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Opération Paul Bunyan

L'arbre de la guerre
21 août 1976, 7 heure de matin, la zone commune de sécurité entre les deux Corée s'agite. Un convoi de 23 véhicules de l'armée des E.U.A et de Corée du Sud transportant 813 hommes s'engagent dans la zone frontalière. Commandés par l'officier Victor Vierra, les hommes du 2è bataillon de génie américain et du 9è régiment d'infanterie doivent s'engouffrer dans l'une des zones les plus sensibles du monde et mener avec rapidité une mission de haute priorité. En soutien ont été déployés 64 hommes des forces spéciales sud-coréennes, une compagnie d'infanterie transportée par 20 hélicoptères et les bataillons qui gardent la frontières. Dans les airs, l'US Air Force a mis en alerte non seulement les chasseurs F4 de la base de Kunsan, les bombardiers de la base de Mountain Home, le groupe aérien du porte avion Midway et les B 52 de Guam. 1800 Marines d'Okinawa sont en alerte permanente. Un immense déploiement de force afin de permettre aux équipes du génie d'abattre ... un peuplier.


Malgré l'intense activité militaire, les nord-coréens réagissent trop tard. L'envoi de 150-200 soldats lourdement armés sur place ne permet pas d'interrompre le travail des forces américaines et sud-coréennes. En 42 minutes l'arbre tombe. Dans le ciel une noria de jets et d'hélicoptères maintient les nord-coréens à distance qui se contentent d'installer des postes de tir. Une fois leur mission achevée les forces du Sud se retirent laissant debout la souche de l'arbre haute de 6 mètres. Un message des autorités du Sud informe alors le Nord qu'ils ont terminé l'opération entamée 3 jours plus tôt, sans violence cette fois-ci. Malgré des coups de feu tirés contre un hélicoptère américain et une concentration massive mais brève de troupes coréennes autour de Panmunjon (point de rencontre sur la frontière), l'affaire ne se transforme pas en conflit généralisé. En revanche les tensions entre les deux Corées s'aggravent, le pont du "non retour" qui permettait à des personnes de passer du Sud au Nord à travers la zone démilitarisée est temporairement fermé. Les Nord-coréens décident de s'en passer en construisant le pont de 72 heures (construits en 3 jours) permettant de passer directement du Sud au Nord sans passer par la zone démilitarisée.

Une étonnante affaire que cette opération Bunyan qui trouve son origine dans un drame survenu 3 jours plus tard le 18 août dans la même zone. En effet un groupe 18 soldats (5 sud-coréens, 13 américains) se rend dans la zone de sécurité afin d'abattre un peuplier qui gênait la ligne de mire d'un poste d'opération. Rien de mystérieux, l'opération a été convenue avec les Nord-Coréens. Mais en Corée du Nord rien n'est simple. Alors que l'opération d'abattage débute, une quinzaine de soldats du Nord commandés par le lieutenant Pak Chul arrivent et ordonnent d'interrompre l'opération sous prétexte que le peuplier planté, entretenu par Kim Il Sung était sacré. Le capitaine Bonifas des forces armées américaines ordonne de ne pas tenir compte de ces paroles. La situation s'envenime très vite. 20 nouveaux soldats nord-coréens armés de gourdin et de pieds de biche se joignent au premier groupe et attaquent les soldats de l'O.N.U. Le capitaine Bonifas frappé à la tête est battu à mort. Le lieutenant Barrett se réfugie dans un fossé. Les troupes de l'O.N.U interviennent, repoussent les nord-coréens, récupèrent le corps du mort. Mais le lieutenant Barrett caché est laissé sur place. Il est repéré par les soldats du Nord. A coups de hache et pendant 1h 30, les Nord-Coréens s'acharnent sur l'officier. Quand une équipe vient le récupérer, il est gravement blessé et décède peu après son évacuation. L'incident filmé par les postes d'observation devient public. Au Nord, les médias dénoncent l'agression impérialiste venue couper des arbres illégalement et parlent de provocation orchestrée par les E.U.A. A l'O.N.U Kim Il Sung réclame une résolution condamnant les E.U.A. Au Sud, les services de renseignement parlent d'agression préméditée. 

En 1987, la souche de l'arbre est définitivement arrachée et une plaque est posée en mémoire des deux officiers tués. Le camp de base de la force de sécurité du commandement des Nations Unies situé près de la zone démilitarisée est rebaptisé camp Bonifas. La hache ayant servi à assassiner le lieutenant Barrett est exposée dans le musée de la paix de Corée du Nord à Panmunjeon. Une affaire tragique qui rappelle plusieurs choses. D'abord les incidents le long de la frontière sont légion comme le rappelle  l'explosion en août 2015 de mines anti-personnelles au passage de soldats sud-coréens ; d'autre part le gouvernement du Nord se considère en guérilla permanente entretenant un climat de paranoïa permanente ; ensuite il est toujours difficile de négocier avec le régime du Nord capable de changer d'avis du jour au lendemain, cherchant à toujours sauver la face et à montrer qu'aucune action n'a été entreprise sans son consentement.

L'incident du 18 août filmé depuis les postes d'observation de l'O.N.U



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