A redécouvrir

cowboy bebop

Une odyssée spatiale


Il y a 20 ans sortait la série animée Cowboy Bebop créée par Watanabe Shin'ichiro. Très vite l'oeuvre atteint un statut culte porté par une composition musicale unique. Rares sont les oeuvres à être totale : à la fois belle, intelligente et musicalement remarquable. Revenons maintenant sur les raisons visuelles et intellectuelles du succès planétaire de cette série.

In Medias Res
La série plonge le spectateur dès le premier épisode dans un univers futuriste en 2071. L'humanité a essaimé un peu partout dans le système solaire et un groupe de chasseurs de prime, l'équipage du bebop écume les systèmes à la recherche de substantielles récompenses. Comment se sont-ils rencontrés, quel est leur passé ? ces questions seront abordées progressivement au cours des 26 épisodes de la série. Un passé riche en émotion et en cas de conscience. Plus forte est aussi la présentation de l'univers. La série nous emmène tout de suite dans ce far west spatial sans faire une longue présentation du contexte. Que sont les Gate, pourquoi les hommes se sont dispersés, qu'est devenue la terre ? c'est un des nombreux enjeux de la série que de découvrir cette histoire de la diaspora humaine. Chaque épisode présente un nouvel univers, une nouvelle caste Et c'est là  toute la force d' écriture, cette capacité à lier la petite histoire (la course à la prime) et la grande histoire de l'univers. Les intrigues s'enchaînent semblant être indépendantes les unes avec les autres avant de se rejoindre et de tisser une maille scénaristique forte. Quelques personnages récurrents donnent à l'ensemble toute sa cohérence. Ce qui confère à la série un dynamisme, une originalité et une richesse d'écriture. D'autant plus que sous couvert de fiction, l'oeuvre reprend des questionnement, des débats propres au monde contemporain : la survie des espèces, le militantisme, la corruption des élites. Elle pose ainsi une question centrale : l'humanité est-elle contrainte de répéter perpétuellement les erreurs du passé ?

A la croisée des univers
La série c'est la fusion d'univers cinématographiques, graphiques et culturels. C'est un western spatial osant les prises de risques et les références (tenue, personnage, duels, situation). Les lieux emblématiques du genre se retrouvent tout le long de la série : le bar, le casino, la prison... C'est également un space opera dantesque où chaque planète, satellite sert de décor à un fragment d'humanité, où les diasporas humaines recréent des microcosmes culturels. Il y a du starwars, du blade runner, du star trek dans chaque plan. La série emprunte aussi des thématiques propres à Ghost in the Shell, à l'armée des 12 singes. La série fonctionne aussi comme un polar-film d'action car derrière la course poursuite se retrouve une intrigue plus dense centrée sur le passé de chacun des personnages, sur la criminalité qui gangrène l'univers. La série emprunte alors le ton du polar noir américain et du film d'action comme Les Ailes de l'enfer. Le tout mâtiné de comédie, de second degré toujours inattendu et bien distillé. Les personnages hauts en couleur (la galaxie des chasseurs de prime, les criminels en tout genre), les situations cocasses (les camionneurs, le hacker sénile) viennent inscrire la narration dans un réel. A nouveau cet univers fictionnel devient crédible. Cette ambition narrative est servie par un travail visuel vraiment impressionnant malgré "l'âge" de cette production. Si l'animation a un peu vieilli, la beauté et diversité des décors sont remarquables. Il y a un vrai travail d'immersion dans cette humanité nomade, de diversité entre les univers planétaires, les contraintes des habitats, les architectures extra-planétaires sans oublier la diversité des vaisseaux qui relient les points de cette humanité dispersée.

Naissance d'une famille.
La série décrit aussi la constitution d'une improbable famille. Car de deux (Spike, Jet), l'équipe s'agrandit avec Faye (la voleuse), Ed (le gamin surdoué) et Ein le chien génétiquement modifié.  Et le moins que l'on puisse c'est que les caractères ne sont pas naturellement compatibles. Si Spike et Jet ont eu de longues années pour s'apprivoiser, ils doivent composer avec une femme totalement indépendante, provocatrice maniant comme personne l'art de se mettre dans des situations complexes ; un gamin génial, atypique, n'écoutant que ses intuitions et ayant développé une connexion neurale avec un chien intelligent. Le tout construit pourtant une étonnante cellule de vie sans couple réel mais avec une vraie tendresse. Le passé lentement évoqué au fil des épisodes va permettre de comprendre l'étonnant rapprochement entre ces caractères si différents. Et autour d'eux vont graviter d'autres figures importantes pour leur construction : l'amour perdu de Spike et de Jet, l'amour trahi de Faye, le père excentrique de Ed. Sans fusion car c'est une famille mais qui reste très fragmentée à l'image de cette humanité du futur. Et les derniers épisodes sont très dramatiques quand derrière les masques se révèlent la profondeur des sentiments. 

A suivre


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