D'ennemis à frères d'armes
Il a été longtemps présenté comme le guerrier fantôme. Nemoto Hiroshi général mort en 1966 a eu parcours rare dans l'Asie de l'Après 1945 au point de recevoir en 1952 des mains de Chiang Kai Chek une paire de vases précieux qu'il conservera dans son bureau au Japon. Ces vases sont uniques car il n'y a que trois autres paires, une donnée à la reine Elizabeth II comme un cadeau de mariage et offerte comme cadeau pour marquer la victoire de la Chine et la Grande-Bretagne dans la Seconde Guerre mondiale. La seconde e a été présentée à la famille impériale japonaise et la troisième paire a été conservée dans la collection personnelle de Chiang Kaï-shek. Comment expliquer une telle marque de gratitude de la part du dirigeant nationaliste qui passa 7 ans à combattre et surtout à supporter l'agression de l'armée impériale japonaise ?
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Nemoto Hiroshi et Chiang Kaï Chek
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La carrière du général Nemoto est assez classique pour un haut gradé japonais :
- naissance : 1896
- 1932 : grade de colonel
- 1934 : intègre au ministère de la guerre le service en charge des relations avec la presse
- 1936 : nommé commandant de régiment
- 1937 : envoyé en Chine du Nord
- 1938 : nommé Major général
- 1939 : chef d'état major de la 21è armée
- 1940 : nomme lieutenant général
- 1940 : chef d'état major pour l'armée du Sud de la Chine
- 1941 : commande la 24è division en Mandchourie
- 1944 : commande la 3è armée
- 1944 : commande l'armée de Mongolie
- 1945 : commande l'armée du Nord de la Chine
Son parcours ne l'a que peu opposé aux nationalistes. Cantonné au Nord, il a surtout affronté les résistants communistes. Officier dans l'armée du Nord, proche de l'armée du Kwantung ce sont les communistes et l'U.R.S.S qui restent les principaux adversaires. C'est en 1945 que cet officier va "sortir du rang". Le 15 Août 1945, l'empereur japonais Hirohito s'adresse par la radio à la nation et annonce la capitulation du Japon. En effet les bombes atomiques associés à l'entrée en guerre de l'U.R.S.S ont enlevé tout espoir d'une paix honorable. Mais voyant l'armée soviétique piller la Mandchourie aux lendemains de son offensive éclair (opération tempête d'août déclenchée le 9 août 1945), le général Nemoto défie l'ordre
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Capitulation à Pékin de Nemoto Hiroshi |
de capitulation de l'empereur japonais et continue la lutte contre les Russes et leurs acolytes communistes chinois, une tradition dans les armées japonaises du Nord de la Chine. . Bien que les chances étaient contre lui, Nemoto défait l'armée soviétique et se tourne vers Chiang Kai-shek, le commandant allié en chef du Théâtre de la Chine. Chiang a été très impressionné par la victoire de Nemoto contre les Soviétiques et le reçut à Pékin. Chiang était en outre ravi de pouvoir recevoir la capitulation de troupes japonaises et ainsi récupérer leurs armes (alors que la grande majorité des forces japonaises du Nord est tombée aux mains des russes qui ont transféré leurs armes à Mao).
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officier/conseillers Japonais à Taïwan |
En 1949 alors que les nationalistes en retraite décident de se replier sur Taïwan, Nemoto et des officiers japonais anti-communistes accostent par bateaux à Taïwan et décident de poursuivre la lutte aux côté des Nationalistes !!! (notons que pendant la guerre civile chinoise, des soldats japonais ont servi du côté de Mao contre Chiang pour poursuivre une guerre qu'ils refusaient d'avoir perdu). Pour Nemoto, le chantier est immense. L'armée nationaliste est en décomposition. Trois années de défaites interrompues ont brisé son moral. Chiang l'envoie dans le Fujian, la dernière province du continent qui résiste encore. Nemoto le convainc qu'il n'y a plus aucun espoir dans cette province en raison de problèmes logistiques. Il conseille au contraire de replier les excellentes troupes du Fujian à Kinmen, un groupe de petites îles au large de cette province. Instruit de la défaire du Japon dans le Pacifique, Nemoto n'est pas un partisan de la défense jusqu'au bout et du sacrifice des hommes. Nemoto a surtout en tête un objectif beaucoup plus essentiel : protéger Taïwan d'un débarquement communiste. En effet Mao veut profiter de l'élan de sa victoire pour achever la conquête de toute la Chine, donc de Taïwan et prévenir un éventuel retour des nationalistes. Pour ce faire ses généraux sont persuadés qu'il faut d'abord s'emparer de deux archipels, base essentielle avant l'attaque générale : les archipel de Kinmen (ou Quémoy) et Matsu. Bien que peu expérimentés dans les opérations amphibies ils sont confiants car ils estiment l'île défendue par seulement 12 000 hommes (il y en aura 3 fois plus) et que le moral des nationalistes est si bas qu'ils ne pourront offrir une grande résistante.
Mais Nemoto a déjà entamé son travail de conseil. Il a d'abord lancé la construction d'installations souterraines, comme celles des japonaises construites dans Iwo Jima pour faciliter la défense. Nemoto a également correctement prédit où les communistes chinois choisiraient de débarquer, près de Longkou. Le 25 octobre les forces de l'Armée Populaire de Libération (nom des forces communistes) se mettent en mouvement. Le débarquement doit se faire en deux phases : une première force de 9000 hommes doit conquérir une tête de pont, un seconde de 10 000 hommes doit achever la conquête qui ne doit pas prendre plus de 3 jours. La traversée se révèle plus difficile que prévue : une partie des bateaux se disperse, le mal de mer frappe les troupes. Lorsque celles-ci débarquent enfin, elles tombent sur le réseau de défense tissé par Nemoto : 200 bunkers, des obstacles amphibies et 40 000 hommes prêts à en découdre. S'extirper de la plage coûte de lourdes pertes aux forces de l'APL qui arrivent de justesse à conquérir le village de Longkou. Mais leurs maigres têtes de pont sont perdues dans la journée du 25. Soumis aux bombardements incessants de l'aviation, repoussées par les renforts nationalistes, les forces de l'APL s'accrochent aux villages et aux plages. Les renforts débarqués ne servent qu'à augmenter le nombre de soldats coincés dans la nasse. Le 27 l'affaire est pliée : les 9 000 soldats de l'APL sont perdus (tués ou prisonniers). Pour Mao l'échec est total. Il ne débarquera pas à Taïwan, son armée étant insuffisamment préparée et équipée pour ce type d'opérations. Chose rare il n'en tiendra pas rigueur au général Ye Fei, le responsable du débarquement, qui était un de ses généraux préférés. Mais la censure s'abat et la défaite est cachée.
A Taïwan, ce débarquement avorté appelé bataille de Guningtou a un grand retentissement. La victoire rare pour le Kuomintang a eu impact moral fort. Pour un temps l'île était sauvée, grâce à des officiers japonais. Le déclenchement de la guerre de Corée l'année suivante et le traité de défense entre Taïwan et les Etats-Unis allaient rendre encore plus hypothétique tout retour en force des communistes.
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