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Dans la filmographie de Daigo Matsui, la femme japonaise a une grande importance. En s’attaquant en 2016 à l’adaptation du roman Japanese Girls never die, il se lance dans un projet ambitieux sorte de Thelma et Louise version nippone où s’entremêle parcours initiatiques, conte fantastique et charge frontale contre le maschisme. Le tout donne un film unique, brillant et déroutant au sens noble du terme.
Haruko Azumi a 28 ans et sa vie tourne en rond. Toujours célibataire, elle travaille dans un petit bureau subissant les blagues douteuses de ses collègues masculin. Sans perspective de progression sociale, elle n’a pas non plus beaucoup d’espoir sur le plan sentimental. S’entichant d’un jeune homme un peu perdu, elle commence une relation sans relief pour faire comme les autres.
Or, un jour elle disparaît. Repérant son visage sur une affiche de recherchée collée sur le mur du commissariat du quartier, deux artistes de rue décident de le copie et d’en faire un poster. Le reproduisant partout dans la ville, le visage devient viral et semble inspirer une bande de jeunes lycéennes multipliant les agressions contre les hommes isolés.
Japanese girls never die est une œuvre qui ne se laisse pas appréhender facilement. En effet sa construction n’est pas linéaire. Toute la narration en effet déconstruit la chronologie. Le film commence par la fin avant de nous présenter le passé avant de revenir dans le futur. Il croise aussi les différentes histoires : celle de haruko, celle des artistes et celles du gang de filles. Avant que tout se rejoigne partiellement dans l’acte final.
Il y a en outre une myriade de personnages. La disparue, sa collègue de bureau, la jeune amoureuse des deux artistes, les mystérieuses lycéennes, le compagnon de la disparie, d’anciens camarades de classe de la disparue. Tout ce beau monde gravite les uns autour des autres. Ils entrent parfois en interaction, souvent se repoussent. Seules les conséquences de leurs actes ont un impact sur chacune de leur vie. Le film s’appuie sur une idée simple et forte : comment un simple fait divers provoque le début d’« une révolution ».
Japanese girls never die rappellera par ses thématiques et sa conclusion le Thelma et Louise de Ridley Scott. C’est en effet un film sur la place de la femme. Ici la société japonaise masculine n’est pas épargnée. D’abord au travail où le réalisateur brocarde le sexisme des propos, les inégalités salariales, le partage des tâches et le mode de recrutement des collaboratrices. Il ajoute ensuite une satyre sans concession sur le modèle de la femme japonaise idéale : en couple avant 30 ans, toujours apprétée et recevant sans broncher les remarques.
Le film pointe aussi du doigt l’égoïsme des hommes dans leur relation sentimentale. Rien n’est épargné à l’héroïne incarnée par la superbe Yu Aoi. Quand elle se donne à fond pour un homme en mal d’être, c’est pour être repoussé et le voir en choisir une autre. De même, Takahata Mitsuki, jouant la petite amie des artistes de rue, va de désillusion en désillusion. Là où elle croit voir des sentiments, elle découvre qu’elle n’est qu’une passade. Et toute sa fureur elle la tourne non contre ses compagnons mais contre l’image de la disparue, représentation symbolique de femmes que l’on dresse les unes contre les autres.
Ce qui rend ce film si rare, c’est l’impossibilité de le faire rentrer dans des cases. D’un certain côté, il ressemble à une comédie sociale grinçante notamment dans ses passages hilarants dans le bureau. D’un autre côté, il fonction comme une comédie dramatique portée par les déboires sans fin d’une héroïne dont la naïveté nous touche. A nouveau Yu Aoi offre une composition ciselée jouant à fond sur le décalage entre son image et ce qu’elle vit dans le film. Sans aucune confiance en elle, elle se fait broyer par le monde.
Mais Japanese girls never die devient aussi un film coup de poing au sens premier du terme lorsque surgit à l’image cet étonnant gang de filles. On ne saure jamais qui elles sont, on navigue toujours un peu dans le fantastique (notamment lors de la scène du cinéma). Mais l’intérêt est ailleurs. Cette image de vient le cri de ralliement de jeunes femmes qui décident de rendre les coups. C’est abrupt, violent et aussi cathartique.
Japanese girls never die mérite le qualificatif d’O.V.N.I filmique. S’emparant d’une thématique sensible au Japon, Daigo Matsui livre un tableau sans concession de la place de la femme dans son pays.
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