A redécouvrir

Steel rain

Au de-là de nos différences


Quel est le film qui réussit à sortir le même jour que Starwars épisode VIII en 2017 et résista au raz de marée de la production Disney ? Le thriller sud-coréen Steel Rain. Ce film s'inscrit dans un cycle créatif (avec Confidential Assignment et le futur The Spy gone north) où les cinéastes explorent à nouveau les fractures internes de la péninsule coréenne en intégrant les évolutions politiques récentes et les nouvelles données géopolitiques. Que vaut cette superproduction qui a connu un succès critique et commercial ?

Eom Chul-Woo agent des forces spéciales nord-coréennes reçoit de son supérieur une mission périlleuse. Un groupes de généraux nord-coréens planifient un coup d'état dans leur pays. Chargé de les éliminer, il infiltre la zone économique spéciale de Kaesong que vient visiter le leader suprême de Corée du Nord. Une série d'explosions ravage alors le complexe tandis que les putchistes sortent de l'ombre et éliminent les survivants. Eom Cheol Wu parvient à fuir au Sud emmenant avec lui le leader du Nord grièvement blessé.  Sa position devient très vite intenable : traqué par des agents du Nord, il contacte Kwak Chul Woo, le secrétaire du nouveau président de Corée du Sud. Les deux hommes vont prendre conscience qu'ils vont devoir apprendre à se comprendre et à se faire confiance alors qu'un conflit nucléaire menace.

Commençons par les défauts du film. Le premier est un problème récurrent d'effets spéciaux. En effet l'incrustation de scènes tournées en numérique fonctionne encore mal notamment dès le début avec un accident de voiture dans la nuit qui en devient très peu lisible. De même d'autres effets d'explosion font encore mal aux yeux. Le second est plus dommageable. Il tient à l'écriture du scénario. En effet le début du film est excellent, prenant, bien amené. La fin est aussi très intéressante avec par exemple l'implication des puissances de la région. Malheureusement le film connaît un vrai coup de mou au milieu de son intrigue notamment sur les motivations réelles du coup d'état (pas assez exploitées). Surtout le film cherche à maintenir le suspense sur qui est le vrai deux ex machina alors qu'au bout de 40 minutes son identité est dévoilée. Ce choix laisse de côté des éléments qui auraient mérité d'être approfondis : l'influence chinoise ou des E.U.A.


Mais le film possède de réelles qualités, d'abord en termes d'action. L'agent nord-coréen, rigoureux, efficace, implacable survit à tout et offre des scènes de combat vraiment bien faites.  En face les agents qui le traquent sont aussi forts et cela culmine lors de l'assaut d'un hôpital vraiment impressionnant. Le film est ainsi très rythmé et ne va lésiner devant aucune audace : bombardement de civils, poursuite, combats à l'arme blanche, lacement de missiles... C'est un condensé de ce que l'on fait de mieux dans les films d'espionnage. De même les ambitions du scénario restent appréciables. Le film veut en dire beaucoup, peut être trop mais pour qui est curieux de connaître la situation de la péninsule, il apporte beaucoup. Pêle-mêle apparaissent l'omniprésence des services secrets sud-coréens, le poids des Américains, l'étonnaant double jeu des Chinois, l'importance de la clique des généraux nord-coréens et surtout la mise au pas de ces derniers par le leader du Nord clairement inspiré par Kim Jong Un. Ce qui est intéressant, c'est que celui-ci est traité sans caricature. Personne sacré, intouchable, il terrifie son peuple autant qu'il le fascine. De même qu'est posée en filigrane la question de l'indépendance réelle de la péninsule. 

Et pourtant la qualité du film est ailleurs. Très intelligemment l'histoire en effet se transcende lors qu'elle descend à l'échelle des individus. Elle permet la mise en scène de la Corée du Nord loin des images de clichés. L'agent est père de famille et il est conscient du danger qu'encourt ses proches s'il échoue ou s'il est victime de purges. Un très belle scène du début entre le père et sa famille fait ressortir l'ampleur de la surveillance de la masse. De même une fois au Sud, la confrontation entre les deux Corées rejaillit au niveau des actes du quotidien : la musique, la nourriture, les habitations. Des petites scènes à l'échelle humaine servent à évoquer le passé récent et tragique de ces deux pays : les famines, les purges... Le duo formé par l'agent et le fonctionnaire est un vraie réussite. Leur opposition notamment de style entre un combattant et un homme de bureau,  de physique entre un agent taillé dans le roc et un secrétaire rondouillard crée une vraie alchimie.  Explosif, Eum agit sur le terrain, Kwak en retrait gère une crise diplomatique hors normes. De leur contraste naît une belle complicité qui offre quelques très belles scènes d'humour (le restaurant). Et notons-le l'ensemble de la distribution joue parfaitement alternant la sensibilité, l'humour, le drame. 

Steel Rain est au final un film d'action étonnant qu'il faut voir. Bien réalisé, il est surtout remarquable par la dimension humaine du drame, par l'optimisme qui se dégage de sa fin, par son discours sur la réconciliation entre les deux Corée. Il est dommage que  le film ne soit pas plus long pour exploiter un scénario riche mais que des coupes rendent parfois confus. 




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