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Critique de A long goodbye

La mémoire dans la peau

A long goodbye japanese movie

La population japonaise est une des plus vieillissantes au monde. Ce phénomène qui trouve son origine dans des causes à la fois démographiques, culturelles et politiques, conduit le pays à faire face à tous les défis proposés par le grand âge. C’est à cette question que s’attaque le film A long goodbye qui réussit à traiter avec optimiste et humour le sujet de la dépendance, de la démence et du deuil.

Quand les souvenirs s’effacent

Shōhei Higashi  va fêter ses 70 ans. C’est l’occasion, avec sa femme, d’inviter leurs deux filles, Fumi et Mari qui vit aux Etats-Unis d’Amérique. Au cours du repas, ces dernières vont apprendre que leur père souffre depuis 6 mois d’Alzheimer. Aucun traitement n’existant, la maladie ne peut que s’aggraver. Rien ne pourra enrayer la perte progressive des souvenirs de leur père et à termes sa mort.

Face à cette terrible nouvelle, la famille va réagir différemment. Les filles vont s’interroger sur leur choix de vie, le rapport à leur père et se rappeler qui était l’homme derrière le masque de sérieux. L’épouse va accompagner son mari jusqu’au bout, cherchant par tous les moyens à rendre ses derniers moments joyeux. Le père va vivre avec sa maladie, continuant à lire, à rire, à écrire contre vents et marées.

A long goodbye japanese movie

Une histoire drôle sur la perte de mémoire

La première énorme surprise que réserve ce film, c’est son ton. Alors que son thème est pesant - la maladie, la perte d’autonomie, la mort-, sa mise en scène est très lumineuse et colorée. Que ce soit pour les extérieurs que les intérieurs, le réalisateur a choisi de mettre en avant la vie. Une fête foraine, le bord d’une rivière, une maison isolée en montagne, chacun célèbre les souvenirs d’une vie remplie de moments doux, heureux. Ce parti pris cherche à nous faire ressentir les dernières étincelles de mémoire, brillant de mille feux pour le malade, avant de s’éteindre à tout jamais.

Cette mise en scène exaltante s’accompagne d’un style qui laisse une grande place à l’humour. Le film traite de toutes les situations cocasses, tragi-comiques, résultats de cette perte de mémoire. Cela commence par la non-reconnaissance de sa femme, de ses filles. Cela se poursuit par une déclaration d’amour à  sa femme. Cela continue par des quiproquos nombreux : dans la grande surface, sur les bords de la rivière, dans l’appartement, lors des funérailles. A long goodbye ne travestit pas son sujet. Il libère un sourire libérateur autant pour le malade que pour ses proches.

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 A long goodbye. Des acteurs incroyables

Le casting, impeccable, porte à merveille ce film fort, drôle et grave. En premier lieu il faut saluer l’incroyable prestation de Tsutomu Yamazaki dans la peau du patriarche. A la fois grave, solennel dans la figure de l’ancien enseignant cultivé et respecté, il devient émouvant, comique quand il incarne le malade qui oublie tout, confond les lieux, le temps, les personnes. L’ensemble étant bonifié par cette capacité à trouver en un regard, un sourire l’émotion juste pour nous faire passer de la tristesse à la joie de vivre.

Et que dire du reste du casting. Les actrices sont prodigieuses. Yu Aoi évidemment, comme toujours, rayonnante, fragile devant la figure de ce père qu’elle a cru toute sa vie de décevoir. Yuko Takeuchi touchante en femme japonaise expatriée qui perd pied dans sa vie familiale et qui retrouve sa stabilité auprès des siens. Chieko Matsubara rayonne dans la peau de cette épouse fidèle, aimante et dévouée à sa tâche. On soulignera aussi tous les seconds rôles notamment le petit-fils.
A long goodbye japanese movie

L’amour plus fort que tout

A long goodbye se présente comme une ode à l’amour. L’amour pour son conjoint malgré les aléas, les accidents de la vie. C’est un amour simple, pur, fait de regards, de complicité, de confiance comme la magnifique séquence de l’hôpital. C’est aussi l’amour pour ses proches quels que soient les erreurs, les oublis, les faiblesses. Rien n'est perdu si on ose dire ce qui vous manque (voir la scène du lycée).

Il y a surtout un autre amour qui irrigue tout le film jusqu’à la scène finale. Celui qui naît des moments passés qui imprègnent la mémoire, de ces objets du quotidien qui se chargent du souvenir des êtres aimés. C’est tout l’enjeu de cette histoire : savoir dire au revoir pour mieux se rappeler des moments forts.

A long goodbye vous proposera donc une histoire touchante, pesante, traitée de façon décomplexée. Ce long métrage est une vraie thérapie pour passer l’épreuve de la maladie et du deuil. 

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