A redécouvrir

the crossing partie 2

Une suite magnifique

    Chine 1949. Le pouvoir nationaliste s’effondre devant la marche des armées communistes. A Shanghai la panique s’empare d’une partie de la population qui cherche par tous les moyens à fuir pour Taïwan. Les tickets pour embarquer se vendent à prix d’or, le paquebot Taiping multiplie les navettes, prenant à chaque voyage plus de voyageurs et de risques. Dans le même temps 6 personnages vont voir leur destin s’entrecroiser dans les eaux sombres de la Mer de Chine.



The Crossing c’est la nouvelle fresque fleuve du maestro John Woo. Après un premier volet d’une intelligence rare où les pièces du drame ont été méticuleusement placées, le second volet s’attarde sur un des pires drames de la marine taïwanaise : le naufrage du paquebot Taïping le 27 janvier 1949 et la mort de 1500 passagers. Ce drame sert de toile de fond romancé à une fresque épique sur un passage de l’histoire de la Chine : la fuite des nationalistes à Taïwan. Grosse production chinoise, il a fallu toute l’aura et la finesse de John Woo pour échapper à la censure. Introduisant le personnage du frère de Takeshi Kaneshiro, militant communiste ou celle du père (un opposant fusillé par les nationalistes), John Woo introduit (avec délicatesse) la critique de la dictature de Chiang Kai Chek. De même l’itinéraire du général nationaliste, héros de guerre abandonné par sa hiérarchie, dénonce l’absurdité d’un affrontement où les camardes de guerre d’antan se retrouve face à face et pointe du doigt l’inefficacité réelle du régime nationaliste pourrissant de l’intérieur et dont les leaders préfèrent fuir à Taïwan et laisser leurs soldats périr sur place. Pourtant une fois ce passage imposé passé, John Woo se concentre sur le vrai propos de son film : le drame humain.

Cette seconde partie c’est à nouveau trois films en un. En effet son dernier tiers c’est un Titanic à la chinoise, en plus dense. On y retrouve le drame des personnages piégés au milieu de rien, l’incompétence du commandant, les scènes de lutte, de lâcheté, de courage, de survie. John Woo réussit à faire saisir à la fois la dimension du drame et le destin tragique de chaque individu. En effet l’écriture, la mise place permet d’identifier chacun des personnages représentés : l’homme d’affaire, les soldats, l’infirmière. L’émotion reste forte pendant tout le naufrage. Les clins d’œil au film Titanic sont astucieusement distillés. Et pourtant si les bandes annonces ont largement insisté sur cette partie du film (très réussie), ce sont les 2 premiers tiers qui propulsent l’œuvre - un drame et un film de guerre. Car John Woo excelle dans la narration d’histoire parallèle : le médecin taïwanais partagé entre son devoir familial et son amour perdu (le piano !!! quelle idée scénaristique brillante), l’épouse du général attendant le retour de son époux, l’infirmière recherchant en vain son mari parti et peut être blessé, le jeune soldat porté à survivre par la fausse photo de son mariage, le général isolé. Celui-ci offre de très belles séquences de combat d'écrivant l'absurdité et la violence de la guerre civile.  Ce sont à la fois des histoires simples et intelligemment amenées. Et aucun happy end débile ne vient gâcher le tout.

Ce qui rend ce second volet sublime c’est le foisonnement de symboles : le phare, le serpent ; le tableau et surtout la tempête finale ravageant tout (l’ancienne maison) et annonçant la naissance d’une seconde Chine –Taïwan-. Une intrigue riche portée par des acteurs encore une fois sublime. On ne le dira jamais assez mais la carrière Zhang Ziyi, jeune prodige, égérie de la mode, est en train d’emprunter la même voie que celle de Gong Li (éclatante dans les films dramatique de Zhang Yimou).  Takeshi Kaneshiro le japonais du casting (né à Taïwan, tout un symbole) continue sur sa lancée de prestations parfaites jonglant dans des langues différentes sans problèmes. Et il est en de même pour tous les autres membres de ce casting multi étoilés. Mention spéciale pour Masami Nagasawa, belle découverte.

The crossing partie 2 clôt avec brio cette fresque vertigineuse. Il est tentant de vouloir la comparer avec Red cliff. Si Red Cliff la dépasse par l’ampleur du souffle épique, The Crossing nous touche plus par son drame vécu à hauteur de femmes et d’hommes et pour le regard libre porté sur cette page encore méconnue de l’histoire chinoise.



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