A redécouvrir

Critique de La légende de Baahubali : The Conclusion. Un final à couper le souffle

Vous n’êtes pas prêt(e)


Sorti en 2017, la légende de Baahubali 2 The conclusion conclut un diptyque fantastico-historique se situant dans une Inde médiévale fantasmée. Le 1er volet rencontra un immense succès dans son pays et intrigua le public occidental. A raison tant le 1er film est un hymne à la démesure, un cri d’amour à un cinéma total par de là des maladresses techniques et une touchante naïveté. Sa suite devait dès lors clore ce monument du 7 ème art indien en repoussant les ambitions dantesques du 1er opus. Au bout de 2h 40, le défi insensé est relevé tant de point de vue du spectacle que de l’ambition thématique.

L’heure de la justice

Le 1er film nous racontait l’histoire de Shiva, un jeune homme qui découvrait la vérité sur son origine. Fils du roi Amarendra Baahubali, il échappa à la mort grâce au sacrifice d’une femme qui l’arracha des griffes de son demi-frère et le confia à la grâce de Shiva. Depui, le cruel Bhallaldeva règne sur le royaume de Mahismati et opprime la princesse Devasena, mère de Shiva. Celui-ci décide de libérer son royaume.

Le second opus reprend là où le premier s’achève après une révélation terrible sur la mort du père du héros. Il va dès lors nous raconter deux histoires. Celle d’abord de la lutte fratricide entre son père et son oncle faite de trahison, de manipulation politique, de drames et de sacrifice. Ensuite celle de la reconquête du royaume et du face à face entre l’oncle et son neveu.

Shakespeare, vous avez dit Shakespeare


1ère immense qualité de cette suite, son histoire change résolument de ton. En effet à côté de la romance entre le père et la princesse Devasena, de leur amour complet et des premiers pas du roi, celle-ci emprunte des chemins beaucoup plus sombres. Elle s'inspire beaucoup de Macbeth : comment l’ambition corrompt les âmes, comment les crimes entachent les consciences (merveilleuse scène du sang sur les mains). Les signes annonciateurs s’accumulent, les conversations secrètent conduisent les héros vers les abîmes.

De plus, ce conte insiste beaucoup sur les intrigues de cour et accordent une grande place aux femmes. C’est d’abord la grand tante du héros, femme forte qui choisit comme roi son fils adoptif et non son fils naturel préférant la grandeur d’âme au lien du sang. C’est ensuite la princesse Devasena, femme forte qui s’oppose à la reine, rejetant les règles des mariages arrangés. Ce sont les hommes qui doivent choisir leur camp : Amarendra Baahubali suit la voie de l’amour et s’éloigne de sa famille. Bhallaldeva, digne du Iago d’Othello, masque sa haine et manipule sa mère. Ce sont enfin des drames moraux qui conduisent les hommes à des choix cornéliens. Doivent-ils honorer leur promesse ou obéir à leur conscience ? Le tout culmine avec la déchéance d’un roi, la ruine d’un général et le désespoir d’une reine.

Vers l’infini et l’au-delà

Film plus sombre que le premier, La légende de Baahubali : The Conclusion n’en n’oublie pas d’être un spectacle divertissant osant les ruptures de ton voire de genre. En effet le film demeure une romance dans la plus pure tradition des films indiens. L’histoire d’amour entre le père et Devasena est filmée avec une naïveté absolue, touchante et finalement éminemment sincère. Ainsi vous les verrez nager en plein bonheur tractés par le vaisseau de l’amour au sens littéral du terme. Mais ce vaisseau est à la mesure de leur passion : la fusion entre le Black Pearl de Jack Sparrow et les cygnes du ballet les Lacs de cygnes.


De même le héros et sa némésis font passer Bruce Willis, Will Smith ou Arnold Schwarzenegger pour de gentils amateurs. Vous découvrirez dans La légende de Baahubali : The Conclusion l’homme total. Drôle évidemment capable de traits d’esprit savoureux. Charismatique transformant le peureux en guerrier résolu. Irrésistible que ce soit avec les femmes que face à des hordes d’ennemis. Et fort évidemment. Le public occidental n’est pas prêt à les voir dompter des éléphants furieux, tracter des chariots géants, défier les lois de la graviter, faire trembler la terre. Le réalisateur S.S.Rajamouli iconise à l’extrême ses personnages dans une emphase que ne renierait pas Zack Snyder. Excessif diront certains, sincères et hyperboliques surtout. Signe d’un créateur qui assume ce qu’il filme et ne tombe pas dans le relativisme.

Des acteurs prodigieux, des actrices étincelantes

Il trouve en ces deux acteurs masculins principaux Prabhas Raju Uppalati (Baahulbali) et Rana Daggubati (Bhallaldeva) le vaisseau idéal à sa mise en scène. Physiquement impressionnant, ils livrent des combats épiques très bien chorégraphiés. Ils excellent aussi dans le langage corporel charriant des vagues de magnétisme, de brutalité, de haine. Sans oublier pour le 1er d’être de bon danseur et bon chanteur malgré leur carrure de colosses (près de 100 kilos).


Il en va de même pour les personnages féminins. Qui a dit que le cinéma indien était machiste ? Anushka Shetty en mère courage, Ramya Krisnan en reine-mère, portent en grande partie la dimension dramatique. Dans un monde d’hommes, elles portent la voie de la raison, de la modernité, du sacrifice. Leur prestation de femmes fortes, indépendantes met à l’amende la plupart des pseudo films féministes occidentaux (Terminator Dark Fate par exemple). Pourquoi : les personnages sont très bien écrits, cohérents avec l’histoire et le réalisateur croit en son discours ?

La légende de Baahubali : The Conclusion. Un spectacle sans limites

Conçu comme une film de divertissement intelligent, La légende de Baahubali égale si ce n’est dépasse le 1 er volume en termes d’ambition. Les scènes de batailles vont en mettre plein les yeux et ce malgré des effets spéciaux encore une fois largement perfectibles. En effet le réalisateur choisit d’aller à fond dans l’excès, d’offrir aux spectateurs ce qu’il lui a promis : un poème dédié à la démesure. Cela se voit dans l’emphase du duel final, le siège de la ville, la séquences du catapultage des soldats. Tout est fait pour captiver la rétine. Le film ne fait jamais semblant. Pas de cynisme, ni d’auto-dérision, tout le contraire, du premier degré assumé, une volonté de faire plaisir.


Epilogue dantesque, le film de S.S.Rajamouli exploite une créativité hors normes, généreuse qui fait fi des limites techniques. Les effets numériques demeurent un vrai talon d’Achille. Cependant l’abondance de décors, l’imagination sans bornes en termes d’architecture ( le palais de marbre blanc, les fleurs), de bestiaires, de costumes ,efface les scories visuelles. Comme quoi une belle histoire, des acteurs investis et un réalisateur qui croit en ce qu’il filme, valent mieux que des orgies d’effets spéciaux sans âme. Et si vous ajoutez une superbe bande son, vous comprenez pourquoi cette sage marquera durablement le cinéma.

Commentaires