés depuis la Corée du Nord, l'homme est finalement assassiné le 26 octobre 1979 par un proche, Kim Jae Kyu, directeur de la KCIA les services secrets sud-coréens pour d'obscures raisons. Son assassin et ses complices sont arrêtes, Kim Jae Kyu est pendu tandis qu'un autre général Chun Doo Hwan apparaît comme le nouvel homme fort du pays  par la purge qu'il mène au sein de la très redoutée KCIA. Choy Kyu Haha exerce l'intérim présidentiel pendant moins deux mois jusqu'au coup d'Etat du général Chun Do Hwan du 12 décembre 1979. 

Ce nouveau coup d'état déclenche une fort mouvement d'opposition démocratique. Le pouvoir va alors utiliser l'épouvantail nord-coréen pour renforcer sa mainmise. Le 17 mai 1980, en raison de rumeurs d'infiltration d'agents nord-coréens, la loi martiale est décrétée. Le pouvoir envoie des troupes dans diverses parties de la région avec l'aide de la KCIA qui accentue ces fausses rumeurs. Pour beaucoup de soldats, leur mission est de lutter contre les rouges, que ce soit des rouges de l'extérieur ou de l'intérieur ce qui va expliquer leur obéissance aux ordres lors de l'intervention à Gwangju.

le face à face

Parmi les zones les plus agitées par l'opposition se trouve la province du Jeolla et sa capitale Gwangju. Il existe une tradition de révolte dans cette région : contre l'invasion japonaise, lors de la révolte paysanne Donghak de 1894 et surtout lors de l'incident de Yeo-sun en 1948 qui occasionna déjà une féroce répression de l'armée. En 1980 le feu couve. En effet cette province fut au cours de la dictature de Park une foyer de l'opposition car l'ancien dictateur la négligea au profit de sa région natale du Sud-Ouest. Avec le coup d'état les universités entrent en ébullition. L'armée envoie sur place des parachutistes qui ferment les universités. Le 18 mai les étudiants bravent l'interdiction et font face aux soldats. L'agitation gagne la ville et bientôt 2000 étudiants affrontent à coups de pierre 686 soldats des 33è et 35è bataillons de la 7è brigade aéroportée. Les soldats répliquent à coup de gaz et de matraques en se lançant dans une véritable traque non seulement contre les étudiants mais contre tous les passants. Ainsi un passant sourd est matraqué à mort en pleine rue.

milices populaires
Cette violence provoque l'effet inverse. Le lendemain 10 000 personnes manifestent. Une foule immense à laquelle se sont joints des taxis et des bus se forment dans le centre de la ville. L'armée montre d'un cran en tirant à balles réelles sur la foule, sur les taxis venus transportés les manifestants. Le 21 a lieu le massacre le plus important devant le bureau provincial. La ville sombre dans le chaos car les manifestants attaquent les armureries, postes de police. Une guerre urbaine se développe entre ces milices improvisées et l'armée qui évacue la zone. Pendant 5 jours la ville devient une commune populaire presque indépendante. Mais cette"victoire" annonce en fait sa fin. La ville est en réalité isolée par 5 divisions qui n'hésitent pas à massacre tous les voyageurs d'un bus qui tentait de quitter la ville. Même si des protestations se développent dans d'autres provinces, le pouvoir ne faiblit pas n'hésitant pas à demander aux troupes d'étouffer dans le sang ces timides foyers de révoltes (Haenam). A Gwangju tout espoir de négociation s'évapore quand le gouvernement réclame le désarmement des milices. Le 27 les troupes d'élites appuyée par des blindés entrent dans la ville. Les milices retranchées dans l'hôtel de ville sont massacrées en 1h 30.



Le bilan de cette répression est aujourd'hui encore sujet à débats. Plusieurs centaines au moins. Pour le président Chun Doo Hwan cette reprise en main s'accompagne d'une vague de purge politique : l'opposant Kim Dae Jung future président est jugé responsable de la révolte et condamné à mort, peine commuée en 20 ans de réclusion. Pourtant le président Chun ne va jamais obtenir le soutien populaire. Dès 1987 un nouveau mouvement de protestation, le mouvement démocratique de Juin, secoue toute la Corée. Le dictateur tente de désamorcer la crise en désignant Roh Tae Woon comme son successeur. Les mouvements d'opposition se renforcent et avec l'organisation des J.O de 1988, Chun Doo Hwan est contraint d'accepter la tenue d'élections en 1988. Roh remporte l'élection avec 36 % des voix, profitant de la division de l'opposition dont les deux candidats remportent chacun 27 et 26 % des voix. Il faut attendre 1995 pour que la justice se penche sur les actes de Chun Doo Hwan. Condamné à mort, l'ex dictateur voit sa peine commuée par la cour suprême en prison à vie en 1997 avant que le président Kim Dae Jung ne le gracie dans le cadre de la politique de réconciliation nationale.

cliquez sur ces liens pour voir les photographies prises lors de la répression (1, 2 et 3)
 

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