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Réalisé par Ninomiya Ken, réalisateur surdoué de 31 ans, Chiwawa est un film dramatique teinté de
mystère et de romance sorti au Japon en 2019. Merveilleusement incarné et
profitant d’une mise en scène audacieuse et inspirée, il propose une réflexion tant sur les choix de vie que sur la difficulté de garder les pieds sur terre
dans un monde schizophrène.
Chiwawa a tout pour elle. Jolie, espiègle, populaire tout
semble lui réussir. Elle ose tout, réussit tout. En quelques temps, elle est
devenue une modèle, une star d’instagram et une égérie. Vivant à 100 à l’heure,
elle fascine ses amis qui peinent à toujours la suivre. Quand son corps
démembré est retrouvé dans la baie de Tokyo, le choc est immense et la peine
indescriptible. Qui a pu commettre un tel crime et pourquoi ?
C’est à ces questions que Miki, une amie (amoureuse de
Chiwawa) décide de trouver des réponses. En se remémorant les moments passés
avec Chiwawa, elle découvre qu’elle ne sait pas grand-chose sur elle.Elle
décide donc de retrouver ses amis et tous ceux qui l’ont fréquentée pour
découvrir qui se cachait réellement derrière ce visage d’ange.
Le film de Ninomiya Ken est d’abord un bijou de mise en
scène et de montage. A l’image d’un World
of Kanako, il propose en effet des scènes débordant de couleurs saturées.
Les jaunes, pastels, les fluos, les roses illuminent littéralement l’image. Toute la
première partie du film se présente alors comme une gigantesque fête digne des
spring Breakers où l’étrange Chiwawa entraîne ses amis. L’ensemble culmine avec
un orgiaque week end à Okinawa où tous les excès sont permis. Le montage,
nerveux, clippesque accompagne magnifiquement cette plongée dans un monde iréel
où tout est permis.
Pour souligner la dimension baroque de son univers, le
réalisateur accord une place essentielle à la sensualité. Chiwawa séduit et
aime être séduite. Elle affole les corps et les esprits et entraînent tous ses
amis d’un soir dans une débauche sans fin et décomplexée. Elle apparaît très
vie comme l’élément déclencheur, libérateur rendant tout possible. Le vol d’un
sac, un baiser, et toutes les digues sautent. Chacun se laisse aspirer par cet
être sur qui rien ne semble avoir de prise.
Pourtant le film, par son montage alternant des moments
présents, passés, propose une lente déconstruction de son héroïne. De
Chiwawa, on découvre que personne ne connaît ni son vrai nom, ni son origine. Son arrivée
dans le groupe de ses futurs amis ne s’explique pas. Elle est là, s’impose naturellement et
devient le centre de leur univers et de leur fantasme. Pourquoi ? personne
ne le comprend vraiment. Il en va de même pour sa carrière de modèle ou d’instagrameuse.
Tout arrive comme dans un conte de fée.
Mais celui-ci, à l’image de l’argent dans le coffre,
s’efface inexorablement pour laisser place à un drame terrible. Toutes ces
fêtes, ses paillettes, cette excentricité ne sont qu’agitation dans laquelle se
noie Chiwawa. Plus le film avance, plus il déconstruit l’image de la jeune
insouciante pour nous décrire une fille fragile, errant d’amours déçus en
promesses de lumière, mais dont la chute semble inéluctable. Chiwawa semble se
consumer comme une étoile dont l’éclat intense annonce la mort soudaine. C’est
ce qui rend l’enquête de la jeune Miki passionnante. A chaque avancée, le
vernis craque et accentue le malaise : personne n’a jamais su qui était
Chiwawa. Elle a traversé leur vie telle une comète.
Le long-métrage tout en déconstruisant son personnage
principal apporte une vision acerbe sur la société japonaise moderne. Le monde
du show-business est en effet égratigné, notamment sa capacité à broyer les
« stars » et à les jeter sur le bord de la route une fois leur temps
passé. La scène du shooting où Tasanobu Asano
martyrise la jeune Chiwawa est glaçante par le réalisme cynique qui s’en
dégage. Les rapports hommes-femmes ne sont pas non plus oubliés notamment la
sexualisation à outrance des jeunes japonaises.
Le film dépeint surtout une jeunesse nippone en perte de
repère, errant sans but de fête en fête. Rien ne semble plus l’intéresser si ce
n’est d’éphémères expériences extrêmes. C’est tout le sens du voyage à Okinawa
où l’agitation cache la frustration. Tant que l’argent coule à flot, le show
continue jusqu’à ce que l’illusion se dissipe.
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