Detective Dee est un projet qui faisait saliver dès les premières bandes annonce. Prenez le personnage historique de Di Renjie, juge réputé pour son honnêteté et son intelligence devenu plus tard un héros de roman policier (le juge Ti de Robert Van Gulik), choisissez l'immense Andy Lau pour l'incarner, le tout sous la baguette du génial créateur Tsui Hark et vous obtenez un film qui s'annonce comme la version asiatique du reboot de Sherlock Holmes de Guy Ritchie en plus décomplexé, jouissif. Attente ô combien dépassée après visionnage.
En l'an 690, Wu Zetian (voir ici pour l'histoire du personnage) vient de déposer le jeune empereur et s'apprête à se faire couronner impératrice. Mais l'intronisation d'une femme à la tête de l'empire attise les haines des différents clans. Pour célébrer le couronnent, un immense Bouddha est encours de construction près du palais impérial. Une série de morts étranges intervient alors sur le chantier, les victimes finissant dévorées par une flamme mystérieuse. Pour dénouer les fils de ces crimes, l'impératrice décide de faire appel au Juge Dee, un ancien opposant qu'elle fit emprisonner. L'homme a quelques jours pour trouver qui menace le trône impérial.
La première qualité du film tient dans son scénario. Tsui Hark a pour une fois choisi une narration moins éclatée que dans ces principaux films (comme dans le grandiose Time and Tide) pour se concentrer sur l'enquête. Et tout son talent est de réussir à construire une vraie histoire policière sans pour autant perdre son style. Car ici enquête rime avec une bonne dose de fantastique, de monde souterrain bariolé, de cavalcades et de combats aériens. Le tout est très bien maîtrisé permettant à un public peu connaisseur du style Tsui Hark et du cinéma chinois d'entrer sans difficultés dans le film. Le film un peu comme le sherlock holmes réussit à mélanger la tradition et la modernité. L'autre force de ce scénario c'est de ne pas construire une origin story mais de s'appuyer sur un Juge Dee d'âge mûr, qui est déjà célèbre et qui a déjà dû payer le prix de son honnêteté. Un façon intelligente de construire le personnage sans perdre du temps en scène d'exposition.
L'autre qualité tient à l'interprétation. Car le casting c'est du lourd. Tony Leung, star des polars de Hong Kong, en architecte mystérieux ; Carina Lau une autre légende du cinéma de Hong Kong merveilleuse en Wu Zetian ; Li Binging (vu dans Transformers 4) et surtout l'immense Andy Lau hallucinant de classe. Voir tous ces acteurs habitués à jouer dans des polars dans cette fresque historique est un pur plaisir tant il dégage de l'aura, que leur alchimie fonctionne à merveille et qu'ils arrivent à la fois à donner corps à la dimension historique du film et à la dimension martiale du film.
Car la dernière qualité du film c'est évidemment la présence derrière la caméra de Tsui Hark. Toujours aussi créatif et dynamique, il revisite le film de genre exploitant toutes les ressources de l'intrigue pour envoyer des scènes d'action à couper le souffle, à explorer la dimension mystique des religion chinoises (comme dans histoire de fantômes chinois). La mise en scène est limpide, claire, nerveuse. Les combats aériens partent dans tous les sens sans jamais perdre le spectateur. Le numérique s'intègre de mieux en mieux malgré quelques imperfections au début. Tsui Hark insuffle surtout un discours politique habilement caché derrière l'enquête. Il y parle en effet de la Chine actuelle, du pouvoir autocratique, des guerres de clans, de corruption, de justice, de rébellion et de liberté de pensée.
Detective Dee est un spectacle jouissif assorti d'une superbe histoire. Porté par un casting 5 étoiles et un réalisateur qui n'a rien perdu de sa superbe, c'est une formidable porte d'entrée vers le cinéma populaire chinois.
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