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Takahiro Miki est un réalisateur japonais encore méconnu du grand public mais dont la cote ne cesse de monter. Sa marque de fabrique c’est de savoir exploiter un high concept et d’en tirer le maximum. Nous avons déjà chroniqué My Tomorrow, your yesterday, adaptation réussie sortie en 2016 d’un roman japonais à la frontière entre la science- fiction et la romance. En 2019, il revient sur les écrans avec Fortuna’s eye adaptation d’un autre roman à succès de Naoki Hykuata à la frontière entre fantastique et romance.
Enfant Kiyama Shinichiro a survécu au crash d’un
avion qui a emporté toute sa famille. Depuis marqué par ce drame, il mène une
vie solitaire. Doué et perfectionniste, il travaille dans un garage et est
devenu un des employés préférés de son patron. Un soir dans la rue il croise un
homme dont une partie du corps est transparent. Intrigué il le suit. Quelques
instants plus tard, l’homme meurt renversé par une voiture. Kiyama comprend qu’il
a hérité d’un pouvoir spécial : quand il voit à travers le corps d’une
personne, celle-ci est sur le point de mourir. Il doit donc vivre avec ce
terrible don. Toute sa vie bascule quand il rencontre Kiryu Aoi vendeuse dans
un magasin de téléphones portables. Ils tombent amoureux l’un de l’autre jusqu’au
jour Kiyama voit à travers le corps d’Aoi. Il décide d’intervenir pour changer
son destin et découvre que son don a un prix terrible : à chaque
intervention il raccourcit sa propre vie.
Fortuna’s eye est construit autour d’une idée simple : un
grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Ici Kiyama est le jouet du
destin : sauver des vies et mettre la sienne en danger. C’est autour de ce
dilemme que se construisent les 2 premiers actes du film. D’abord fasciné par
ce pouvoir, Kiyama choisit d’interrompre la chaîne de la fatalité. Son patron,
son amie, des inconnus échappent grâce à lui à leur funeste sort. Kiyama
généreux par nature, marqué par le drame de son enfance, son impuissance à
sauver une petite fille des décombres de l’avion choisit d’agir contre la mort.
Tout le premier acte du film réussit à nous faire ressentir l’immense générosité
de cet héros de l’ordinaire confronté à la découverte de cet étrange pouvoir.
Le film bascule dès lors dans un
second acte terrible : le prix de ses visions. Kiriyama est pris à chaque
intervention de violentes douleurs cardiaques et découvre grâce à un « mentor »
qu’il n’est pas le seul à avoir ce pouvoir et que la Fortune est une déesse
traîtresse. Vivant un amour total avec
Aoi qui a compris son don, il décide de ne pas intervenir et de vivre avec le
poids de son inaction. Une formidable scène de deuil trahit tout le dilemme
moral. Je survis, il meurt et les proches du défunt doivent vivre sans l’être aimé.
Toute cette montée en tension culmine dans un dernier acte formidable où sens
moral et survie s’entrechoquent, où Kiriyama s’affirme comme le héros qu’il
est. Une course contre la montre s’engage offrant un final exaltant d’autant
plus qu’un twist final va tout emporter.
Le talent du réalisateur c’est
avec une économie de moyen réaliser
trois films en un. D’abord c’est une
comédie romantique assez classique remplissant son cahier des charges. Il y a
ici ou là de petites longues inhérentes
au genre mais qui passent car Miki sait ne jamais tomber dans l’excès de
mélodrame, interrompre son plan au bon moment, suggérer au lieu de montrer
lourdement. Disposant d’acteurs excellents (premiers rôles comme seconds rôles)
et grâce à une réalisation très léchée, des plans soignés et riches en
symboles, Miki réussit ce passage imposé
pour nous offrir son second film : un drame. Celui d’un homme confronté à
un dilemme : son propre bonheur ou son devoir. La vie fait de déséquilibres lui offre ce qu’elle
enlève aux autres. Devant la balance du
destin, les porteurs du pouvoir ont la possibilité de la faire pencher dans un
sens ou dans l’autre et seront les seuls juges de leurs actes. C’est enfin un
film de « super-héros » du quotidien. Si vous avez vu Incassable, vous trouverez une
filiation. La découverte de pouvoir suite à un drame, le choix de sa mission,
le sacrifice.
L’autre qualité du film et de son
réalisateur c’est l’intelligence de sa construction. Nous sommes devant un film
très bien rythmé avec une montée en tension régulière qui arrive toujours à
retrouver son souffle malgré les scènes de romance qui viennent parfois casser
la dynamique. Le dernier acte palpitant nous montre à quel point Miki sait
jongler entre les styles de film et excelle dans les moments d’action. Si on
compare Fortuna’s eye et My Tomorrow your yesterday, on est aussi
frappé par la gestion des retournements de situation. Dans le second film il
intervient au milieu de l’intrigue et toute la force du réalisateur c’est de
construire une seconde partie passionnante alors que tout a déjà révélé. Dans Fortuna’s eye, le twist arrive à la fin
(comme dans les films de Shyalaman) et nous oblige à rechercher dans le reste
du film les éléments qui annonçaient cette révélation.
Si vous avez aimé My Tomorrow your yesterday et Incassable, laissez-vous tenter par Fortuna’s Eye. Miki réussit à nous livrer
une œuvre à la croisée des genres : drame romantique, film fantastique et
super-héroïque. Sans atteindre la maestria des deux films cités précédemment,
Fortuna's Eye reste une très bonne surprise confirmant l’immense talent de son
auteur.
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