critique de l'anime Flag

Reportage de guerre

Originale, audacieuse, intelligente, les adjectifs sont légions pour qualifier la série flag sortie en 2006. 13 épisodes produits par le studio Ansa, une histoire dense, complexe qui plonge à la fois dans un univers futuriste et dans notre monde proche. Flag c'est la rencontre réussie entre l'intrigue politique et géopolitique, l'action, la réflexion, la dénonciation sur fond d'un parti pris artistique assez unique et parfaitement maîtrisé.

Si Flag est un petit bijou c'est d'abord pour sa mise en scène. Les réalisateurs ont choisi de suivre les événements en vue subjective ou à la première personne pendant la majeure partie des épisodes. C'est à travers l'objectif de la caméra ou de l'appareil de Saeko, journaliste que nous suivons les opérations d'un groupe de soldats de l'ONU tentant de maintenir la paix dans un petit pays d'Asie. Choix intéressant qui permet une immersion dans le quotidien de ces soldats. Il donne un sens fort à cette intégration dans un pays étrange divisé par une guerre civile qui ne demande qu'à renaître. De même quand la caméra de la reporter n'est plus sur le terrain d'opération, les réalisateurs nous plongent dans la dureté des opérations à travers d'autres regards : les caméras des hélicoptères, des chars, des autres reporters. Les épisodes alternent dès lors entre des séquences découpées en séquence photos et des passages plus intimistes suivant le regard des protagonistes. L'équipe maîtrise si bien sa technique que la multiplication des angles de vue, la profondeur des champs, le jeu des couleurs nous font ressentir les différences de points de vue et par delà des groupes qui sont en conflit : regard des soldats, des civils, des politiques, des témoins. Impression renforcée par le choix d'une narration contée par une tierce personne dont nous découvrons à la fin l'identité.  Ceci confère à la narration un rythme et une tension forte qui exploite à merveille le scénario, un vrai bijou. 

En effet Flag situe son histoire dans l'Uddiyana, un petit pays d'Asie centrale tout juste sorti de la guerre civile grâce à l'action de l'ONU. Mais la paix précaire ne tient qu'à un fil, celui en l'occurrence d'un drapeau, pris en photographie par Saeko Shirasu une journaliste japonaise, où les couleurs de l'ONU et de l'Uddiyana se superposent à la silhouette d'une jeune fille en prière. Devenu le symbole du peuple libéré et un espoir de paix, il est le lien qui unit une population brisée par la guerre. Mais alors que les négociations entre les anciens ennemis doivent avoir lieu, le drapeau est volé annonçant la reprise du cycle sans fin de violence. Une équipe spéciale de soldats de l'ONU est dépêchée pour le retrouver et Saeko se voit proposer par l'armée de suivre et de filmer la mission de récupération. 

La série se présente résolument comme une oeuvre pour adultes. Elle se place dans le contexte des guerres d'Irak et d'Afghanistan et des débats sur la reconstruction des Etats. Elle questionne le spectateur sur les notions d'interventionnisme, de fanatisme, de paix, de pardon, de géopolitique. Débutée comme une traque du drapeau, la série se complexifie très vite en faisant intervenir les pouvoirs religieux, les grandes puissances et leur jeu trouble, le secret d'état.... Tout en permettant à chaque membre de l'équipe d'être parfaitement développé et de comprendre les raisons de son engagement. Car la série est infiniment humaine, centrée sur les soldats, les journalistes, les civils pris entre deux feux. Tous ces efforts pour un simple drapeau. Mais est-il qu'un bout de tissus ? que révèle-t-il sur l'âme ? 

Série géopolitique, réflexive, Flag n'en reste pas moins une série d'action. En effet avec génie, les réalisateurs ont introduit dans l'intrigue des mécas, armes secrètes mises à disposition de l'équipe pour trouver le drapeau. Et ils vont permettre au spectateur d'assister à des moments de bravoure : assaut sur un monastère perché en haut d'un défilé, attaque d'un temple ou surtout l'assaut final lors du coup d'état. Ces scènes d'action ne sont pas de simples séquences d'action, elles s'intègrent excellemment à l'intrigue contribuant à la montée en tension constante jusqu'à un épilogue qui va en surprendre plus d'un.

Flag se révèle au final être un vrai bijou artistique et scénaristique. Une plongée au coeur d'un conflit qui ne nous est pas si étranger, une merveille de  thriller dont le Japon a le secret, une oeuvre colorée pleine de poésie et de philosophie. Un chef d'oeuvre à redécouvrir.