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Xuanzong et Louis XV

Portraits croisés : les bien-aimés et les favorites
Un millénaire sépare ces deux souverains qui ont incarné l'apogée de leur régime successif (Les Tang et les Bourbons) et aussi le début d'une longue crise interne. Xuanzong communément appelé Ming Huan ("glorieux monarque") règne 44 ans de 721 à 756 et jusqu'en 741 son gouvernement est une période de grandes réussites avant une fin de règne dramatique L'empire entre dans une des pires périodes de chaos (révolte d'an Lushan) au point que l'armée fidèle force l'empereur à abdiquer en faveur de son fils . En 1710 naît le futur Louis XV arrière petit fils de Louis XIV. Encore enfant quand décède Louis XIV, il est couronnée en 1722 et gouverne seul à sa majorité (13 ans) l'année suivante. Son début de règne calme le rend populaire au point que lorsqu'il tombe gravement malade  dans la nuit du 7 au 8 août à Metz le peuple de France s'angoisse, prie et un chanoine messin appelle le souverain le "bien-aimé". Le surnom est adopté en France et quand le roi se remet c'est par une foule en liesse qu'il est accueilli. Or quand il décède des suites de la petite vérole, sa mort est célébrée par des festivités dans les rues de Paris, le cortège funéraire de peur d'essuyer les insultes de la foule contourne de nuit la capitale pour enterrer la dépouille royale à Saint Denis.




Des début prometteurs
Xuanzong comme Louis XV est un lointain descendant de la famille impériale. Il est le 3è fils de l'empereur Ruizong, ce dernier étant le 8ème enfant de l'empereur Guizong et de sa maîtresse devenue impératrice Wu Zetian. Sa mère n'est que concubine et ce n'est que suite à une intrigue de palais (des empoisonnements successifs) que la voie du trône lui est ouverte. De 713 à 741 son règne est une période faste. Profondément humain l'empereur adoucit la justice (abolition temporaire de la peine de mort), les impôts baissent. La cour impériale, en particulier les nombreux enfants (59 !!) sont tenus loin des affaire politiques, envoyés en province pour d'honorifiques missions. Militairement l'empire des Tang est à son zénith : les turbulents Tibétains sont matés, les provinces frontalières sont contrôlées et les voisins nomades un temps repoussés loin dans la steppe. En conséquence le commerce se développe, l'empire s'enrichit. Arts, technologies profitent de ce contexte harmonieux pour fleurir (poterie des "trois couleurs", statuaires "Tang", courants taoïstes). Si les maux ancestraux de la Chine ne sont pas tous éradiqués (la corruption des hauts fonctionnaires tel le ministre et Grand secrétaire Li Linfu, les ambitions des généraux tel An Lushan) rien n'indique une fin de règne chaotique.

En France le début du règne de Louis XV tranche avec la fin de celui de Louis XIV. En effet la régence (1715-1723) laisse au jeune roi un royaume solide politiquement, en meilleure santé financière et riche d'ouvertures intellectuelles. Le monarque profite jusqu'en 1743 d'excellents conseillers : cardinal Dubois, Duc de Bourbon et surtout le Cardinal de Fleury.  Le roi marié à la fille du souverain de Pologne reprend le style du gouvernement de Louis XIV, le gouvernement d'en haut. Pour son bien car autour de cardinal se greffent des hommes de qualité qui vont stabiliser l'économie française en réglant les problèmes posés par le système Law, développant les communication intérieures (le système en étoile des routes royales) et surtout le commerce avec les Antilles et les comptoirs africains et indiens. Diplomatiquement la France retrouve une place centrale : par la courte guerre de succession de Pologne la France acquiert la Lorraine, par son entremise la France met un terme au conflit entre Ottomans et Habsbourg ce qui permet aux commerçants français de garder des privilèges dans le échanges avec le Moyen Orient. Surtout en 1741 la France s'engage dans la guerre de succession d'Autriche. Sur terre après des débuts difficiles, l'armée royale multiplie les victoires dont celle éclatante de Fontenoy qui ouvre toute la Belgique et la Hollande aux armées royales. Sur mer et dans les colonies, Français et Anglais se livrent un duel acharné qui aboutit à un match nul. En 1748 au traité d'Aix La Chapelle à la surprise des puissances européennes et à l'indignation du peuple, la France en position de force choisit de rendre ses conquêtes (Belgique) et d'accepter un équilibre naval avec l'Angleterre. En concluant la paix en roi et non en marchand Louis XV se porte ainsi garant de l'équilibre politique en Europe.  Une "realpolitik" avant l'heure évitant de semer les graines de guerre future.  C'est au cours de cette guerre que se produit l'épisode de Metz, la soudaine maladie du roi qui soude le peuple derrière son souverain bien aimé.

Concubines et crises politiques
A partir de 742, le règne de Xuanzong entre pour 14 ans dans une ère de crises et de chaos. Veuf depuis 724, il tombe alors qu'il a presque 60 ans amoureux de la princesse Yang Yuha de 35 ans sa cadette. S'il est normal qu'un empereur prenne des concubines (pour assurer la descendance), il est en revanche mal vu qu'il en tombe passionnément amoureux. Mais la beauté de jeune aristocrate éblouit tous les contemporains qui la classe parmi les  quatre beauté de la Chine ancienne, louant ses dons de musicienne, de danseuse, de cavalière. Sous son influence les arts sont privilégiés. Mais la courtisane est fort dépensière et l'empereur cède à toutes ses demandes. Les plus folles dépenses creusent le budget comme celles de livrer du litchi frais depuis les provinces tropicales. Plus grave la favorite met en avant les membres de sa famille qui s'impliquent dans la vie politique et en viennent à contester l'autorité du premier ministre Li Linfu. Elle place même sa confiance dans un général ambitieux An Lushan. Or tout ce qui ressemblait à une fin de règne désordonné se transforme en chaos en 753 quand pour  succéder à Li Linfu décédé, Xuanzong cède à sa maîtresse et nomme Yang Guozong, cousin de la favorite. Or entre le nouveau premier ministre et An Lushan le torchon brûle : le premier se méfiant d'un général à la loyauté suspecte, le second refusant de voir son pouvoir diminué. Exilé au Nord de l'empire, le général déclenche une gigantesque rébellion militaire de 8 ans qui causera la mort de 30 millions de personnes. Et comme un malheur n'arrive pas seul, les voisin de la Chine redeviennent menaçants : Tibétains, Turcs sont repoussés mais les Arabes coupent en 751 la route de la soie en chassant les Chinois d'Asie Centrale. An Lushan fort de ses premiers succès se fait couronner empereur et marche sur la capitale. L'empereur doit fuir mais les troupes loyales du général Chen Xuanli décident de forcer le destin. Le premier ministre Yang Guozong est assassiné et l'empereur est sommé de choisir entre le trône et sa favorite. Celle-ci est sacrifiée à la raison d'état et pendue. Le  fils  de l'empereur Li Yu hérite du trône et règne sous le nom de Tang Suzon. Si la rébellion est finalement écrasée, l'empire a amorcé son déclin et la dynastie s'effondre en 907.

En France depuis 1743 et la mort du cardinal Fleury le roi veut gouverner seul. Une décision dans la lignée du pouvoir de Louis XIV mais qui va devenir dangereuse car le souverain s'éprend d'une nouvelle maîtresse Madame de Pompadour. Non noble, la jeune femme s'attire les foudres de l'aristocratie. D'abord amante, la maîtresse royale devient confidente royale même après qu'elle ne puisse satisfaire la sensualité du roi. Installée au-dessus des appartements du roi, elle choisira elle-même les futures maîtresses du roi aucune ne parvenant à gagner le coeur et surtout l'esprit du roi qui ne cesse d'aller consulter son ancienne favorite. Sur ses conseils, le roi encourage l'épanouissement des arts : aménagement de la place Louis XV et de l'école militaire, développement de la porcelaine de Sèvres, soutien au projet d'encyclopédie. Très sensible aux Lumières elle tente sans y parvenir d'y convertir le roi. Mais la seconde partie du règne de Louis XV est difficile. En effet les guerres même victorieuses coûtent cher à un trésor royal fragile (à cause des privilèges). Les impôts augmentent, les dépenses de la cour sont mal perçues et la traité de 1748 sans gain apparent incompris. Le roi et surtout sa favorite sont de plus en plus critiqués au point en 1757 Robert-François Damiens, domestique tente d'assassiner le roi. Plus grave son exécution ne calme pas la contestation. Le roi surpris et déprimé se laisse encore plus conseiller par sa favorite. Des ministres réformateurs (Machault d'Arnouville) sont renvoyés. Les projets d'impôts universels (le 20ème) échoue. A l'intérieur le roi doit faire face à la contestation janséniste,à celle des jésuites (ordre qui est expulsé), du parlement, des aristocrates.  C'est de l'extérieur que la crise apparaît au grand jour car la France s'engage dans la guerre de Sept ans en rompant son alliance traditionnelle avec la Prusse pour se rapprocher de l'Autriche. Choix contestable expliqué par l'influence de Mme de Pompadour qui entraîne la France dans une guerre longue aux côtés de la Russie et de l'Autriche contre la Prusse et l'Angleterre. Or le choix des généraux (Soubise), des amiraux provoquent une guerre désastreuse qui aboutit en 1763 au traité de Paris et à la perte du Québec. Pourtant c'est grâce à la Marquise de Pompadour qu'arrive aux affaires le ministre Choiseul habile négociateur et organisateur qui limite les dégâts et réforme marine et armée. Un an plus tard sa protectrice Madame de Pompadour meurt. Critiqué comparé à tort à une sangsue, elle concentre la colère du peuple et surtout d'une noblesse ne supportant pas qu'une roturière ait accédé au pouvoir. La fin du règne de Louis XV est traversée de deuils - la reine, la favorite, le dauphin, deux de ses filles meurent entre 1760 et 1765 - que le roi interprète comme  des punitions pour sa vie "dissolue". Pourtant il ne s'assagit pas et une nouvelle maîtresse la comtesse du Barry entre dans sa vie alors que son ministre Choiseul souhaitait lui donner sa propre soeur comme concubine. Le ministre est renvoyé et c'est Maupéou qui est chargé de restaurer l'autorité royale et de mener la réforme fiscale. 

Mais malgré ce sursaut réformateur l'image du roi est dégradé. Il est enterré de nuit aux termes d'un règne positif mais dont il ne sut mettre en lumière la modernité. La postérité sera intraitable retenant un homme influencé par sa (ses) maîtresses à l'image de l'ancien empereur de la dynastie des Tang.


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