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Fukushima 50 critique

Jamais tant de gens n'ont dû autant à si peu

11 mars, un séisme de magnitude 9 secoue le Japon, générant un tsunami dont les vagues ont par endroit dépassé les 20 mètres de haut. Le monde assiste en direct à une double catastrophe : la submersion de villes côtières au Nord-Est du Japon et une crise nucléaire majeure. C’est ce second drame qui inspire le dernier film de Setsuro Wakamatsu intitulé Fukushima 50. Porté par un casting de haute volée, il raconte le combat des 50 employés de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi pour reprendre le contrôle de 4 réacteurs entrés en fusion partielle. Un film plein de noblesse, d’humanité et de pédagogie.

Hors de contrôle

11 mars, 14 h 46, un séisme met en alerte les systèmes de sécurité de la centrale. Les réacteurs sont arrêtés, les circuits de refroidissement de secours prennent le relais. Aucun bâtiment essentiel ne semble endommagé. 15 h 30, les vagues du tsunami déferlent sur la centrale et passent au-dessus des digues noyant les pompes et le système de refroidissement. La panne de courant provoque une surchauffe des réacteurs dont l’eau se met à bouillir tandis que les barres d’uranium commencent à fondre. 50 hommes vont devoir tout tenter pour empêcher la perte totale des réacteurs, la contamination du Nord-Est du Japon. Face à l’incompétence de leur hiérarchie, ils mettent leur vie en péril pour circonscrire la catastrophe.

Une leçon sur le nucléaire

A l’image de la série sur Tchernobyl, le film Fukushima 50 parvient à rendre compréhensible et accessible les questions complexes de sécurité nucléaire, de fusion et de réaction nucléaire. Le film est très bien écrit et permet une vraie progression dans la complexité du propos. Chaque mot complexe (cuve, tore, barre de contrôle) est parfaitement mise en image de même que l’architecture des lieux, la composition des fonctions et des systèmes.

Le film réussit à développer cette dimension éducative sans tomber dans le documentaire. Cela reste un film de fiction qui intègre dans sa narration les éléments réels : photographies des travailleurs, funérailles de leur chef. Les personnages bien écrits interviennent à tour de rôle pour incarner cette menace permanente : chaleur, pression… On frissonne à chacune de leur incursion pour reprendre le contrôle notamment par l’astucieuse utilisation du son des dosimètres.

Le film nous montre aussi par des flashbacks toute l’histoire du site. Sans manichéisme il insiste sur le miracle représenté par cette énergie, l’engouement provoqué par la construction de la centrale. Le film évite tout discours idéologique et s’intéresse davantage à la responsabilité humaine dans cette catastrophe. D’ailleurs la fin du film est magnifique : le retour à l’air libre, à la lumière, à la nature. La vie reprend, les cicatrices restent.

Un récit humaniste à hauteur d’hommes

Ken Watanabe, Koichi Sato, Hidetaka Yoshioka, Takumi Saitō, voici une partie du casting cinq étoiles sur lequel le film s’appuie. Des stars confirmés (Ken Watanabe), des idoles de la J-Pop (Takumi Saito) en communion pour vivre cette catastrophe vue par cette poignée de héros. Le scénario met en avant l’honneur, le courage, l’inventivité, la solidarité. Sans avoir besoin d’appuyer sur ses effets, le spectateur assiste au sacrifice des plus âges, à l’entraide, au doute, à la honte d’avoir échoué. Le film propose de petits moments de pause où nous ressentons l’angoisse de ces ultimes remparts, plongés dans le noir la sueur, la peur. Seul l’incroyable sens du devoir permet à cette poignée de sauveurs de surmonter un ennemi invisible.

Il faut aussi admirer la finesse d’écriture. Malgré le nombre de personnages, tous sont parfaitement identifiables. Leur caractère, leur motivation demeurent compréhensibles. On apprécie aussi la direction d’acteur du réalisateur qui jongle entre ces stars. On soulignera aussi la  référence aux Etat-Unis et à l’aide apportée par l’allié américain. Le réalisateur le fait peut être parfois maladroitement. Mais cette dose de fraternité et de reconnaissance est rafraîchissante et tranche avec l’ultra patriotisme des productions sud-coréennnes par exemple (voir le film pseudo historique opération Chromite, memories of war).

Un récit qui égratigne la gestion politique de la catastrophe

Magnifique dans l’émotion, Fukushima 50 l’est aussi dans ce qu’il raconte sur la mécanique de la catastrophe. Les autorités japonaises (Tepco le gestionnaire de la centrale, le gouvernement) ne sont pas épargnées et le film montre l’incroyable désorganisation, le temps perdu, le nombre d’initiatives prises en retard à cause de tracasseries bureaucratiques. Seul le 1er ministre sort grandi du film ne serait-ce que par son déplacement en pleine crise sur le site.

Comme la série d’HBO Tchernobyl, Fukushima lève un voile sur la pire catastrophe nucléaire depuis 1986. Un film fort, intense, intelligent qui résonnera longtemps dans nos mémoires.

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