A redécouvrir

noir

Who runs the world
Mireille Bouquet exerce le métier de tueuse à gage avec talent et efficacité. Réputée dans le milieu, installée à Paris, elle reçoit un jour un étrange message accompagné d’une musique familière : celle de la montre de son défunt père assassiné avec sa mère lorsqu’elle était enfant. Elle se lance à la recherche de son informateur et tombe au Japon sur Kirikiya, une lycéenne qui se révèle être sa source. Mais la jeune fille amnésique ne peut lui apporter que des bribes d’informations : elle serait « noir », un assassin célèbre et serait liée à Mireille sans savoir pourquoi. Les deux filles décident de s’allier temporairement afin de résoudre ce mystère lié à un groupe puissant « les soldats ». Mais Mireille fait une promesse à Kirikiya : pour protéger son identité secrète elle devra l’éliminer.


Noir est une série étonnante portée d’abord par son univers. En effet assez ancienne, produite en 2001, elle possède un charme vintage. Le dessin est très marquant, avec les corps très fins, très fragiles, des dessins simples, des tenues assez seventies. Le tout dégage un mélange réussi de sensualité et de force au travers le dessin de ces deux femmes qui se métamorphosent en tueuses intrépides. Ce charme se renforce par le rythme de la narration : assez lent, les premiers épisodes déroulent des missions d’assassinat qui semblent indépendantes les unes aux autres avant que les mystères s’éclaircissent dans le dernier tiers de la série. Un pari qui permet d’approfondir la relation entre les deux femmes, d’installer une dose de mystère au moyen de judicieux flashbacks et surtout de construire une mythologie, celle du monde des tueurs à gage et des mafias teinté de mysticisme. Ceci confère à l’ensemble une vraie ambiance qui n’est pas sans rappeler celle de John Wick, avec ses cérémonials, ses sociétés secrètes, ses codes. Tout un univers interlope se découvre à chaque épisode.

Le second point fort de la série concerne la technique. Si le dessin peut sembler vieilli, il est transcendé par une animation réussie. Les combats sont hyper dynamique, fluides, les ambiances sont diversifiées. Les visages des héroïnes comme des personnages secondaires sont très travaillés. Ils atteignent souvent un niveau de grâce quasi hypnotique. Autre point fort, les décors de l’histoire. Celle-ci se passe majoritairement en France et en Méditerranée. Les scénaristiques sont réellement amoureux de ces lieux et se donnent du mal pour rendre hommage à leur beauté. La photographie très soignée multiplie les ambiances (villes, parcs, ruine) et exploite de superbes jeux de lumière. Jamais un anime n’avait à ce point clamé l’amour du Japon pour la France. Et cerise sur le gâteau les épisodes disposent d’une bande son incroyablement belle, originale, mélange de musique classique digne de l’opéra, de sons plus rock, une des plus somptueuses jamais entendues dans un anime. Ecoutez les morceaux  Canta per Me ou Salva Nos pour vous en convaincre.

Et cela serait oublié le scénario. Quelle histoire !! Extrêmement triste, déchirante avec des disparitions (notamment) parmi les personnage secondaires, audacieuse aussi avec des passages mystiques superbement maîtrisés. L’histoire se veut complexe avec des trames parallèles qui se rejoignent lentement. La narration lente est à rebours des standards actuels, la mise en place des enjeux progressive  jusqu’à la révélation finale percutante. Alors certes sans spolier, cette révélation  sur les origines du lien entre les deux femmes peut sembler évidente, vue d’aujourd’hui, car ce ressort scénaristique a été depuis souvent repris ; mais pour l’époque c’était génial. Et cela n’ôte rien à la qualité globale de l’écriture et des enjeux : plus Kirikiya avance pour résoudre le mystère de son passé, plus elle se rapproche de la mort ; plus les femmes s’enfoncent dans l’histoire de ces sociétés criminelles, plus les apparences et les masques tombent.

Noir est un sacré spectacle visuel, intellectuel et sonore. 26 épisodes extrêmement ambitieux qui raviront les amateurs d’ambiance rare et d’histoire complexe. Une vraie pépite à redécouvrir.



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