L'homme qui a survécu à deux bombes atomiques
“Personne ne saurait dire si c’est l’homme le plus chanceux ou malchanceux du monde”. Voilà comment pourrait être résumé la vie de celui qui s'est éteint en 2010 à l'âge de 93 ans d'un cancer de l'estomac. Tsutomu Yamaguchi a été le témoin d'une histoire tragique, celle de l'impérialisme japonais, de la guerre, des bombardements atomiques. Son histoire est celle d'un malchanceux qui se retrouva deux fois aux mauvais endroits aux mauvais moments et qui pourtant survécu à deux bombes atomiques. Retour sur ce drame, ce miracle, ce destin hors normes.
Un ingénieur naval
Tsutomu Yamaguchi est un ingénieur japonais né le 16 mars 1916 à Nagasaki. Engagé dans les années 1930 par la firme Mitsubishi, il aide à la conception de pétroliers, navire vital pour toutes les marines du monde, notamment le Japon qui possède en 1940 la troisième marine du monde. Quand la guerre éclate, le pays s'empare des champs pétrolifères indonésiens et charge des dizaines de pétroliers de ramener le précieux liquide dans l'archipel.
Mais très vite, sous les coups de l'aviation et des sous-marins étatsuniens, le nombre de pétroliers disponibles baissent tragiquement. En 1944, le Japon n'en possède pratiquement plus et est obligé de déplacer sa flotte en Indonésie, au plus près des sites d'extraction et de raffinage.
Hiroshima
Le 6 août 1945, Yamaguchi est en mission au chantier naval d'Hiroshima. Celle-ci touche à sa fin et il espère quitter la ville au plus vite pour rejoindre sa famille qu'il n'a plus vu depuis 3 mois. Ce matin-là, Yamaguchi doit emprunter le bus avec deux de ses collègues qui doit les amener aux bureaux de son entreprise dans la ville. Mais avant de grimper dedans, l'ingénieur se rend compte qu'il a oublié le tampon de la société. Il fait demi-tour vers la pension où il logeait, récupère l'objet mais découvre que le car est parti sans lui. Le gardien de la pension, M. Nakaba l'invite à prendre une tasse de thé avant de le laisser repartir.
Sans bus, le seul moyen de rejoindre ses bureaux, c'est de prendre le tram. Dans le ciel, des avions américains ont été vus mais personne ne s'inquiète car sils n'ont lâché aucune bombe. Ce que les habitants de la ville ignorent, c'est ce que ce sont des éclaireurs. Il est 8h 16. Yamaguchi marche vers les quais quand l'avion Enola Gay lâche Little Boy, à 3 kilomètres de là. Un bruit de moteur, une colonne de feu, un sinistre nuage, voilà ce que l'ingénieur aperçoit en premier. Vient ensuite le souffle, l'onde de choc, les brûlures, une pluie noire. Bien que blessé, il a survécu contrairement aux 90 000 à 200 000 victimes.
Nagasaki
Choqué mais heureux d'être en vie, Yamaguchi n'a qu'une hâte, rejoindre les siens. Dans le chaos d'une ville en ruine, il trouve un train qui le mène vers Nagasaki. Il apprend, au passage, que ses deux collègues du matin ont également fait un détour et sont aussi en vie. Arrivé à Nagasaki, il retrouve sa famille notamment son jeune garçon de 8 mois.
Mais au lieu de profiter d'une pause, l'ingénieur retourne au travail où ses collègues ne manquent pas de le questionner. Nous sommes le 9 août, 11 h 01 heures. Tsutomu Yamaguchi décrit à ses collègues incrédules, ce qu'il a vu et confirme qu'une seule bombe a rayé de la carte la ville d'Hiroshima. Soudain un éclair jaillit de l'extérieur. Yamaguchi comprend tout de suite qu'il s'agit d'une nouvelle bombe. Comme les bureaux de son entreprise sont situés à 3 kilomètres du point d'impact, il n'est pas blessé. Mais les symptômes du premier bombardement vont lui occasionner pendant plusieurs semaines fièvres et vomissements.
Ces douleurs ne le quitteront jamais. Pourtant il reprendra son travail auprès des chantiers navals. Il survivra jusqu'en 2010 à la différence de sa femmes et de ses deux fils qui mourront de cancers généralisés avant lui.
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