A redécouvrir

projet Itoh genocidal organ

La passe de trois
Le projet Itoh du nom de l'auteur de science fiction japonaise Keikaku Itoh, disparu à 34 ans, fait partie des grands projets de l'animation récente nippone. Adapter les 3 oeuvres (2 en réalité, la troisième étant inachevée) culte autant acclamées par la critique que par les lecteurs. Les deux premiers films (voir ici pour la critique d'Harmony et d'Empire of the corpses) furent de vraies réussites malgré des déboires de production et le choix étrange de ne pas adapter les livres en suivant l'ordre d'écriture. Même si les histoires sont indépendantes, il existe autour des thèmes une vraie progression dans l'écriture. Genocidal Organ c'est donc le 1er livre adapté en dernier. L'ambiance change. Quand Harmony partait dans la science fiction d'anticipation, Empire of the corpses le steampunk, Genocidal Organ nous entraîne dans un monde très actuel à l'orée des année 2020.


Depuis que Sarajevo a été victime d'un attentat nucléaire, la guerre contre le terrorisme s'est accélérée. L'arsenal répressif s'est encore étoffé, la surveillance devenue permanente. Les soldats des forces démocratiques ont subi de légères modifications les rendant plus résistants et surtout insensibles au doute. Tandis que les grandes puissance traquent leurs ennemis, les pays en voie de développement sont balayés par une série de massacres, de guerres civiles débouchant sur des génocides. Les Nations développées tentent d'enrayer une vague qui semble inarrêtable et aléatoire. Un mystérieux américain, John Paul semble toutefois lié à ces troubles. L'agent Clavis Shepherd et son unité sont lancés à ses trousses bien décidés à découvrir ce qui se cache derrière l'étrange "organe génocidaire".

Genocidal organ est comme ses prédécesseurs un film dense aux multiples enjeux. C'est d'abord un thriller géopolitique qui nous parle du monde de demain : effondrement des Etats, attentats, répression et dilemmes moraux. Le film nous emmènera de l'ONU, aux Balkans à l'Inde en passant par l'Afrique dans une traque infernale. Pour les hommes des forces spéciales il s'agit d'enrayer une machine infernale qui menace d'emporter les pays pauvres. Les guerres éclosent, les peuples se déchirent sous le regard des médias du monde et de l'indifférence des populations développées. Le film reprend un thème déjà abordé par Oshii dans Patlabor 2. Le rapport, les bénéfices des guerres entre les pays riches et en voie de développement. Une question est abordée : est-ce pour stopper les génocides que le mystérieux terroriste est traqué ou est-ce parce qu'il semble déclencher des chaos qui échappent au contrôle des grandes puissances ? Cette première intrigue se double d'une réflexion audacieuse, dérangeante (au sens positif) sur l'origine de cette organe génocidaire. Itoh laisse transparaître un des principaux questionnements : que trouve-t-on aux tréfonds de l'âme humaine une fois le vernis de la culture enlevé. Sa théorie presque linguistique est forte d'autant plus qu'elle permet d'ouvrir sur sa critique de nos sociétés du spectacle, de l'indignation médiatique. Le tout en gardant sa cohérence grâce à son personnage de John Paul dont l'itinéraire, la vie servent parfaitement l'intrigue : le drame humain dans le drame de l'humanité. C'est une histoire de vengeance, de deuil, de honte qui va bouleverser les convictions de l'agent spécial. 

Film philosophique, politique, Genocidal Organ est aussi et surtout un film d'action. De l'attentat de Sarajevo aux combats balkaniques ou en Inde, le film est très bien rythmé. Les scènes de combats fonctionnent bien même si on sent que le budget limité n'a pas permis une animation aussi fluide que l'ambition narrative le mériterait. Le film lorgne beaucoup vers Ghost in the Shell sans l'égaler faute à une production limitée en termes de moyens. Cela se voit si on le compare aux 2 premiers. C'est pourquoi il est conseillé de commencer la trilogie par celui-ci. Car si techniquement le film n'est pas parfait, cela est vite oublié car l'intrigue, les personnages, la réflexion emportent tout. On sort du film épuisé, déstabilisé. 

Oeuvre vaste qui ouvre sur l'univers du projet Itoh, Genocidal Organ fonctionne miraculeusement bien. Sa gestation chaotique n'aura pas eu raison d'un scénario brillant, fort. Un petit bijou de la science fiction nippone, un de plus à qui il ne manque qu'une direction technique encore plus soignée.



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