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critique de Kung Fu League : un beau gâchis

 La bande des quatre

C'est un projet qui a fait saliver les amateurs de films d'arts martiaux. Réunir dans le même film Wong Fei Hong, Ip Man, Chen Zhen (héros fictif de La Fureur de vaincre) et  Huo Yuan Jia, quatre figures majeures de culture des arts martiaux. Derrière la caméra, c'est Jeffrey Lau (producteur de Crazy Kung Fu, réalisateur de la trilogie A Chinese Odyssey) qui est chargé de mener un bien cet "avenger" martial mâtiné de plongée dans la culture populaire. Le résultat est très loin d'être à la hauteur des espérances et du matériau de base.



Une histoire à la frontière du fantastique et du film d'arts martiaux

L'histoire se concentre autour d'un jeune dessinateur de bande dessinée et admirateur des arts martiaux : Fei. Travaillant dans une entreprise, il est secrètement amoureux d'une jeune collègue. Mais son patron, beau et riche a aussi des visées sur sa collaboratrice. Après avoir été humilié par son ce dernier devant sa bien aimée, Fei fait un voeu : recevoir l'aide de quatre maîtres légendaires du Kung Fu pour devenir meilleur et conquérir le coeur de sa belle.

Voilà les quatre maîtres débarquant dans le monde contemporain. Il leur faut vite s'adapter, comprendre les raisons de leur venue et trouver celui qui pourra les ramener dans le monde. D'autant plus qu'entre les quatre hommes  l'harmonie ne règne pas et que le défi est immense pour faire progresser le jeune Fei. 

Un scénario poussif

Kung Fu league souffre d'abord d'un scénario traditionnel et maladroit. En effet le réalisateur tente de mélanger l'esprit des  Les Visiteurs, de Ip Man avec de la romance.  Malheureusement en termes d'équilibre le film privilégie outrageusement la partie romance, survole la dimension martiale et offre quelques rares passages de comédie. Or la romance est très lourde, convenue, plombée par des dialogues peu inspirés. De plus on a beaucoup du mal à s'attacher aux deux protagonistes sensés être des faire valoir pour intégrer les quatre maîtres.

La dimension décalage temporel fonctionne très mal à part la scène du tournage. A nouveau le potentiel de la situation n'est pas du tout utilisé et les créateurs ne savent pas comment profiter des éventuels anachronismes. Pourtant entre les gadgets, les mentalités, les vêtements, il y a avait beaucoup à dire et à montrer. Cela se ressent dans les scènes d'humour peu inspirées à part à nouveau le passage sur le plateau de cinéma. C'est très frustrant car entre le personnage de Chen Zhen et celui de Ip Man, l'histoire esquisse de bonnes idées. Mais tout reste en l'état de brouillon informe. 

Et c'est sans parler des trous énormes dans l'histoire. Ip Man est littéralement sacrifié au profit d'un gag incompréhensible et qui ne sera jamais expliqué. Même constat autour de l'évolution de l'antagoniste totalement absurde. On passera aussi sur l'absence de réaction des personnes face à ces quatre maîtres venus des temps anciens. Le scénario enfin n'explique enfin jamais comment ont été invoqués les maîtres, pourquoi parmi les voyageurs trois sont personnages réels l'un fictif, pourquoi Wong Fei Hong est incarné par l'acteur ayant interprété le personnage dans Il était une fois en Chine IV et V...

Kung Fu League : l'art de ne pas tenir ses promesses

Les scènes d'action auraient pu venir au secours d'un projet mal ficelé. Or passée une première scène intéressante, le film est très décevant. Deux raisons expliquent ce manque de dynamisme. D'abord le réalisateur n'est pas un spécialiste du genre et se contente du minimum en copiant, maladroitement, des scènes de film d'arts martiaux. Le symbole, la danse du lion, clin d'oeil à la série des Il était une fois en Chine. Mais la différence saute aux yeux et fait mal car dans Kung Fu league la séquence est peu lisible, peu spectaculaire, mal montée. Ensuite le réalisateur choisit de remplacer les scènes chorégraphiées à l'ancienne par une débauche d'effets numériques peu réussis. Or le budget pour les effets spéciaux est réduit à sa plus simple expression tant l'ensemble fait daté, les incrustations manquées et les scènes illisibles.


Cela pose la question de la légitimité même du projet. Quel est l'intérêt de faire revenir ces quatre légendes du Kung-Fu si c'est pour les ridiculiser  (la brouille ridicule entre Wong Fei Hong et Huo Yuan Jia) et pour les transformer en assistants sociaux d'un amoureux transi insupportable. Le plus étonnant c'est qu'on a l'impression que le film a été tourné, écrit  par deux équipes avec des visions opposées de l'histoire. Sinon comment comprendre la présence dans cet ensemble catastrophique de la séquence sur le plateau de tournage qui laissait augurer d'une réflexion sur la mise en scène de la légende, la confrontation entre mythes et réalité. 

Mais ces quelques bonnes intentions sont vite effacées. Et le film ne va jamais offrir ce qui était attendu. Des combats spectaculaires, non. Un ennemi crédible, non. Des fights entre les maîtres, non. Et on a de la peine pour les quatre acteurs qui tentent vaille que vaille de faire vivre une histoire en situation de mort cérébrale.

Kung Fu league s'inscrit comme l'une des pire déceptions du cinéma de Hong Kong. Rien ne fonctionne en termes de mise en scène ou d'écriture. Producteurs, scénaristes, réalisateurs n'ont en définitive jamais cru en la proposition originelle.


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