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Red Cliff Part 2

Les Trois Royaumes, second volet



Chine, 208 après Jésus Christ. L'armée de Cao Cao, bras armé de l'empereur Han campe sur les bords du fleuve Yangzi. Face à lui, l'alliance des royaumes de Wu et de Shu tente de lui barre la route. Face à l'invincible armée du Nord, les hommes du Sud ne peuvent compter que sur leur ruse, leur connaissance du terrain et leur courage. Le dernier acte de la guerre approche.

4 heures, deux films, voici le pari osé de John Woo pour rendre grâce à une page célèbre de l'histoire de Chine. La première partie a clairement tenu ses promesses alternant action, réflexions, description fidèle à la fois de la situation politique et adaptation des passages du roman les Trois Royaumes. Ce second film s'attache à nous décrire la bataille navale proprement.

Première surprise agréable, John Woo continue sur ses mêmes bases. Il prend son temps. En deux heures de film, il en consacre la moitié à une lente et oppressante montée en tension. Deux immenses armée séparées par un fleuve mince. De part et d'autre les stratégies, les ruses se tissent. A nouveau l'écriture mêle d'un part la grande histoire (les passages célèbres des épouvantails, des faux espions, des amiraux décapités) avec la petite histoire : l'amitié entre l'espionne et un soldat du Nord, les soldats en proie à la famine et à la maladie. Le film tout en dressant un duel entre trois hommes, trois esprits, évite de tomber la froideur. Ainsi Cao Cao est dépeint avec plus d'humanité : c'est un père, avec des passions d'hommes et qui souffre avec ses hommes. La multitude de scènes autour des simples soldats évite de tomber dans le manichéisme. C'est une guerre civile avec son lot d'inepties. Autre point fort de ce second volet, la place des femmes : entre l'espionne, les danseuses, la reine. Tout en restant secondaire elles jouent un rôle excellent, notamment quand les rebelles doivent gagner du temps.

"On peut toujours regagner le terrain perdu, jamais le temps perdu, déclare le général prussien Von Gneisenau". John Woo illustre à merveille cette maxime dans la seconde partie de son film. Connaissant mal le terrain, Cao Cao excellemment interprété s'embourbe dans ce pays au vent capricieux, au fièvre terrible et aux espions multiples. Il perd son temps, séduit par une femme, pris dans le jeu opaque de trahison. Toute la construction du récit mène à ce dénouement où l'inversion du sens de vent conduit au désastre. Et comme dans le premier volet, le film brosse toute la richesse des stratagèmes utilisés par les deux camps : trahison, épidémie, faux transfuges, guerre psychologique. Cette lente montée du drame nous conduit dans la dernière heure à une orgie d'actions.

Avec talents John Woo nous offre une très jolie scène de lanternes s'envolant en pleine nuit vers le Nord. Le vent a tourné et le sens de l'histoire aussi. Préambules à un déferlement d'actions. Un assaut naval nocturne à coup de brûlots, un affrontement terrestre encore une fois épique. L'homme nous a promis du spectacle et son final est exceptionnel. Si l'on excepte quelques effets numériques pas optimaux, l'ensemble se tient. C'est une véritable tornade de feu qui s'abat. La direction des acteurs est superbe car à nouveau tout en offrant une vision globale de la bataille, elle nous permet de sentir la souffrance, la peur de chaque soldat.  Jusqu'à sentir dans le regard des généraux, une satisfaction mêlée de terreur devant l'ampleur du drame. Et cela ne s'arrête pas au combat naval. Car l'assaut terrestre vaut son pesant d'or : un débarquement, un siège, une charge de cavalerie, des duels d'infanterie géants,  portés par des centaines de figurants. Il y a un peu du soldat ryan, mixé avec frères de sang, chorégraphié à la perfection. Avec un face à face final filmé comme un duel digne d'un western dans la plus pure tradition des polars de John Woo. Maestria visuel qui 'en n'oublie pas son propos : plus qu'une fable dédiée au guerrier, le film dénonce l'absurdité d'un massacre "il n'y a pas de victoire ici" déclare le général du Sud. Et les alliés du jour deviendront les ennemis de demain..

Une fin en apothéose point d'orgue de quatre heures d'attente !! John Woo a réalisé sa fresque historique, oeuvre majeure d'un cinéaste qui n'a pas fini de nous surprendre.

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