Sorti en 2017, The Hungry Lion fait partie de ses films japonais originaux et difficiles à trouver en France. Court, 78 minutes, filmé comme un quasi documentaire il s'intéresse à un thème universel : l'adolescence, la rumeur, la lâcheté et le drame. Une oeuvre forte sans concession qui mérite coup d'oeil.
Hitomi lycéenne vit une adolescence habituelle. Des amies, très active sur les réseaux sociaux, des amours de jeunesse. Quand un professeur du lycée est arrêté pour avoir couché avec une de ses élèves, cela amuse Hitomi et sa bande. Quand circule une vidéo des ébats entre le professeur et l'élève, les réseaux s'affolent : qui est la fille ? Le monde d'Hitomi bascule quand la rumeur affirme que ce serait elle qui aurait eu une aventure avec son professeur. Malgré son déni, la machine s'emballe : moqueries, harcèlement. Hitomi se retrouve au centre d'une tourmente, fragile. Une proie facile pour les prédateurs.
Le film frappe fort et est sans concession. Sa thématique est très moderne. Il s'agit d'abord d'une mise en scène des rumeurs du web 2.0 qui deviennent en quelques partages virale. Celles-ci décuplées par l'imaginaire des adolescents, par leur cruauté deviennent vite incontrôlables. Ainsi Hitomi spectatrice amusée de ces rumeurs en est dévorée. Désarmée elle découvre le vrai visage de ses amis, de la société qui se nourrissent des victimes. Peu importe ce qu'elle dit, la rumeur est plus forte.
Il s'agit ensuite d'une sévère critique de l'école au Japon et de la société. Pression sociale des amis, du petit copain, pression des apparences (l'institution scolaire), pression médiatique. Hitomi est broyée par cette société où les discours de façade sont contredits par les actes. Personne n'est venu éteindre l'incendie, personne n'a critiqué cette morale hypocrite. L'important c'était de sauver la face : celle de l'école entachée par ce scandale, celle du groupe qui ne sait que faire de ce membre faible, celle aussi des hommes (le petit copain) qui ne savent que profiter des plus fragiles. Une scène, celle de la voiture est une brillante idée de mise en scène. Tandis qu'un drame se noue derrière les vitre teintées, des fêtard passent à côté, jettent un oeil distrait et repartent. The Show Must Go on.
Le film aussi dresse un sévère portrait des médias et réseaux sociaux. Comme une meute de loups, les journaliste se saisissent des faits divers pour faire le buzz. Une femme divorcée devient la cible des racolages et des analyses psychologiques de bas étage. Les institutions font de beaux discours pour se dédouaner. Les jeunes aussi en prennent pour le grade : tout n'est prétexte qu'à légèreté. On film tout, commente tout, donne son avis sur tout, s'indigne sur tout et sur rien. Et l'important est noyé dans le futile. Le courage s'efface devant la popularité. L'ensemble étant transcendé par la révélation finale.
Toutes ses thématiques sont parfaitement exploitées par la mise en scène. Le film en effet se construit autour de scènes très courtes : de quelques secondes à 2-3 minutes. Beaucoup de cuts, peu longues séquences. Le tout semble filmer comme une documentaire. Mais on remarque aussi que la durée des scènes illustre la rapidité de la diffusion de la rumeur : de la salle de classe, à la maison. De même les plans répondent à une construction très recherchée. Des plans fixes suivent l'observation de la rumeur tandis que des plans types caméra de téléphone portable suivent l'intrusion dans la vue intime, le voyeurisme. Rajoutons enfin la qualité des acteurs et de leur direction qui malgré les contraintes de scènes courtes, du peu de dialogues parviennent à faire rejaillir cette cruauté de l'adolescence, cette brutalité ordinaire, cette tragédie de la lâcheté. The Hungry Lion est une sacrée belle surprise, un film intelligemment construit, audacieux, percutant.
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