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Critique de Enter the Fat Dragon 1978

Sammo Hung Big Boss


En 1978 cela fait 5 ans que Bruce Lee est décédé. Mais son personnage continue de fasciner le monde du cinéma : rediffusion de ses films, engouement pour les d’arts martiaux et surtout mode de la bruceploitation. En effet des producteurs hong-kongais mais aussi italiens décident d'exploiter l'image de la star disparue. En résulte un nombre incalculable de films allant de l’à peine regardable au nanar avec des sosies de Bruce Lee  rarement crédibles. Le filon est utilisé sans limites. Heureusement aucune de ces oeuvres souvent opportuniste n’écorne l’image du maître. C’est dans ce contexte que Sammo Hung réalise en 1978 un film ovni, comédie burlesque hommage au grand Bruce Lee, parodie de ses plus grands films et satyre à peine voilée des bruceploitations. Une oeuvre qui a vieilli mais qui demeure spectaculaire et très réjouissante.

La fureur du désordre.

Sammo Hung incarne un fermier admirateur inconditionnel de Bruce Lee au point de rejouer des scènes entières dans sa ferme. Obligé de partir à Hong-Kong pour aider le restaurant de son cousin, il découvre une ville avec des codes très éloignés de la campagne. Surtout le jeune homme pétri de bonnes intentions décide de jouer les justiciers dans la ville. Les petites frappes, les pickpockets ne manquent pas et à chacune de ses interventions les dégâts s’accumulent. Surtout qu’il va se retrouver mêler à une bande de faussaires et de kidnappeurs.

Le scénario donne déjà le ton du film. Nous sommes dans une histoire loufoque, pas toujours très claire mais qui n’a qu’un but : rendre hommage à Bruce Lee. Et tout le film y réussit totalement que ce soit par la reprise de scènes cultes de la Fureur du Dragon, fureur de Vaincre, Opération dragon, le Jeu de la Mort ou Big Boss ;l es clins d’œil nombreux (caméos, mimique, objets…) ; par la prestation impressionnante de Sammo Hong.  

Les scènes de combat restent en effet impressionnantes, nombreuses et dans l’esprit Bruce Lee à travers le mélange des styles par exemple. Le dernier fight est d’ailleurs très symbolique. Il commence à la manière de la Fureur du Dragon et finit comme un combat de maîtres dans la pure tradition de la shaw Brother. Le tout baigne enfin dans un humour très Hong-Kong qui ose beaucoup notamment à travers « le chinoir », ce personnage de noir américain joué par un acteur asiatique grimé !! absolument hilarant et politiquement très incorrect.



Une parodie en forme d’hommage

Une qualité vraiment surprenante du long métrage consiste dans le subtile équilibre entre parodie et hommage. Car Sammo Hung se plaît d’abord à replacer les scènes culte de Bruce Lee dans des univers décalés. Qui a rêvé de voir Bruce Lee se battre avec des cochons ? de voir la séquence de la destruction de l’école de Kung Fu dans La Fureur de vaincre transposée dans un restaurant de rue ? de voir l’arrivée en bateau d'Opération Dragon détournée en naufrage ? ou encore de voir l'action de La fureur du dragon déplacée à Hong Kong ? Le film multiplie ces moments comiques qui fonctionnent même si vous ne captez pas la référence. Et cerise sur le gâteau le film se permet des références au-delà du monde des films d'arts martiaux en s'inspirant de Rabbi Jacob.

Mais cette parodie est au service d’un message d’amour envers Bruce Lee. Car derrière sa bonhomie, Sammo Hung imite à la perfection son idole. Nul ne peut se targuer d’avoir aussi bien saisi sa gestuelle, son regard, ses mouvements. Il met ainsi à l’amende tous les faux Bruce qui ont œuvré ou sévi pendant des années. Il rappelle qu’une bonne parodie s’appuie sur une compréhension et amour inconditionnel du modèle détourné.

Sammon Hung règle ses comptes avec Bruceploitation

Si l’histoire est largement anecdotique, il reste un sous texte très clair. Sammo Hung n’apprécie pas ceux qui ont essayé de profiter de l’image de Bruce Lee et de singer la star dans des films à la qualité plus que suspecte. Son film va ainsi  habilement développer deux thèmes. Celui de la nostalgie d'abord incarné de main de maître par Sammo Hung. Il déploie une sincérité constante pour jouer le fan de Bruce Lee et non pour se faire passer pour Bruce Lee. C’est ce qui le rend étonnamment crédible et donne à ses scènes d’action toute leur efficacité.

Le second thème ce sont les imposteurs. Et au milieu de la farce, le film se permet un passage sur un tournage d’une Bruceploitation où Sammo Hung va remettre les pendules à l’heure. C’est d’ailleurs le moment le plus drôle du film quand la comédie se double d’une charge virulente et frappante contre les « charognards ».


En conclusion, Enter the Fat Dragon reste, plus de quarante ans après sa sortie une kung fu comédie toujours aussi efficace. L’énergie déployée par Sammo Hung, l’humour, l’action, la satyre, la passion, continuent d’en faire l’un des plus beaux hommages à la figure de Bruce Lee.

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