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critique de Après la tempête

Réunion de famille

Hirozaku Kore-Eda excelle à questionner les doutes du Japon et les rapports fragiles de la famille moderne japonaise notamment le lien père fils. Ses précédents films (Still Walking, Hana, Nobody Knows, tel père, tel fils) nous ont emballé. Pour après la tempête sorti en 2017 il réunit un casting en or pour explorer ses thèmes fétiches.



Ryota, incarné à l'écran par Abe Hiroshi, a connu un début de carrière prometteur accumulant reconnaissance par ses pairs et petite notoriété. Mais inconstant, joueur, il a perdu le fil de sa vie. Sa femme a obtenu le divorce, il ne peut voir son fils qu'une fois par mois et ses problèmes continuels d'argent l'empêchent de verser régulièrement la pension alimentaire voire de payer son loyer. Il en est réduit à travailler pour une agence de détective privée traquant les époux infidèles. Pourtant il n'abdique pas et veut retrouver l'estime des siens et de son fils qu'il aime par-dessus tout. A l'occasion d'une visite chez sa mère, un typhon s'abat sur les côtes du Japon, une occasion pour passer une nuit avec son fils, son ex-femme, sa mère et son passé.

Quel beau film que nous livre Kore-Eda, sobre, intelligent, profond et humain. Une des qualités du réalisateur c'est son sens de la narration et du rythme. L'histoire est simple : un père, joueur invétéré, perdu entre prêteur sur gages, courses, paris, mensonges tente de reprendre le contrôle sur sa vie. Déchu il s'interroge sur sa lente descente. Est-ce l'héritage de son propre père lui aussi joueur compulsif ?  est-ce son refus de grandir ? Tout le film suit le parcours de cet homme en pleine débandade, manquant d'argent, manquant de temps mais qui peut aussi compter sur sa mère, une vieille dame énergique jouée par Kirin Kiki qui malgré le temps reste toujours debout, solide face à la tempête qui approche. Le film prend son temps, pose de magnifiques scènes de dialogues, des moments de contemplations autour du temps présent, du souvenir et surtout de la relation humaine. L'histoire est douce amère proposant quelques moments comiques (les enquêtes des détectives, la jalousie du père ou  l'énorme scène des toilettes !!! ). Jusqu'à une fin, après la tempête, totalement ouverte et pleine d'espoirs.

Le coeur de son propos c'est n'est pourtant pas l'histoire du père mais la toile des rapports au sein de la famille. Le personnage principal c'est la mère autour de qui tous se tournent : le fils, sa soeur, l'ex-femme. Dans ce petit appartement elle crée un refuge, un havre de vie où se ressourcent ses proches. Perdus dans le vertige de leur vie, ils vont retrouver dans une salle de bain toute simple, une cuisine toute petite la simplicité du moment et miracle réapprendre à se parle. Kore-Eda nous parle ici d'un Japon ancestral, celui des anciens dont la parole est sacrée. Alors que les "jeunes" s'inquiètent de la tempête, la vieille mère s'en réjouit. Elle en a vu d'autres. Et la catastrophe devient banale même aux yeux de son fils, de son ex-belle fille qui finissent par se soucier du moment présent. Ainsi la famille déconstruite va se retrouver un instant dans le parc à jeux alors qu'autour les éléments se déchaînent. 

Et au travers de cette scènes de vie quotidienne Kore-Eda nous livre un propos universel, celui du difficile passage adulte, celui de l'acceptation du départ de l'autre. La tempête agit comme l'acte de naissance d'une nouvelle phase pour le père, le fils, l'écrivain, l'épouse. Malgré son ton amère, le film n'est pas dépressif. Comme souvent chez Kore-Eda l'humain finit par prendre le dessus. Et ceci fonctionne encore grâce à la merveilleuse direction d'acteurs (les adultes sont excellents) notamment celle des enfants. Ainsi sans effet visuel outrancier, en reprenant son style à la limite du documentaire, en jouant beaucoup sur la lumière (le blanc éclatant), Kore-Eda nous transporte, nous émeut. 

Ainsi, même si l'histoire est plus simple que celle de ses précédents films, Kore-Eda livre encore une partition sans fautes, belle, émouvant, intelligente. Une petite leçon de cinéma.

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