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golden slumber

Remake coréen réussi ?

Les Américains n'ont pas le monopole du remake. En 2018 sort Golden Slumber, reprise du film japonais éponyme sorti en 2011 adaptant un célèbre roman policier japonais. Le film original chroniqué ici fut une vraie surprise, une pépite de thriller et de mise en abîme du Japon et de la société moderne le tout mâtiné d'un ton tragi-comique et d'une simplicité dans la mise en scène. Le réalisateur Dong Seok No s'attaque à un sacré défi : peut-on remaker un film très bon ?



Une journée presque ordinaire

Le film reprend l'intrigue de base. Gang Dong Woo est un livreur de courrier, consciencieux, un citoyen modèle depuis qu'il a sauvé la vie d'une star de la K pop. Malgré sa célébrité il est resté le même homme simple. Alors que les élections présidentielles approchent, il est contacté par un de ses meilleurs amis, Moo Yeol et assiste au passage d'un cortège officiel au coeur de Séoul. Une bombe explose soudain détruisant la voiture d'un des candidats à l'élection présidentielle qui meurt sur le coup. 

Gang Dong Woo est alors accusé d'avoir organisé l'attentat, des vidéos, des témoignages l'accusant tournent sur toutes les chaînes tandis que plusieurs de ses proches sont menacés et que sa petite amie le trahit. Pour lui une seule alternative : la mort ou la fuite. Seul il reçoit l'aide de Mr Min, un proche de son ami Moo Yeol, qui lui révèle l'ampleur de la machination. Décidé à se sauver, il doit échapper à ses poursuivants tout en se méfiant de tout le monde car avant de mourir son ami Moo Yeol lui a dit "ne fais confiance à personne".


Un spectacle de haute volée


Le réalisateur coréen a choisi un autre angle pour adapter ce thriller excellent. Loin de la simplicité de la version japonaise, il adopte une mise en scène inspirée par la série des Jason Bourne. Beaucoup d'explosions, de course poursuite nerveuse, de violence, de combats pour se rapprocher des standards occidentaux. Le montage nerveux vise à ne pas laisser un seul temps mort. Les rebondissement s'enchaînent centrés autour de l'identité du tueur, de la paranoïa liée à l'ampleur du complot, de l'omniprésence des caméras ou du jeu trouble de l'allié Min. Le film ne laisse pas de répit aux spectateurs et s'attardent peu sur la dimension humaine, sociale de ce drame. Dans sa fuite, Gong rencontre de nombreux anonymes dont les actions, l'attitude ne sont pas du tout expliqués par le réalisateur. C'est dommage care cela donnait à la version japonaise un vraie charme, une poésie même. Ici la volonté c'est de privilégier l'action et les scènes fortes (dans les égouts, dans un hôtel) et peu importe si la cohérence en souffre surtout vers la fin.

Visuellement le film est intéressant aussi pour sa représentation de Séoul, à la fois la ville ultra moderne, lumineuse mais aussi des quartiers plus historiques comme celui de Buckhon bâti à flanc de collines. La capitale est très bien mise en valeur grâce à une très bonne photographie et des choix de lumières astucieux illustrant le passage de l'ombre à la lumière. Visuellement les scènes de combat sont intéressantes même si elles pêchent pas manque de nervosité et parfois de clarté (notamment lors de l'assaut de la chambre d'hôtel). Très inspirées par Jason Bourne, elles souffrent néanmoins de la limite liée au personnage un simple livreur sans véritable connaissance du combat. 

Un scénario qui reste trop sage

Et c'est là dessus que le film pêche. En voulant en faire un thriller film d'action, le réalisateur perd parfois le fil de son intrigue principale. Le double jeu de Min n'est pas assez clair. De même le choix des conspirateurs de lui faire porter le chapeau aurait dû être au coeur de l'intrigue. A la différence du film japonais qui ne révélait pas totalement l'identité des comploteurs et laissait planer un doute intelligent, la version coréenne veut trop en dire. Mais les scénaristes n'osent pas aller jusqu'au bout de leur idée : dévoiler le rôle trouble des services de renseignement par exemple, la fragilité de la démocratie face à des groupes fascisants.

Et c'est d'autant plus dommage que l'histoire récente du pays est riche en étranges affaires politiques (l'assassinat du président Park, la destitution de sa fille). De même tout le discours autour de la peur, de l'amitié, de la paranoïa est expédié très vite alors que la relation entre le fugitif et ses amis possède un vrai potentiel dramatique. Enfin malheureusement les scènes d'introspection sont trop rapides pour permettre au film d'approfondir ce qui aurait dû être le centre de son propos : une plongée dans la société coréenne, ses peurs, ses pages sombres.

Si ce Golden Slumber version coréenne ne parvient pas égaler l'original, le film reste un efficace film d'action et un bon thriller porté par de bons acteurs et une volonté de se démarquer du film japonais. 


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