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The Unity of heroes

Docteur Wong à l'heure du reboot
21 ans après le dernier opus de la saga Il était une fois en Chine mettant en scène le célèbre Wong Fei Hong médecin et maître d'arts martiaux, les producteurs chinois décident de relancer cette licence qui fut il y a 20 ans magnifié par le duo Tsui Hark, Yuen Woo Ping (lors des deux premiers films) et rendit célèbre Jet Li (acteur dans Quatre des six films). Jet Li étant âgé, c'est Zhao Wenzhuo qui l'avait déjà remplacé pour les opus 4 et 5 qui reprend le rôle devant la caméra de Zhanzhao Lin. Pour quel résultat ?



L'histoire nous plonge dans la Chine des Ming quelques années après les terribles guerres de l'opium. Le docteur Wong dirige la plus réputée des écoles d'arts martiaux du port de Canton. La ville est en pleine évolution et révolution suite à l'arrivée toujours plus nombreuses d'Européens et l'ouverture économique du pays. Or la population est de plus en plus victime des ravages de l'opium. Pour lutter contre ce fléau un étranger vient ouvrir un hôpital dans la ville pour soigner les toxicomanes. Mais une nouvelle drogue encore plus dangereuse capable de transformer ses consommateurs en guerrier sur-puissant mais aussi en fous incontrôlables fait son apparition. Lorsqu'un homme atteint de cette folie fait irruption dans l'école d'arts martiaux de Wong Fei Hong, celui décide de mener sa propre enquête ; laquelle se révèle compliquée par le retour de tante May d'Europe et l'installation dans la ville d'un nouveau maître de boxe chinoise bien décidé à se faire un nom.

Pour relancer cette franchise célèbre, les producteurs ont choisi de réaliser un reboot/remake. Le rôle de Wong Fei Hong a été en effet adapté près de 100 fois au cinéma, c'est un rôle lourd, mythique. En 2014, Rise of the Legend avait échoué à donner une nouvelle lecture du personnage. Les producteurs ont choisi la sécurité en s'appuyant sur Zhao Wenzhuo visage connu plutôt que de tenter d'écrire une nouvelle interprétation du personnage.  Ainsi ils ont conservé l'imaginaire, la vision originale du personnage (célibataire et maladroit avec les femmes par exemple) construite par Tsui Hark et ses scénaristes. C'est aussi le même souci de sécurité/facilité qui a commandé l'écriture globale du scénario qui ressemble à la trame du premier Il était une fois en Chine, le commerce de la drogue remplaçant ici le commerce d'êtres humains, une victime échappant à ses bourreaux, l'affrontement avec un autre maître manipulé par les occidentaux, le dilemme moral de Wong entre le respect de la tradition et la modernité. 

Or au niveau scénario cette volonté de ne pas prendre de risque nuit aux enjeux dramatiques. En effet ce nouveau film part d'une bonne idée : évoquer les terribles guerres de l'opium déclencher par les Britanniques. Ces guerre honteuses moralement inexcusables ont amené le déclin de la Chine. Les ravages des drogues évoqués ici par la substances mystérieuses sont malheureusement peu exploitées notamment à cause des motivations tout à fait étranges voire illogiques de l'adversaire de Wong Fei Hong. A vouloir rester dans le carcan du film original, les scénaristes ont oublié que la qualité de la série des Il était une fois en Chine tenait à la force et à la crédibilité des antagonistes. De même les élèves de Wong Fei Hong sont très peu utilisés, se contentant de reprendre les archétypes précédents sans leur donner de consistance. Résultat les spectateurs ne connaissant pas les films précédents auront du mal à bien les différencier. Heureusement le film ose à certains moment s'écarter de l'original  en donnant un image moins manichéenne du rapport Chine-Europe (au travers des apports médicaux, idée présente néanmoins dans Il était une fois en Chine 2), en donnant surtout plus de présence aux personnages féminins. La tante May est importante dans l'intrigue comme l'est l'assistante du médecin, une femme forte qui à la fin (Attention Spoiler) intègre l'école de Wong Fei Hong.  Son histoire est intéressante même si ses motivations auraient mérité d'être plus clairement expliquées. Elle reste néanmoins le meilleur personnage secondaire du film.

Si l'histoire reste extrêmement classique et proche de l'original, la réalisation elle s'en détache mais malheureusement pour de mauvaises raisons. En effet le film reste agréable à regarder. Les acteurs font leur taf, Zhao Wenzhuo est toujours charismatique, les deux rôles féminins une vraie réussite. Les scènes de comédie fonctionnent généralement. Les décors sont globalement beaux, assez réalistes. Le numérique passe bien. Mais en termes de souffle épique, de chorégraphie, le film pêche énormément. Difficile en effet de ne pas le comparer aux originaux tant le réalisateur essaie de coller au style Tsui Hark. Mais il lui manque à la fois la créativité, l'audace et le sens de la mise en scène. Les combats sont à la fois trop sages et trop bizarres. Tsui Hark savait trouver le juste milieu entre incrédulité et réalisme.  On sent que le réalisateur est écrasé par un cahier des charges : évoquer le parapluie (bien introduit d'ailleurs), les 13 coups de pieds...

Au final devant The Unity of Heroes vous ne passerez pas un mauvais moment. Le film est sympathique, emprunt d'un fort souffle nostalgique. Mais sans véritable prétention artistique et scénaristique, il peine à égaler son modèle. Espérons que les suites permettent à la saga de prendre son envol.



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