A redécouvrir

Chinese zodiac

20 d'attente
Depuis 1991 le public trépignait d'attente. Le troisième opus de la saga Armour of God verrait-il le jour ? Quand Jackie Chan annonce en 2007 qu'il compte bien clôturer cette série, l'espoir est grand d'autant que les astres semblent s'aligner : une star au sommet de son art, des effets spéciaux numériques en progrès constants, un film promettant de disposer d'un budget conséquent, un public dans l'attente. Pourtant à l'instar d'Indiana Jones 4, cette accumulation de temps, de moyens et l'envie de trop répondre aux demandes du public ne risquait-elle pas de nuire au film ?


D'emblée le film nous propose un scénario beaucoup plus complexe que les précédents opus. Jackie Chan alias le faucon n'est plus un solitaire mais entouré d'une équipe de hackers et d'aventuriers audacieux. Après une spectaculaire opération de vol en Europe de l'Est, ils sont engagés par Lawrence Morgan un homme d'affaire à la limite de la légalité pour mettre la main  sur les 12 têtes de bronze du zodiaque chinois, pillées lors du sac du palais d'été par les armées britanniques et françaises. 6 têtes ont été déjà retrouvées, 5 vendues aux enchères pour des montants astronomiques. L'équipe du faucon se met en quête des 6 dernières prête à tout quitte à trahir la confiance de militants pour la sauvegarde des objets culturels et celle de Catherine de Sichel, une jeune française qui cherche à retrouver la dépouille de son arrière grand père, officier français pendant le pillage du palais d'été. Sans savoir que des enjeux plus sombres accompagnent leur mission.

20 ans séparent les opus 2 et 3. On sent que le temps, les ambitions, ont conduit Jackie Chan et les producteurs à faire des choix qui se révèlent ne le cachons très maladroits et conduisent le film à être une déception. Tout n'est pas à rejeter dans le film. D'abord Jackie Chan est encore très en forme dans les scènes d'action : il en fait encore 10 fois plus qu'un acteur lamba, prend toujours autant de plaisir à prendre et mettre des coups. Il raffole des scènes extrêmes et nous gratifie d'une scène en combinaison de rollerblade véritablement épique. Il nous offre la panoplie totale de l'aventurier : parachute, plongeon, virée exotique. Sa générosité reste une des plus-valu du film. De même que l'énorme scène d'introduction où il va dévaler dans sa combinaison rollerblade les pentes d'une route de montagne. 1 mois et demi de tournage et 10 millions de dollars de budget (sur les 26 millions du total). Notons enfin qu'au casting se dégage un très bon second rôle : celui de Laura Weissbecker qui tire son maximum de son personnage et semble véritablement investie (l'une des seules avec Jackie).

Pourtant ces trois qualités sont noyées par un ensemble très moyen. En effet les scénaristes ont fait un premier mauvais choix : construire une histoire alambiquée faite de sous intrigues mal imbriquées à l'histoire principale extrêmement confuse. On y parle de trafic d'art, de commerce d'art, de protection du patrimoine, de faussaires, de spéculation, de morale... On s'y perd complètement ce qui laisse supposer que le film a subi la même maladie d'Indiana Jones 4 : trop de personnes ont travaillé sur le script qui a perdu toute cohérence. D'autant que se greffent des histoires familiales totalement déconnectées et inutiles (dont Jackie raffole malheureusement dans ses derniers films). Plus grave les scénaristes osent aussi reprendre des schémas, des personnages des films précédents (les hommes de main rappelant les deux pilleurs de trésor du second, la concurrence entre les deux femmes) voire copient des scènes (les deux femmes assommant à coup d'os un pirate référence au second opus où le mercenaire était assommé à coup de gamelle). Il en résulte un immense bazar très long car si le film dure 2 heures, 30 minutes de plus que les précédents, il est beaucoup moins rythmé. Et le film avance suite à des rebondissements qui surgissent de nulle part (le fameux enlèvement des militants). Il se résume à une succession de péripéties dont il est difficile de saisir les liens entre elles. Autre problème, la surabondance de personnages secondaires intéressants en soi mais absolument pas développés. Les jeunes militants dont on  se fout de l'intrigue, le "vautour" voleur concurrent de Jackie intégré dans la dernière demi-heure du film ; l'équipe de Jackie Chan sous-exploitée ; sans parler du méchant dont on a du mal à comprendre tous les buts.  Et comme beaucoup de ces acteurs sur-jouent ou jouent assez mal (peut être à cause de la maigreur de ce qu'on leur donne à jouer), l'ensemble tombe vite à plat.

Le second mauvais choix concerne le ton du film. Ce qui fonctionnait en termes de "caricatures" gentilles il y a 20 ans ne marche plus. Or le film tombe dans une image de la France assez stéréotypée voire involontairement drôle : les grands nobles, les manières, les grands châteaux... C'est très joli mais totalement hors de propos. De même quand le film tente de faire passer sa morale sur le pillage des oeuvres, tout tombe à plat, certainement à cause du jeu catastrophique de l'actrice chinoise. Et pourtant il y avait des choses à dire et le discours sur "ne pas faire reposer sur les enfants les fautes de leurs années", une critique douce du nationalisme auraient mérité un meilleur traitement. La troisième erreur concerne la réalisation. Les précédents opus n'avaient pas eu un budget énorme et s'en étaient tirés brillamment : limitant les effets spéciaux et trucages, choisissant des décors réels, des espaces clos en studio pour recréer la grotte de la secte voire la base dans le désert. Celui-ci tombe dans l'effet inverse sur-utilisant le numérique dès la séquence d'introduction très laide sur le pillage du palais d'été avant de tomber dans la bouillie visuelle pour toute la séquence de l'île, sorte de version cheap de pirates de Caraïbes. C'est très moche et nuit à toute immersion dans l'univers.

La dernière erreur concerne la construction de l'ensemble et le lien avec les oeuvres précédentes. Le film tombe dans un double écueil : trop de références et pas assez de liens. Il y a en effet beaucoup de clins d'oeil appuyés aux anciens films notamment dans la construction des scènes (le combat dans l'entrepôt qui ressemble  à celui de la base dans le second film), les lieux choisis (les châteaux), les personnages (les vieilles familles nobles d'Europe). Le seul clin d'oeil réussi est celui avec le chewing gum. Mais dans le même temps le film semble totalement indépendant des deux autres. Certains personnages qui faisaient le lien entre les deux premiers (le riche collectionneur mécène) ont disparu de même que certains gimmicks. Même la personnalité de Jackie (il est père dans le film) est très mal amenée alors qu'elle aurait pu être un vrai ressort dramatique.

Chinese Zodiac ne réussit pas à renouveler l'expérience incroyable des deux premiers opus. Trop confus, trop dispersé, écrasé sous le poids des intentions et des moyens, il ne parvient pas à clore magistralement la saga et demeure un honnête film d'action porté par un acteur hors normes. 


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