Saipan, 15 juin 1944. Les forces américaines lancent l'opération pour la conquête de cette île stratégique. Ecrasée sous le nombre et la puissance de feu, la garnison japonaise se retrouve isolée. Le 7 juillet les survivants au nombre de 4 000 lancent une charge banzai contre les positions américaines. Malgré leur courage suicidaire ils sont presque tous tués. L'un des survivants, le capitaine Oba décide de gagner l'intérieur de l'île et de protéger avec l'aide de 46 autres soldats 200 civils. Entre le "renard" et les forces américaines s'engage une traque.
Tiré du roman américain éponyme de Don Jones, le film Oba The Last Samurai s'inspire d'une histoire vraie, celle de cet officier japonais qui résista et échappa aux américains pendant plus d'un an et demi avant de déposer les armes en décembre 1944, trois mois après la capitulation du japon. Sorti en 2011, il est réalisé par Hirayama Hideyuki, cinéaste chevronné et plusieurs fois primé. Le film dispose d'un casting solide car outre d'excellent acteurs japonais il possède plusieurs pointures américaines : Treat Williams, Daniel Baldwin. Cela souligne sa première qualité : le traitement des deux camps en présence. Il évite en effet l'écueil du manichéisme voire du stéréotype. Il centre son propos sur l'incompréhension, d'une armée américaine face au jusqu'au boutisme des nippons, de soldats japonais abandonnés à leur sort et confrontés à leur dilemme moral : tuer le plus possible d'ennemis, se suicider ou protéger la vie des civils. Le film regorge de ces moments qui mettent en exergue cet abîme culturel : le jeu d'échec (superbe métaphore), les rumeurs, les photos. Même s'ils ont un petit rôle, Treat Williams et Daniel Baldwin incarnent parfaitement les errements du haut commandement américain. Seul trait d'union entre ces deux camps, l'officier américain (qui s'inspire de loin de l'auteur du roman) et les traducteurs japonais qui chacun à leur tour vont l'expérience de l'incompréhension de leurs camarades.
Le second point fort du film tourne autour du personnage d'Oba. Fascinante figure traitée ici sans apologie : officier obéissant au début, il se mue en fin stratège refusant tout sacrifice, laissant les civils choisir. Il agit par devoir sans tomber dans le fanatisme. Alors que deux voies semblent s'ouvrir à lui, le suicide ou la reddition, il en choisit une troisième. Pourquoi combat-il ? pour l'honneur, par habitude ? La scène du bébé donne beaucoup de clé. Ni jusqu'au-boutiste, il préfère la vie au sacrifice. Il assume sa fonction et met en avant la vie des civils qu'il ne veut pas voir mourir inutilement. Très ambigu, il ne croit pas dans l'image des soldats américains cannibales mais ne croit pas au rumeur de défaite finale du Japon. Le réalisateur ne donne pas les clés de compréhension de ce personnage complexe si ce n'est l'envie de survivre et d'attendre des lendemains meilleurs. Cependant il nous permet de le placer face aux deux autres figures majeures de soldats : le tueur qui ne pense qu'à éliminer le plus de soldats ennemis sans se soucier des civil s; celui qui refuse de se rendre et s'enfonce dans la jungle. L'interprétation de cette figure assez étonnante par Yukata Takenouchi est excellente : un jeu très classe qui distille les émotions.
L'autre point fort concerne la construction du film. C'est un film de guerre qui possède des scènes fortes : les combats lors de la conquête de l'île, les embuscades. Bien filmées, bien cadrées, elles nous plongent dans l'enfer de cette guerre du Pacifique. Pourtant la force de cette oeuvre est ailleurs : dans ce voyage au bout de la nuit d'une poignée de survivants. On a de la peine à imaginer comment ils ont pu survivre dans cet environnement de jungle, privés de tout, harcelés. Progressivement le cinéaste lève le voile sur l'importance de l'embrigadement, le lavage des cerveaux sur fond d'honneur et de service de l'empereur. Et pour illustrer son propos il nous offre des scènes vraiment magnifiques : la traque dans les gorges ou le final sublime lorsque les derniers combattants descendent de la montagne en chantant avant de se rendre.
En deux heures, Hirayama Hideyuki nous livre un film de qualité, plein de réflexion et d'humanité plongeant au coeur de l'esprit des soldats de la guerre du Pacifique.
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