1999, deux ans après le succès mondial de Princesse Mononoké, sort sur les écrans japonais Mes voisins les Yamada. A un public nippon tombé sous le charme de la patte des productions ghibli (Totoro, Porco Rosso, Mononoké), Takahata propose une oeuvre originale sur la forme comme sur le fond, aux antipodes du style ghibli. Un prise de risque poétique qui aboutit sur un gros échec commercial, une oeuvre incomprise mais que le destin allait réhabiliter.
Pour son nouveau long métrage Takahata a décidé de jouer la carte de l'originalité et d'explorer les ressources encore inconnues du cinéma d'animation. Son film adopte une démarche graphique totalement nouvelle et surprenante : le minimalisme absolu. Sur des fonds blancs, des personnages plus proches de l'esquisse, aux traits bruts, déformés, à la coloration proche de l'aquarelle vont prendre vie pendant 1h 40 exploitant les ressources du nouvel outil informatique. Le film a demandé aux équipes du studio 5 années de travail notamment à cause de l'intégration de séquences en 3D numérique dont la fameuse glissade en bobsleigh le long d'un interminable gâteau de mariage. Sans parler du budget qui enfla tout au long du processus de création.
L'histoire à proprement parler ne se concentre pas autour d'une intrigue principale mais d'une série de scènes de vie inspirées de la bande dessinée d'Hisai Ishaii. Le film est ainsi rythmé par une succession de péripéties quotidiennes au sein d'un famille japonaise banale formée de la grand mère taquine Shige, des enfants Noboru et Nonoko, du père bougon Takashi et de la mère matsuko. Et toute la familles est emmenées dans des aventures drôles (l'oubli de la fille au centre commercial, une bande de motard bruyante...) ponctuées de passage onirique (le mariage et le voyage en bateau, la mission super-héroïque du père). Takahata ponctue d'ailleurs ces scènes de citations tirées de ses haïkus préférés.
Ce parti pris technique sert une histoire qui sous le rire dépeint les affres de la famille japonaise moderne. A la fois oeuvre réaliste, satyrique, le film joue à la fois sur la corde de la mélancolie en mettant en scène les traditions familiales (rôle du père, le respect aux anciens) mais aussi le carcan invisible de ses rites. Ceci est visible autour de la figure du père, salary man typique, performant à l'excès dans son entreprise mais qui doit aussi remplir sa mission de chef de famille, chef de clan et d'homme viril (d'où les succulentes piques de la grand mère). De même Takahata interroge le rôle de la femme japonaise en montrant comme la mère élabore les plus ingénieux stratagèmes pour esquiver son rôle de mère au foyer modèle. Toute cette "critique" est magnifiée par le personnage de Shige, la grand mère qui n'a pas sa langue dans sa poche pour piquer son gendre et sa fille. Il en résulte au moment de sa sortie un film étonnant qui autant au Japon qu'à l'international n'a pas été compris du public. Hors du Japon, de nombreuses références ont été obscures pour un public qui rappelons-le ne s'ouvrait que lentement à la culture nippone. Au Japon le ton du film, le dessincont pris au dépourvu un public habitué aux productions classiques du studio.
Et pourtant presque 20 ans après sa sortie, le film bénéficie d'une incroyable fraîcheur technique et narrative. Un film unique symbole de la vitalité d'une animation japonaise qui derrière Takahata n'a de cesse d'explorer de nouveaux horizons.
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