A redécouvrir

Il était une fois en Chine : la secte du Lotus Blanc

Citius, Altius, Fortius

Un an après la sortie du premier volet débarque en 1992 sur les écrans de Hong Kong la suite des aventures du plus célèbre des maîtres martiaux chinois. A la baguette le génial Tsui Hark avec un casting quasi identique, Jet Li en tête d'affiche mais avec Donnie Yen en plus, les deux stars montantes des arts martiaux, et une histoire encore plus ambitieuse que la première avec un arrière plan politique engagé.

il était une fois en Chine 2



1895, la situation de la Chine ne cesse de s'aggraver. La dynastie Qing peine à contenir les assauts des puissances occidentales. Une faiblesse dont profite les opposants de tout bord, les républicains, les conservateurs et sectes en tout genre. C'est dans ce contexte que Wong Fei Hong quitte Foshan pour Canton afin d'assister à un séminaire de médecine regroupant d'éminents spécialistes chinois et occidentaux.  Mais le dynamique port de la Chine du Sud est agité. Des agents de l'empereur dirigés par Donnie Yen tentent de maintenir l'ordre  et de sauvegarder la souveraineté nationale. Mais rien n'est simple car les partisans du républicain Sun Yat Sen sont de plus en plus nombreux et un mouvement xénophobe, millénariste, la secte du Lotus Blanc multiplie les violences et les provocations  à l'encore des occidentaux. Pour l'envoyé de l'empereur il s'agit de choisir sa voie, une voie qui l'amène à croiser celle de Wong Fei Hong.

Rares sont les suites à prétendre dépasser l'original. La secte du Lotus Blanc réussit à être meilleure qu'un premier opus déjà grandiose. La raison tient d'abord à l'histoire. Tsui Hark bâtit une intrigue solide ancrée dans cette Chine agonisante où pointent la révolution Taiping, la révolte des Boxers et l'avènement de la Chine républicaine. Le film décrit tout le faste d'un empire administratif lentement grignoté par les occidentaux, malade de sa corruption et qui ne tient que par l'abnégation d'agents gouvernementaux (Donnie Yen) et de citoyen comme Wong Fei Hong. L'histoire aussi donne un rôle fort à Donnie Yen, bon et mauvais, défenseur d'un ordre passé, manipulant les extrémistes pour sauvegarder un empire défaillant. C'est un vrai personnage d'antagoniste auquel on s'attache tant ses motivations demeurent défendables bien que immorales. 

De même Tsui Hark utilise le contexte de la rencontre médicale, des débats politiques pour tisser des liens entre Chine et Occident. Moins critique envers les européens, ce film montre à travers la médecine l'incroyable attraction de ce modèle et aussi la pertinence de la médecine chinoise. Une vraie fertilisation croisée au de-là des préjugés portés par les européens et aussi par Wong Fei Hong. Tsui Hark profite aussi de son film pour critiquer le peuple chinois (symbolisé ici par la secte du lotus blanc) facilement manipulable par de faux dieux et capable de sombrer dans la pire des violences. Il est ici facile d'y voir une dénonciation du maoïsme (la destruction des "vieilleries" pendant la révolution culturelle) et aussi de la terrible répression de Tian' Anmen.

Le film aussi est porté par une mise en scène qui frise la perfection. D'abord les environnements urbains sont magnifiques, les plans très stylisés, propres riches en détail. La lumière alterne les codes insistant sur la lente tragédie qui va bouleverser. Le film est ensuite très rythmé alternant les passages de comédies (Tante Yee prodigieuse, les apprentis dont Leung Fu hilarant, touchant), d'action, de réflexion. Pas de temps morts et aussi beaucoup de moments pour se poser, approfondir les dilemmes moraux. Surtout pendant près de deux heures Tsui Hark repousse encore les limites de la mise en scène des combats. Jet Li, Donnie Yen sont littéralement iconisés à chacune de leur apparition. Martialement le film vous donne une claque : combat au bâtons, à main nue, affrontement en pleine rue ou contre le mystérieux gourou de la secte. Les acteurs volent, planent, esquivent... L'ensemble culminant avec le plus grand face à face depuis la fureur du dragon entre Donnie Yen et Jet Li, un combat impressionnant de virtuosité, de puissance et de maîtrise chorégraphié par Yuen Woo Ping (que l'on retrouvera dans Matrix ou Kill Bill). Et comme en plus Tsui Hark a un don pour bien diriger ses acteurs vous vous trouvez devant un véritable chef d'oeuvre du film d'arts martiaux.

La secte du lotus Blanc figure au panthéon des meilleurs film d'arts  martiaux de tous les temps. Une mise en scène ciselée, des acteurs exceptionnels, une histoire intelligente et profonde portée par un Tsui Hark généreux en spectacle et percutant dans son discours


Commentaires