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Seobok critique

 Vivre et laisser mourir 

                Lee Yong-Ju est un réalisateur sud-coréen encore peu connu du grand public. S’il a travaillé sur  The silenced, il  n’a réalisé que deux longs métrages très différents : Possessed un thriller horrifique et Architecture 101 une romance, films dont il a également écrit le scénario. Pour son troisième long métrage, Seobok, il se lance dans la science-fiction en reprenant un thème qu’il a déjà effleuré dans The Silenced : l’évolution et la mutation. Il livre un thriller  correct mais qui hésite entre réflexion et action.


Le Grand secret

 Min Gi-heon a servi des années comme agent de renseignement en Corée du Sud. Au nom de son pays, il a suivi les ordres sans discuter jusqu’au jour où il a dû maquiller en suicide le meurtre de sa coéquipière. Ecoeuré par sa lâcheté, il a fini par démissionner. Depuis, atteint par un cancer en phase terminale, il lutte tous les jours contre une mort inévitable. Le jour où son ancien chef le contacte pour lui proposer une mission qui peut changer sa vie, il abandonne sa retraite.

L’agent doit escorter Seo Bok, le premier clone humain doté de capacités hors du commun. Ce dernier, en effet, est immortel, possède des pouvoirs psychiques et a la capacité de soigner Min Gi-heon. Mais le secret de son existence a été percé et seul l’ex-agent semble être digne de confiance. Malgré ses réticences,  Min Gi-heon accepte le travail ignorant que le garçon est la cible de groupes aux intérêts opposés.


Un film ambitieux

Seobok se veut un film brassant énormément de thématiques. C’est d’abord un thriller d’anticipation imaginant l’impact sur l’humanité de la disparition de la mort. Comment réagirait l’Homme face à la fin de sa principale peur ? C’est également un film du « super-héros » très proche d’Akira ou de Stranger Things se centrant sur un enfant cobaye devenant un être supérieur. C’est aussi un film plus intimiste centré sur la notion de destin, de pardon, de rachat, de famille et de deuil. Il se présente enfin comme un thriller politique où se retrouvent les thèmes chers à la fiction sud-coréenne : les services secrets, les E.U.A, les chefs d’entreprise.

Cette multitude d’enjeux construit un film très difficile à classer. La séquence introduction le place d’emblée dans le registre de l’action, ce que confirme la longue séquence finale. Mais le voyage entre l’agent et le clone fait dériver le film vers une réflexion plus intimiste presque philosophique sur le sens de la vie. Tandis que l’évolution du clone lorgne énormément vers le film de super-héros avec des moments rappelant Lucy. Le long métrage ne cesse dès lors d’opérer des allers-retours entre ces tonalités ce qui risque de surprendre plus d’un spectateur.

Un film qui manque de points de vue

Cette ambition si elle est louable, provoque l’un des principaux défauts du film. Le réalisateur en effet ne sait pas trop quel point de vue adopter. Doit-il se concentrer sur l’intime, sur l’apprentissage du clone et la rédemption de l’agent ? Ou au contraire doit-il insister sur la menace, l’action et la transformation du cobaye en futur Akira ? Le réalisateur ne choisit pas et décide de tout faire de manière inégale.

En effet si les thématiques sont riches, aucune n’est traitée complètement. Par exemple le passé de l’agent n’est que suggéré et on ne comprend pas le sens de l’affaire qui l’a amené à démissionner. De même la relation entre le clone et sa mère méritait d’être davantage abordée ainsi que sa découverte du monde extérieur et de ses capacités. On passera sur l’intrigue politique très confuse et à la limite parfois de l’incohérence. Tout laisse à croire que beaucoup de scènes ont été coupées dans le but d’essayer d’aller dans toutes les directions sans réussir réellement à aller au bout d’une seule.


Une réalisation et des acteurs inégaux

Cette dispersion se retrouve donc dans la réalisation. Il y a trois films qui tentent de se mélanger. Le film d’action est clairement le plus faible des trois. Les scènes ne sont pas impressionnantes, souvent déjà vues. Le réalisateur ne semble pas inspiré ce qui se traduit d’ailleurs par nombre de facilités scénaristiques pour éviter que son héros ne soit tué. Le second film, le film « super-héroïque » est correct. Il aurait pu, à l’image du passage au bord de la mer, jouer davantage sur la carte de la poésie. Mais là encore, tout est traité trop vite sans réelle explication sur l’origine des pouvoirs. Le film vraiment réussi, c’est celui centré sur l’intime, sur les questionnements de l’agent et du clone. C’est à ce moment que le réalisateur est le plus à l’aise pour faire ressentir ce qui aurait dû être le double cœur de son film : que faire de l’immortalité, comment traiter un clone (comme un homme ou un objet ?)

Cette trop grande dispersion explique le jeu très inégal des acteurs. Celui qui s’en sort le mieux c’est Park Bo-gum, très touchant dans la peau de Seobok, conscient que le monde n’est pas prêt à l’accepter. Gong Yoo dans le rôle de l’agent s’en sort bien dans les scènes tristes et intimistes mais peine à donner du rythme au scène d’action malgré ses efforts. Quant aux acteurs secondaires, leurs personnages sont trop survolés, trop peu développés pour réussir à leur donner une quelconque épaisseur.

Seobok ne tient donc pas les promesses de son scénario. Son intrigue se disperse trop, son réalisateur ne sait pas quel point de vue adopter et surtout veut embrasser trop de thèmes différents. C’est dommage car il y avait matière à livrer une grande œuvre d’anticipation.

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