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Critique de Enter the fat dragon : un film qui fait du bien

Donnie Yen Contre attaque 

En 1978, Sammo Hung réalise et interprète Enter the Fat Dragon. Cette Kung-Fu comédie déjantée raconte les déboires d'un éleveur de porcs fan de Bruce Lee à Hong-Kong. Hommage à Bruce Lee autant que satyre de la bruceploitation, son film s'appuyait sur le décalage visuel entre la bonhomie du héros et sa grande maîtrise martiale. En 2020, Donnie Yen est à l'affiche d'un nouvel Enter the Fat Dragon dont il ne partage avec le film de 1978 que le nom. Reprenant l'idée du héros rondouillard, le film se construit comme une très agréable Kung-Fu comédie policière portée par un acteur au sommet de sa forme et de son auto-dérision ; et servie par  un duo de réalisateur/cascadeur (Aman Chang et Kenji Tanigaki)  inspirés.



Donnie Yen l'arme fatale

A Hong-Kong, Fallon Zhu (Donnie Yen) est une légende. Policier investi dans sa mission, il lui sacrifie tout : son temps libre, celle de ses collègues et sa vie amoureuse. A chacune de ses interventions, les dégâts s'accumulent. Alors qu'il doit se marier, il intervient pour stopper un braquage. Nouvel exploit mais aux conséquences à nouveau incalculables : le hall du commissariat est en miette, son supérieur frôle la mort et le mariage doit être ajourné. Fallon Zhu est rétrogradé et mutée au service des archives tandis que sa fiancée le quitte. Au comble du désespoir, il se réfugie dans la nourriture. Le svelte et athlétique policier prend 50 kilos.

Huang, son ami inspecteur, décide quelques mois plus tard de lui changer les idées en lui confiant une mission a priori facile. Escorter un japonais à Toyko et le confier à la police locale. S'il mène l'opération à bien, son ami l'aidera à être réintégré en service actif. Mais rien ne se passe comme prévu. Le prisonnier s'échappe, les yakusas interviennent, la police japonaise fait l'autruche. Cerise sur la gâteau, son ancienne fiancée est de passage au Japon pour une campagne de promotion. L'inspecteur Fallon Zhu doit intervenir.

Le Donnie yenverse au service de la kung-fu comédie

Première qualité du film, le ton de l'ensemble. Nous sommes en effet devant une kung-fu comédie dans la droite ligne des oeuvres des années 1980-1990. Nous retrouvons tout ce qui fait le charme du genre : blague potache, humour à la cantonaise (concernant le Japon et les différences culturelles), scènes totalement décomplexées, des références à la pop culture (blague sur l'acteur Nicolas Tsé). Vous allez vous retrouver dans un maelstrom de folie où notre inspecteur dès le début sème le chaos sur une autoroute avant de ruiner une cérémonie officielle, de ravager un marché aux poissons et de finir le travail au sommet de la tour de Tokyo.  Vous découvrirez comment la faconde chinoise rentre en collision avec la réserve des Japonais (merveilleuse séquence du commissariat). Vous verrez aussi poindre une satyre de la maigreur à tout prix incarné par l'antagoniste principal (l'excellent Joey Tree) Le tout est mis en scène avec un sens du décalage, du rythme, de scènes cocasses (celle de toilettes, du coup de poignard dans le fessier...). 


Dans cette comédie enlevée, les scénaristes ont rajouté une dimension très originale : intégrer la filmographie de Donnie Yen dans le background du policier. En effet le film imagine que les scènes iconiques de S.P.L ou de Flashpoint représentent des interventions du policier Fallon Zhu. Une idée qui permet d'enrichir l'iconisation du personnage. Mais les scénaristes, les réalisateurs, le font avec un second degré assumé et accepté par Donnie Yen. Celui-ci parodie ainsi ses propres scènes avec un vrai bonheur. Il montre ainsi une dimension méconnue de son répertoire : son jeu comique. Et l'ensemble du casting est au diapason. Il se dégage ainsi du film une bonne humeur qui transpire à chaque seconde d'image. 

Un film spectaculaire 

Avec Donnie Yen au casting, le film nous promet un enchaînement de scènes d'action enlevées. La promesse est respectée car Donnie Yen fait d'abord étalage à la fois à 57 ans passés, d'un tonus absolument incroyable. Le temps n'a pas de prise sur lui  tant il s'amuse à sauter, frapper, grimper pendant 1h 40 de film. Ce qui rend sa performance encore plus remarquable, c'est de voir grâce aux scènes bonus l'attirail de prothèses, faux cvntre, qu'il a dû porter pendant les combats. Le film permet à l'acteur titre de faire en outre démonstration de toute sa palette de technique : Kung-Fu, Ju-Jitsu, Judo, Ju-jitsu brésilien. Tout y passe au travers de chorégraphies très inspirées, lisibles. Et en face les antagonistes sont formidables, Joey Tree notamment qui offre au film un final époustouflant. 




Enter The fat dragon lorgne aussi du côté des films de Jackie Chan de l'âge d'or. En effet les scènes d'action investissent des lieux improbables : le marché aux poisson, une rue de restaurants. Les combattants jouent avec le décor, qu'il soit urbain (panneaux), industriel (le transpalette). Pour créer un terrain de jeu vraiment immersif, les réalisateurs ont en plus récréé en studio toute une rue d'un quartier festif de Tokyo. Démarche vintage qui permet de tourner des scènes dynamiques, de mini plans séquences tout en faisant un clin d'oeil aux anciens films du genre. Le spectateur voit (surtout en hauteur) l'aspect plateau mais cela renforce l'adhésion à ce film. 

Bruce Lee, Jackie Chan, Donnie Yen : un film hommage

La dernière qualité de film consiste dans son grand respect vis à vis des figures du genre. En effet la personne de Bruce Lee n'est pas centrale mais évoquée avec délicatesse. Une jacket de film, une sonnerie de portable rattachent ce long métrage à cette figure tutélaire du cinéma de Hong-Kong. Les lieux (le restaurant) où se déroulent les affrontements soulignent aussi cet hommage. Tout est fait avec beaucoup de finesse. Ceux et celles qui ne saisiraient pas les références ne sont pas exclus du film. Ces hommages enrichissent la narration.


Il en va de même pour Jackie Chan. A la lecture de scénario, on ne peut s'empêcher à son Flic de Hong Kong sortie en 1985 et se passant au Japon. A la vue des scènes, on reconnaît le style Jackie Chan . Le passage sur la cocaïne rappelle également Drunken Master. L'intelligence des réalisateurs les amène à parfaitement digérer ces codes et à les fondre dans leur ensemble. Et à incarner la filiation existant entre ces différents acteurs/artistes martiaux.

Enter The fat dragon réussit parfaitement ce qu'il entreprend. Offrir une kung-fu comédie à l'ancienne, rafraîchissante, suintant l'amour du genre. 100 minutes qui redonnent le sourire. 


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