A redécouvrir

Killing for the procecutions

De l'autre côté du miroir

Masato Harada est un réalisateur éclectique qui s'est essayé en 40 ans de carrière à des genres divers : anticipation, film intimiste, fresque historique dont le récent Sekigahara. Derrière chacun de ces films se retrouve néanmoins une thématique commune : le discours politique qui interroge le Japon sur ses choix, ses doutes, ses zones d'ombre. C'est ce qui l'a conduit à travailler à fois sur les brigades rouges, les derniers jours de l'impérialisme ou la place de la femme au Japon. La même démarche accompagne son dernier film, killing for the prosecutions, thriller basé sur un roman à succès.


Okino, jeune procureur tout juste sorti de l'école est envoyé à Tokyo. Son affectation le ravit car il va travailler auprès de son mentor, Mogami, brillant procureur qui l'a formé et qui dirige le services gérant les homicides. Quand un couple de vieux prêteurs sur gage est assassiné, le bureau se saisit de l'enquête. Parmi les suspects, Matsukura, un débiteur des victimes dont le passé plonge Mogami dans la colère. L'homme fut en effet poursuivi dans le meurtre d'une jeune écolière, amie de Mogami mais échappa à la justice. Or Mogami décide de corriger cette situation et de l'impliquer lourdement dans le double assassinat même si tout semble indiquer qu'il n'y est pour rien. En outre il doit gérer un scandale politique touchant un de ces autres amis d'enfance. Le jeune Okino se retrouve confronté à un dilemme : obéir à sa conscience ou  protéger son mentor.

Dans la grande tradition des thriller japonais, Killing for the prosecutions est un d'abord un très bon film d'ambiance. D'un côté le monde de la justice symbolisé par l'imposante architecture des tribunaux, l'organisation des services, la rigueur des procédures. Tout semble immuable, figé et infaillible. De l'autre un monde inconnu, celui-ci des petits arnaqueurs, des pauvres, des maître-chanteurs qui tissent des liens avec les politiciens, les hommes de justice, les policiers. Tout est affaire d'apparence, de théâtre symbolisé par l'incroyable séquence des funérailles. Entre les deux, Okino, jeune idéaliste qui choisit la morale et qui va à son tour faire l'expérience de la trahison, de la duplicité. Trahir son mentor pour sauver un innocent/coupable le rend-il meilleur ? Venger une victime au détriment de son engagement rétablit-il l'équilibre de la justice ? Le film nous conduit dans de nombreuses interrogations rendues terribles par l'excellence du script : Matsukura est un vrai criminel dénué de scrupules, les avocats qui le défendent ne valent pas mieux ; le chemin que suit Mogami est tortueux. Une nouvelle fois la justice des hommes est ici pointée du doigt

Dans la grande tradition des films d'Harada, Killing for the prosecutions s'enrichit d'un lourd contenu politique et social. En effet il reprend d'abord un thème qu'il a déjà étudié : la place des femmes, celle de la coéquipière d'Okino au passé trouble. Il égratigne d'ailleurs le statut toujours délicat des femmes dans un univers hyper masculin fait de pression. Il s'intéresse aussi à la politique, notamment à l'extrême droite, à la nostalgie du passé impérial mettant en évidence l'influence de ce courant dans la société. Il brosse une sous-intrigue passionnante qui aurait presque méritée d'être encore plus développée. Il s'intéresse enfin et surtout au monde feutré de la criminalité japonaise, celle des yakusas, des hommes de main connus de tous mais jamais pointés du doigt. Un univers parallèle qui prospère entre parieurs, usuriers, racketteurs, receleurs... jamais éloigné des cercles de pouvoirs. Ces thématiques nombreuses qui se chevauchent sont rendues parfaitement lisibles par les acteurs. Il faut ici l'étonnant casting porté par deux chanteurs stars de la J-Pop, Takuya Kimura star du groupe SMAP dans le rôle de Mogami et Kazunari Ninomiya du groupe Arashi dans la peau d'Okino. Si ce dernier reprend un rôle qui lui sied à merveille, celui-ci du jeune innocent découvrant la duplicité du monde (comme dans lettres d'Iwo Jima), Takuya Kimura est bluffant dans un rôle dur, sombre, torturé. Et comme le reste de la distribution est au diapason vous vous retrouver avec un excellent thriller très bien écrit et réalisé.  


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