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histoires parallèles : le raid du Jules Verne et le raid Doolittle

Les ailes de la gloire

Par deux fois les forces aéronavales alliées menèrent pendant la seconde guerre mondiale des raids spectaculaires dont le but était moins d'infliger des dégâts considérables que de remonter l"état d'esprit des troupes. Si l'une de ces opérations est connue l'autre a été oubliée suite à la débâcle française de mai 1940.



En 1939, la Marine français acquiert trois avions de type Farman achetés à Air France. L'avion converti pour les besoins en avion de transport civile est en réalité un ancien bombardier quadrimoteur capable de voler haut (8 000 mètres d'altitude) et loin. Equipés de nouveaux moteurs, de nouvelles mitrailleuses, les trois avions sont baptisés "Jules Verne", "Flammaion", "Verrier". 

Ils forment l' embryon d'une aviation de bombardement qui va réaliser un des rares faits d'armes de l'aviation française malmenée pendant l'offensive allemande de mai 1940, souvent débordée malgré le courage de ses pilotes. Le 3 juin l'aviation allemande bombarde Paris. En représailles et pour redorer la blason de forces françaises à l'agonie, le commandement français décide de frapper Berlin. Les anciens Farman sont les seuls appareils capables de mener une telle opération. Doté de réservoirs d'essence supplémentaire, le Jules Verne du Capitaine Henri Daillère décolle de la base de Bordeaux-Mérignac avec 80 bombes incendiaires de 10 kg dans ses soutes et sans chasseurs d'escorte. Malgré la lenteur de l'avion (à peine 200 km/h), le capitaine réussit à déjouer la vigilance des allemands en faisant cap vers le Golfe du Morbihan puis en survolant la Manche, la Baltique et le Danemark dans un large crochet pour arriver au-dessus de Berlin. La D.C.A, la Luftwaffe restent muets, confondant l'appareil avec un avion allemand et lui permettent de larguer ses quelques bombes avant de rebrousser chemin en passant par Cologne et le Rhin. L'avion regagne sain et sauf Orly puis la base de Lanvéol-Poulmic. Mission réussie qui en appelle d'autres contre Rostock notamment. Une opération aux effets militaires dérisoires, qui ne changea pas le cours d'une guerre mal engagée mais qui montra aux nazis que leur capitale n'était pas invulnérable.


Cette opération précède de presque deux ans un autre raid spectaculaire, celui de l'escadrille Doolittle sur Tokyo. Surprise par l'attaque japonaise de Pearl Harbor, la marine américaine encaisse des coups très durs dans le Pacifique. Les Philippines, Wake sont perdues. Les forces alliées sont chassées de Singapour, de l'Indonésie, de la Malaisie. La flotte japonaise se permet même de s'infiltrer dans l'océan indien, de bombarder Colombo tandis que  l'état major impérial clame haut et fort que l'archipel japonais est intouchable. Le lieutenant-colonel Doolitle monte une opération spectaculaire : bombarder le Japon au moyen de 16 B-25 décollant depuis le pont du porte-avions Hornet à 700 km des côtes japonaises. Les problèmes techniques à résoudre sont nombreux : comment faire décoller ces bombardiers depuis le pont d'un porte-avion de 150 mètres alors que la distance nécessaire est de 700 mètres ?  Comment faire revenir les équipages en sachant que les avions ne peuvent emporter qu'une quantité limitée d'essence supplémentaire s'ils veulent pouvoir lâcher quelques bombes sur les villes japonaises ? Comment assurer le secret de la mission ? Comme pour l'opération française, les bombardiers voleront sans couverture, allégés qui plus est de leur blindage et de leurs mitrailleuses.

Le 18 avril 1942, les obstacles techniques ont été levés et les avions sont prêts à décoller. Malheureusement des navires de pêche japonais croisent la route de la flotte. S'ils sont envoyés par le fond, les amiraux américains redoutent que leur présence n'ait été détectée et lance l'opération en urgence non pas à 700 km mais à 1000 km des côtes japonaises. Grâce à des réserves d'essence versées dans les moteurs pendant le vol, les 16 appareils atteignent la côte japonaise et vont frapper leur objectif : Tokyo, Yokohama, Yokosuka, Nagoya et Kobé. Uniquement des sites militaires et industriels, le palais impérial est volontairement évité. La D.C.A et la chasse japonaise sont quasi absentes. Le raid sur Tokyo ne dure que 30 secondes et les dégâts sont très faibles. Pour les pilotes et leur équipage (80) le plus dur est à faire : voler et espérer atteindre la Chine encore sous contrôle nationaliste. Leur destin sera variable : 3 hommes d'équipage meurent des suites des amerrissages et atterrissages forcé, 8 sont faits prisonniers dont 4 mourront pendant leur captivité, un équipage arrive en U.R.S.S et est interné 13 mois avant de fuir. Les autres dont Doolittle parviennent à gagner les lignes chinoises.

Si les dégâts infligés furent minimes, les pertes très légères (87 morts), l'effet médiatique fut immédiat. Les médias américains diffusèrent le résultats du raid montrant que le Japon n'était pas invulnérable. Au Japon ce raid convainc l'état major de la marine de la nécessite  d'éliminer la menace représentée par les porte-avions américains. Cela les conduit à déclencher l'opération contre Midway pour détruire définitivement l'U.S. Navy avec les résultats que l'on connaît. Cette opération révéla aussi l'extrême vulnérabilité du territoire japonais aux attaque aériennes, faiblesse qui sera exploiter à fond par les forces aériennes américaines à partir de la fin de l'année 1944. 

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