A redécouvrir

Her love boils bathwater

Bains de tendresse

Le cinéma japonais ne cesse jamais de surprendre : efficace, intelligent, simple. Sorti en 2016, Her love boils bathwater de Ryota Nakano ne déroge pas à la règle. Construit sur une histoire simple de drame, il transporte le spectateur dans une belle histoire de famille, de secret, de défis, de dépassement de soi, de plongée dans l’âme humaine. Une comédie dramatique touchante et brillante.



L’histoire se passe à Tokyo. Futaba mère célibataire travaille dans une pâtisserie. Elle élève du mieux qu’elle peut sa fille Azumi, adolescente qui subit du harcèlement scolaire mais qui garde le silence. Après un malaise au travail, elle se rend à l’hôpital et apprend qu’elle est gravement atteinte du cancer. Il ne lui reste peu de temps à vivre et aucun traitement ne peut la sauver. Elle décide d’utiliser ses derniers moments d’existence pour réaliser quatre choses : retrouver son ancien mari et l’amener à reprendre l’entreprise de bains ; donner à sa fille la force de se défendre ; et deux autres défis qui vont révéler d’anciens secrets.

Ce film dramatique est d’abord une vraie réussite scénaristique. Portée par l’envie de connaître les quatre défis,  l’intrigue nous emmène de Tokyo à Hokkaido, des bains publics au lycée en passant par un restaurant de crabes. Chaque secret est intelligemment amené, parfois avec une forte dose d’humour (la rencontre avec l’ex-mari) ou  de drame (la confrontation entre Azumi et ses harceleuses). Beaucoup de détails sont distillés (Azumi parlant le langage des signes, un étrange flashback), mettent le spectateur dans un questionnement permanent avant la révélation. L’histoire est très cohérente.

Elle est enrichie par tout le discours sur la famille et les mères. Ces dernières, et c’est une vraie originalité, sont égratignées tout au long de l’intrigue sans toutefois qu’elles soient jugées. Le film fonctionne comme un long voyage où une famille se recrée autour des liens du sang (l’autre fille de l’ex-mari) et des liens d’amitié (l’auto-stoppeur).  Toute la séquence à Hokkaido, en plus d’être belle, est extrêmement émouvante et offre son lot de surprise. Il faut aussi insister sur l’incroyable symbolisme du film. Les bains d’abord, lieux de rencontre, de reconstruction, de renaissance sont au cœur de cet ultime voyage. Leur réouverture redonne vie à tout un quartier. De même la cheminée qui fait fonctionner le complexe évoque la future crémation de la défunte et montre aussi comment la mort annoncée de Futaba a été l’élément permettant la renaissance de ce  lieu de vie. Le mont Fuji  ensuite, figure magnifiée, porteuse d’espoir et de mort. La nourriture enfin, omniprésente  pendant tout le film, apporte à la fois beaucoup de souvenirs (crabes) et rappelle aussi l’importance des offrandes dans les rites funéraires.

Il faut enfin signaler la formidable prestation des tous les acteurs : Rie Miyazawa en Futaba, Hana Sugisaki en Azumi, Joe Odagiri en ex mari.  Car le film alterne les passages drôles, tendres, durs et tragiques. Il parle de mort, de trahison, de lâcheté, d’amour.  Rie Miyazawa rayonne, à la fois tendre et dure avec sa fille, pleine de vie et jamais résignée. Joe Odagiri joue à merveille l’ex-mari que l’on prend à tort pour un lâche qui se révèle être une belle personne, qui arrive en quelques secondes à avoir cet air mêlant profonde nostalgie et décontraction. Quant aux enfants, c’est à nouveau un sans fautes.

Avec Her Love Boils Bathwater ,  Ryota Nakano signe un modèle de mélodrame parlant de mort, parlant d’abandon, parlant d’espoir, parlant d’amour avec maîtrise et intelligence.



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