A redécouvrir

Leipzig, Sékigahara

Histoires parallèles : la victoire par la trahison
En 1600 dans la préfecture de Gifu au centre du japon et en 1813 à l'Est de l'Allemagne se déroulèrent deux batailles. Si elles ne furent pas totalement décisives, ces deux batailles firent pencher la balance du côté de leur vainqueur et condamnèrent à termes les prétentions politiques et dynastiques des vaincus. C'est cependant par l'ampleur des moyens déployés et leur déroulement que ces deux affrontements se ressemblent.



A la mort d'Hideyoshi Toyotomi,en 1598 le Japon semble pacifié et unifié. Mais la disparition du chef de la famille Toyotomi ravive les ambitions parmi les vassaux et entre les cinq régents sensés veillés sur Toyotomi Hideyori. Entre les partisans de Toyotomi et l'ambitieux Tokugawa Ieyasu le torchon brûle. La guerre civile commence et les deux armées s'affrontement à Sékigahara. Près de 170 000 hommes en tout, 88 000 du côté des Tokugawa et 81 000 pour Mitsunari le fidèle de Toyotomi. Ce dernier s'installe sur les hauteurs en arc de cercle et attend l'arrivée de renforts pour prendre à revers l'armée Tokugawa.  En effet Ishida dirige  à l'aile gauche et a confié son centre aux contingents alliés sous la direction de Shimazu. A droit le clan Otani ferme la ligne soutenu en arrière par la puissante force des  Kobayakawa. Le clan Mori doit déboucher à l'Est en contournant le mont Mori et encercler l'armée des Tokugawa. En face Togukawa occupe une position en contre-bas, un désavantage tactique qu'il a compensé en secret par une habile diplomatie en direction de chefs de clan adverse : contre leur ralliement ou leur neutralité il leur a promis terres et honneur. Les loyalistes commettent une première erreur. Leur plan intelligent souffre de la lenteur des Mori à déboucher sur le champs de bataille. De plus Ishida refuse d'attaquer par surprise en fin de journée (par honneur) et manque ainsi de déstabiliser à coup sûr ses ennemis. Le général Shimizu, initiateur du plan est vexé du refus. La bataille s'engage le lendemain à l'initiative de Tokugawa, violente et incertaine pendant 24 heures. Malgré l'appui de canons Togukawa ne parvient pas à enfoncer la ligne au Nord. Tokugawa hésite à engager sa réserve de 30 000 hommes tandis que du côté loyaliste en début d'après midi Ishida décide de lancer une contre-attaque générale en s'appuyant sur des forces encore fraîches : les Mori, les Kobayakawa surtout qui peuvent détruire l'aile gauche des Tokugawa. Mais le général Shimazu encore vexé refuse d'appliquer l'ordre, les Mori ne sont pas là et les Kobayakawa ne bougent pas. En effet en contact avec Tokugawa ils hésitent encore à choisir leur camps. Tokugawa sentant l'hésitation relance l'assaut et fait tirer sur les positions des Kobayakawa pour les forcer à s'engager. L'audace paye. Les Kobayakawa trahissent et attaquent avec leur 20 000 hommes frais à revers l'aile droite de l'armée loyaliste. La bataille est gagnée pour Tokugawa d'autant plus qu'un autre clan, les Kikkawa, fait défection et entrave la marche des Mori.  Le clan Otani qui tenait l'aile droite est taillé en pièce, le centre de l'armée cerné de toute part cède. Seules les forces des Ishida et des Konishi, à gauche retraitent en bon ordre. Pour les vaincus les pertes sont lourde  : 30 000 tués plus les 20 000 soldats qui changèrent de camps. Pour le vainqueur les pertes sont inférieures et méconnues : quelques milliers. Tokugawa a gagné la guerre des héritiers, l'héritier Toyotomi est isolé. 15 ans plus tard à Osaka, l'armée Togukawa le pousse au suicide.

Une telle bataille rappelle la bataille des nations livrée à Leipzig du 16 au 19 octobre 1813. La répartition des armées est assez similaire : Napoléon en position centrale avec 190 000 hommes fait face 330 000 hommes des armées coalisées dont les forces arrivent progressivement : 200 000 le 16-17, 330 000 le 18 suite à l'arrivée de l'armée du Nord de Bernadotte. Le plan de l'empereur est simple. Au Nord de Leipzig il place son armée en défense face aux prussiens tandis qu'il mène l'assaut au Sud contre les austro-russes. A Wachau les troupes françaises sont en passe de réussir l'impossible : l'infanterie coalisée est repoussée et la cavalerie de Murat ébranle le centre. Mais il hésite à engager toutes ses réserves et perd du temps à réorganiser ses troupes. Les alliés contre-attaquent et le repoussent. L'empereur Napoléon peut encore engager ses réserves mais il a dû les détourner à l'Ouest pour bloquer une avancée autrichienne. Il lui reste encore sa garde mais il hésite à l'engager. Une nouvelle poussée française repousse les alliés entre Wachau et Mark-Kleeberg et est sur le point de saisir le pont de Crobern qui assure la liaison entre le forces russes et autrichiennes. Sa prise couperait les alliés en deux. Mais les renforts manquent côté français tandis que 20 000 autrichiens viennent rétablir la situation. Au soir si les Français ont remporté une victoire tactique au Sud, leur situation s'est aggravée par l'arrivée de nombreux renforces suédois, prussiens et russes. Après une accalmie le 17, la bataille reprend sur tout le front le 18. Les alliés forts de leur supériorité numérique mènent une attaque générale concentrique. Ils ne percent pas mais repoussent lentement les français vers la ville. C'est alors qu'à 17 heures les troupes saxonnes alliées à Napoléon font défection. La position des Français devient intenable, la retraite inévitable. Sous le coup de la panique le 19, des artificiers font sauter trop tôt les ponts à la sortie de la ville. Des milliers de soldats doivent se rendre ou tenter de fuir à la nage. 70 000 Français sont hors de combat dont 20 000 prisonniers, 60 000 alliés. La bataille marque la fin de l'hégémonie impériale en Europe. Le 6 avril 1814 Napoléon abdique.

Ces deux affrontements ont pour point commune la dimension titanesque pour l'époque des forces en présence, la longueur de la bataille, la disposition (en miroir inversé) des forces et surtout le rôle joué par les trahisons dans la décision finale.

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