Histoire parallèle : Unir par la langue
1539, édit de Villers-Cotterêts. La date est connue mais le contenu de l'édit beaucoup moins. 192 articles émis par le pouvoir royal renforcent l'autorité royale sur les villes et l'Eglise, imposent la tenue de l'ancêtre de l'Etat civil et fixent à travers 2 articles l'écriture des actes officiels en langue française. La postérité a retenu cette dernière décision comme l'acte de naissance de la langue française (c'est excessif) et comme l'approfondissement de l'unification du royaume de France (beaucoup plus juste). Un siècle plus tôt en Corée du Sud, le roi Sejong (1418-1450) entame une réforme linguistique similaire à la portée historique immense.
Revenons en France, en 1539 François 1 er n'impose pas le français comme langue unique du royaume. Il faudra attendre l'école publique, gratuite et obligatoire pour que français devienne la langue maternelle de tous. En revanche l'édit fait progresser la centralisation royale- article 110 : que les arrêts soient clairs et compréhensibles. Et afin qu'il n'y ait pas de raison de douter sur le sens de ces arrêts, nous voulons et ordonnons qu'ils soient faits et écrits si clairement qu'il ne puisse y avoir aucune ambiguïté ou incertitude, ni de raison d'en demander une explication
- article 111 : de prononcer et rédiger tous les actes en langue française Et parce que de telles choses sont arrivées très souvent, à propos de la [mauvaise] compréhension des mots latins utilisés dans lesdits arrêts, nous voulons que dorénavant tous les arrêts ainsi que toutes autres procédures, que ce soit de nos cours souveraines ou autres subalternes et inférieures, ou que ce soit sur les registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments et tous les autres actes et exploits de justice qui en dépendent, soient prononcés, publiés et notifiés aux parties en langue maternelle française, et pas autrement
L'édit vise l'affirmation du pouvoir monarchique et de son administration, l'unification du droit et de la loi à travers la définition d'une langue unique au-dessus du latin et des dialectes. Nul ne peu ignorer la loi royale. La langue du roi est celle de tous. Le roi est celui de la France, d'une nation en construction et non plus d'un agrégat de peuples.
En Corée du Sud, le roi Séjong s'attelle à une tâche aussi grande. En effet l'écriture coréenne fortement inspirée par la Chine en a copié le système des caractères appelés hanja. Complexes, très nombreux (plusieurs milliers), leur compréhension est réservée à une élite. Face à l'illettrisme de son peuple Sejong engage des érudits pour inventer une langue, le hangul appelée aussi le "son correct pour éduquer le peuple". De leurs études découle l'invention d'un alphabet qui va remplacer progressivement le système d'écriture chinoies malgré l'opposition des lettrés (certains continueront d'inscrire sur la façade de leur maison des caractères chinois encore visibles aujourd'hui) et d'une partie des hauts fonctionnaires. En effet ceux-ci reprochent désormais à ce système de rendre compréhensibles aux plus humbles les jugements et de permettre les plaintes et récriminations. La Corée devient un des rares pays de la région à inventer un alphabet composé de voyelles et de consommes et à rejeter les idéogrammes.
Décisions majeures, ces deux réformes linguistiques connurent des destins divergents. Jamais remis en cause, l'édit de Villers-Cotterêts fut approfondi tout au long du processus de centralisation de la France. L'invention du roi Séjong fut, elle, remise en question dès 1504, son usage et son apprentissage interdits. Mais en secret la langue résiste grâce aux femmes et aux pauvres avant de réapparaître et de s'imposer au XIXè siècle.
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