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your name critique

L'anime de l'année

Depuis sa sortie au Japon en août 2016, le dernier long métrage de Makoto Shinkai bat tous les records. Plus gros succès de l'histoire du cinéma nippon, il a dépassé les entrées du Voyage de Chihiro d'Hayao Miyazaki. Une surprise, un phénomène de l'aveu même de son réalisateur dont les précédentes oeuvres fortes d'un succès critique n'avait pas généré une telle réussite commerciale. Son oeuvre fédère à la fois un public adolescent, adulte comme les films Ghibli. Comment expliquer cette réussite ?


L'histoire reprend un des thèmes fétiches de Makoto Shinkai, l'amour à distance, croisé avec une idée très présente dans le monde des anime/mange : l'échange de corps. Mitsuha vit dans une petite ville au centre du Japon. Sa vie est marquée par les fêtes traditionnelles, les montagnes et le passage d'une splendide comète. Pour l'adolescente qui rêve de Tokyo, c'est une vie insatisfaisante. Or la nuit elle se rêve dans la peau de Taki, un jeune lycéen de Tokyo alternant les cours, son travail dans un restaurant italien et les sorties avec ses amis. Ses songes sont si forts qu'à son réveil elle a du mal à différencier réel et imagination. D'autant plus que lorsqu'elle retourne à sa vie normale tous ses amis lui disent qu'elle s'est comportée étrangement la veille : perte de mémoire... Tout bascule quand elle réalise que Taki rêve lui aussi d'une vie dans les montagnes dans la peau d'une jeune fille.  Entre les deux s'installe une relation à distance faite de codes, de notes dans un cahier et de flashbacks. Pourquoi Taki rêve-t-il de montagnes ? pourront-ils se rencontrer ?

Visuellement le film de Makoto est étourdissant. Film sur les rêves et la réalité, il offre une peinture idyllique de cette petite ville magique coincée entre les montagnes, les forêts. Il se dégage une poésie qui n'est pas sans rappeler les oeuvres de Miyazaki : une nature généreuse en harmonie avec une société japonaise traditionnelle. La ville de Mitsuha est une belle représentation d'un Japon à la fois moderne et traditionnel : maison en bois sur un étage, festival nocturne populaire, tenues uniques. Une cloison qui s'ouvre, une cérémonie autour du riz et Shinkai fait émerger de la délicatesse et de la nostalgie.  En face l'évocation de Tokyo fonctionne à merveille : plan aérien sur l'immensité du bâti, les routes, la nuit sans fin, la vie trépidante de la jeunesse. Les deux univers agissent comme un miroir déformé. Makoto ne juge pas lequel des deux univers est meilleur. Il  montre à travers les yeux de Mitsuha et de Taki ce qui les rend fascinant. Le dessin est servi par une animation efficace que ce soit au niveau des visages, des paysages que du ciel. Car la comète illumine littéralement le film, la nuit et aussi de jour. Plus qu'un élément de décor, cette invitée céleste symbolise le trait d'union entre ces deux personnes éloignées par la distance si ce n'est plus. 

Le seconde qualité du film c'est évidemment son scénario. Il n'y a pas un film mais deux. Le premier déroule la dimension comique, romantique née des échanges de personnalité. D'un côté la fille énergique qui va remuer la vie du garçon timide et maladroit. De l'autre un garçon transmuté dans un corps de fille et qui va faire découverte sur découverte sur le corps, sur la mentalité féminine. Les deux personnages sont très bien écrits de même que les seconds rôles. Les scènes réussies se multiplient : le réveil, le flirt au restaurant, le café... Tout s'enchaîne très vite et pourtant à mi-parcours la narration prend un virage inattendu en éclaircissant deux points : le rôle de la comète et la trame temporel. Difficile de préciser à quel point cette seconde partie est brillante sans dévoiler la richesse de l'intrigue. Le film lorgne légèrement vers le fantastique, les voyages dans le temps et les films catastrophe. La narration s'accélère sans perdre de sa poésie. Tout s'enchaîne et les fils posés tout au long se rejoignent. Jusqu'à une fin somptueuse, tendre et optimiste. Ce qui force le respect c'est l'intelligence de Makoto Shinkai pour contrôler son intrigue, le suspense sans perdre l'émotion. 

Chef d'oeuvre, meilleur film de Makoto Shinkai, Your Name renouvelle le genre du teenage movie traité de manière adulte et intelligente. Un nouveau monument dans le parc de l'animation japonaise.

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