A redécouvrir

Opération Moolah

Les ailes de l'angoisse


La supériorité aérienne est devenue la pierre angulaire de la doctrine militaire des Etats-Unis depuis la fin de la seconde guerre mondiale. L'acquérir forme la base de toute opération militaire terrestre ; la maintenir devient la condition jugée essentielle pour toute victoire future même si des guerres (le Vietnam, guerres d'Afghanistan) ont montré que cette condition nécessaire n'est toutefois pas suffisante. Il reste que dans le cas d'une guerre classique cette suprématie demeure la clé de la victoire. Ainsi lors de la guerre de Corée, après des premiers mois triomphants pour la Corée du Nord, ses forces  se sont vite heurtées à une difficulté insurmontable, la domination des airs par les pilotes des Etats-Unis et de la coalition. En brisant les reins des divisions blindées adverses, en ralentissant voir détruisant la logistique, les forces aériennes de l'ONU ont rendu possible la résistance de Busan puis la manoeuvre d'Incheon. Alors qu'en novembre 1950 la guerre semblait s'acheminer vers un succès du camps occidental, une double surprise -l'arrivée en masse des chinois et surtout la livraison de Mig 15 par l'URSS (ainsi que de pilotes)- allait renverser le cours de la guerre. Si nous avons déjà parlé sur ce blog de l'impact des troupes chinoises et du carton effectué dans les airs par les pilotes russes, nous allons évoqué une étonnante opération menée par l'US Air Force et le services secrets.

L'irruption du MIG 15 a mis les pilotes des nations Unies dans une situation inédite. Cet avion encore mal connu était plus rapide que le F 86 sabre américain, plus maniable en haute altitude et surtout très bien armé avec son canon de 37 mm qui perforait les bombardiers de l'ONU. Maniés par des pilotes mieux formés que leurs homologues chinois et coréens, les escadrons de MIG 15 "russes" de la 324è division aérienne sont devenus une terreur qui ont permis de sanctuarisé une partie du Nord de la Corée du Nord et donné du temps aux pilotes chinois et nord-coréens de mieux se former. Face à ce dilemme et longtemps ignorant de la présence de pilotes russes, les responsables des Etats-unis se virent contraints de lancer une opération de guerre psychologique : contre 100 000 dollars et l'asile politique, convaincre un pilote ennemi de faire défection avec son Mig 15.  Si la paternité de l'opération est toujours sujette à controverse (bureau Alan Abner, Edward Hymoff un correspondant de guerre et ancien de l'OSS), l'opération est approuvée le 20 mars 1953 par l'Etat major.  Pour attirer un éventuel pilote, l'offre est diffusée par 14 stations radio au Japon et en Corée du Sud ainsi que par des tracts (1,2 millions)  jetés depuis des bombardiers B 29.

Beaucoup d'efforts dont le bilan est quasi nul. En effet un seul pilote fit défection, No Kum-Sok le 21 septembre alors que la guerre est finie depuis le 27 juillet. Or il témoigne que sa défection n'a été motivée ni par l'argent ni par l'opération Moolah dont il ignorait l'existence. Il explique en effet que les MIG 15 étaient stationnés en Mandchourie loin des zones de largage des tracts, que d'autre part aucun pilote communiste n'aurait pris au sérieux la récompense. L'impact direct fut donc nul. Néanmoins un élément indirect est à noter. Les vols de Mig 15 furent moins nombreux les semaines qui suivirent les largages. Des enquêtes visèrent tous les pilotes de Mig 15 dont le futur No !!  Sa défection entraînera d'ailleurs l'exécution de 5 de ses camarades. Cette soudaine crispation des russes s'explique certainement par la défection vers le Danemark le 5 mars 1953 d'un pilote polonais et de son MIG 15, Franciszk Jarecki (dont le visage était imprimé sur le tracts largués).

Opération à moitié réussie, cette tentative fut pourtant reprise à de nombreuses reprises durant la guerre froide. En Chine continentale, les chefs nationalistes offraient de coquettes sommes en or aux pilotes communistes qui les rejoindraient ; en 1962 les Etats-Unis tentèrent par ce biais d'obtenir un MIG 21. Au Vietnam les Etats-unis tentèrent de réitérer le succès partiel de Moolah en obligeant le Nord-Vietnam à soupçonner ses pilotes et ainsi à restreindre les sorties aériennes.

Commentaires