A redécouvrir

Song Huizong, Louis II de Bavière

Rois à défaut d'être poêtes
Rares sont les souverains à être aussi peu préparés et adaptés à leur fonction que Song Huizong et Louis II de Bavière. Véritables incongruités historiques qui n'ont cessé de fasciner les historiens, les romanciers et leurs contemporains, leur destin à 800 ans d'intervalle suit d'étonnantes similitudes.



















Désintérêt pour la politique
Song Huizong (1082-1135) devient empereur sur un concours de circonstances si fréquent dans la Chine impériale. 11ème fils de l'empereur il a passé sa jeunesse au milieu des livres et de la peinture ce qui l'a peut être tenu à l'écart des excès de la vie. Seul enfant apte à gouverner il monte en 1100 sur le trône. Il ne s'est pas préparé à ce métier et se repose sur un politicien corrompu Cai Jing soucieux avant tout de placer ses proches et d'éliminer ses opposants. Cela ne gêne aucunement le souverain qui préfère les arts et les artistes. Armée, fonctionnaires le désintéressent. Or le moment ne se prête guère de laisser l'Etat aux mains d'un ministre peu compétent en matière militaire. Au Nord les nomades Jürchen se renforcent et le ministre/favori commet l'erreur de s'allier avec eux contre une autre dynastie semi-nomade et sinisée du Nord les Khitan. Pris en tenaille, les Khitan sont vaincus mais les Jürchen ne comptent pas s'arrêter en si bon chemin et décident de fondre sur la Chine au Sud. La capitale des Song Kaifeng assiégée une première fois en 1125 est prise d'assaut et ravagée en 1127.  L'empereur Huizong qui a abdiqué pour son fils est capturé et emmené en captivité en Mongolie où il meurt en 1135.  Les Song ont définitivement perdu la Chine du Nord et se réfugient au Sud où ils résisteront jusqu'à l'arrivée d'un nouvel envahisseur nomade les Mongols.

Louis II de Bavière (1845-1886), héritier du roi Maximilien II a été éduqué par des précepteurs au futur métier de souverain. Mais de tous les savoirs, seuls les savoirs littéraires, historiques, la biologie et le théâtre l'intéressent. Or la situation diplomatique est tendue pour ce royaume qui doit arbitrer la lutte entre ses deux puissants voisins, l'Autriche et la Prusse. Quand le jeune prince monte en 1864 sur le trône, la Prusse ambitieuse est entrain d'unifier par la force les Etats allemands. Danemark, puis Autriche sont vaincus et doivent reconnaître la prépondérance prussienne ; puis la France en 1870. Cette défaite amène un choix douloureux pour un roi francophile dans l'âme mais acquis aux idées libérales, modernes et au projet pangermaniste prussien. Il accepte de se rallier à l'empire allemand wilhemnien en abandonnant l'indépendance bavaroise. Il se désintéresse alors totalement de la politique pour se consacrer à sa passion pour les arts, vivant la nuit et finançant des projets grandioses pour les uns, fous pour les autres. En 1886 la famille royale organise un "coup d'état" le déclarant fou et inapte au gouvernement. Son frère Othon lui même interné et considéré comme fou monte sur le trône mais n'exerce qu'un pouvoir de façade puisqu'il est placé sous la régence de son oncle Léopold. Interné le 12 juin 1886  le roi Louis II meurt le lendemain avec son médecin dans des conditions encore mal élucidiées (suicide, accident...) 

Amis des Arts
Ce qui rapproche ces deux singuliers souverains ce fut leur amour pour la culture. Song Huizong est en effet un urbaniste et très soucieux d'architecture. Sa capitale Kaifeng s'enrichit de nombreuses villas, de jardins exotiques plantées d'essences rares venues du Sud. La vie culturelle de l'empire s'épanouit également : l'oeuvre phare Au bord de l'eau, un des quatre romans classiques décrit la période de Song Huizong (ce roman fut écrit au XVIè siècle) ; le poète Su Shi, figure modèle du lettré, peintre, vit entre 1037 et 1101. L'empereur lui-même passe pour le souverain le plus cultivé de l'histoire de la Chine. Il calligraphie, écrit de la poésie avec talent. Il collectionne les oeuvres d'art (céramique, peintures surtout dont on recense plus de 6000 pièces dans les palais) et agit comme un mécène auprès des peintres. Il fonde une académie impériale de peinture, construit un palais dédié à la conservation de 10 0000 bronzes et jades, une bibliothèque. Une vrai trésor qui sera pillé en 1127 et qui nous est connu par son catalogue miraculeusement sauvé.

Une passion qui fut partagée aussi par Louis II de Bavière. Au coeur du mouvement romantique, le roi considéré par Verlaine comme le "seul vrai roi de ce siècle" va laisser une emprunte culturelle unique à l'époque. Fasciné jeune par le théâtre et l'opéra, il devient le mécène de Wagner finançant la construction du palais de Bayreuth, de deux théâtres modernes pour la Cour, faisant  jouer à Munich les plus grands auteurs. Sous son magistère, plus de 40 opéras, près de 400 pièces de théâtre (dont la moitié pour le roi seul ou accompagné d'un invité), une dizaine de ballets sont montés. Un thème le fascine : les mythes arthuriens et la quête du Graal (Parsifal de Wagner est joué 8 fois). Il est aussi architecte et va donner la pleine expression au style romantique mâtiné de rococo. Ses châteaux uniques mélangent en effet nostalgie médiévale, exubérance baroque et romantique et admiration pour le style classique versaillais. Trois châteaux luxueux sont construits,  trois styles : néo-roman, néo gothique à Neuschwanstein ; néo-classique à Herrenchiemsee et baroque à Linderhof. Des projets fourmillent aussi tout au long de son règne : un palais byzantin, un palais chinois. Véritable artiste dans sa démarche, le roi entendait que ses oeuvre soient éphémères et fussent détruites après sa mort. Sa disparition et le maintien de ces oeuvres contribuèrent à entretenir la légende de ce roi atypique 

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