A redécouvrir

Lucid Dream

Quand la rançon rencontre Inception


Le prix du rêve

Choi Dae-Ho journaliste d'investigation mène une brillante carrière. Père célibataire il décide de consacre du temps à son fils Min-Woo et l'accompagne au parc. Près des manèges il perd son fils de vue quelques seconds avant de s'écrouler frappé par une fléchette tranquilisante. A son réveil son fils a disparu. Trois ans plus tard l'enquête n'a pas progressé malgré la rage du père. Celui-ci rencontre une jeune scientifique qui lui révèle la mise au point d'une technologie révolutionnaire : le rêve lucide. 

En maîtrisant ses songes il est possible de remonter le fil de ses souvenirs et de repérer des détails. Prêt à tout Choi Dae-Ho plonge dans ses rêves et trouve la trace de deux suspects. Il en informe le commissaire Song, chargé de l'enquête et qui partage sa souffrance (sa propre fille est mourante). Ils mettent la main sur les deux hommes : mais l'un se suicide en garde à vue et l'autre est dans le coma. Choi décide d'expérimenter une technologie dangereuse, plonger dans les rêves d'un autre, afin de comprendre qui est derrière l'enlèvement de son fils dont le groupe sanguin semble au coeur de l'intrigue. 

Des ambitions scénaristiques

Distribué par Netflix et sorti en 2017 sur les écrans sud-coréens, Lucid Dream a connu un sévère échec commercial. Pourtant le film dispose de qualités. La première concerne l'intrigue. Il y a deux films en un. D'abord une enquête policière dans la lignée des polars sud-coréens et des drames des enlèvements d'enfants, un thème qui résonne fortement dans l'esprit de Corée du Sud à cause des rapts organisés par le voisin du Nord pendant des décennies. Ensuite il y a le film de science fiction centré autour de la plongée dans ses souvenirs et dans ceux d'un mourant. Les deux intrigues se mêlent bien même si le film fait la part belle à l'enquête. Celle-ci est bien ficelée, des détails intrigants au début qui semblent être des incohérences, sont éclairés à la fin. Le retournement final fonctionne très bien. Il est aussi très intelligent d'avoir centré une des thématiques sur le fardeau du deuil (celui du chef d'entreprise, du journaliste), de la maladie incurable (le commissaire). Chaque protagoniste trouve un sens à sa vie. 

Le film explore de plus de nombreuses autres pistes : les souvenirs altérés, l'inconscient, la modification de la réalité. Autre qualité du film les acteurs principaux : ils jouent bien. Le père est fascinant, le commissaire touchant, le chef d'entreprise surprenant. Une déception, les seconds rôles. A part le gang de mafieux très drôle, les autres ne sont que survolés en particulier la scientifique et le hacker. C'est dommage pour ce dernier car son personnage possède un potentiel énorme. Côté réalisation, c'est propre, beaucoup de retenu en particulier dans la scène finale des retrouvailles..

Un film qui s'essouffle 

Pourtant il manque des ingrédients pour en faire un grand film. D'abord les moyens sont limités et cela se voit dans les scènes de plongée dans les rêves. Autant le retour dans ses souvenirs est pas trop mal fichu, autant l'immersion dans l'inconscient d'un mourant est faiblarde. Le film lorgne du côté d'inception sans en avoir l'ampleur. Les paysages de tours s'effondrant semblent fades, les CGI ne sont pas assez finies. Le film se trompe de direction artistique, naviguant entre le réalisme et l'onirique mais sans clairement choisir. Le résultat c'est un produit inachevé. 

Autre souci l'enquête va trop vite dans la remontée des souvenirs parce que le réalisateur n'a pas les moyens de ses ambitions. Chaque plongée est presque une réussite alors que l'on sent la volonté de montrer le tâtonnement. Ceci explique pourquoi le personnage du hacker est si mal utilisé de même que l'altération du réel. Enfin à de trop rares instants (le passage dans l'immeuble en construction), le film nous fait douter de la réussite du père. C'est trop lisse, trop simple. Il manque une vraie angoisse. Et à ce niveau le manque d'ambition et de moyens trahissent les bonnes intentions de départ en particulier si on le compare à la mise en scène d'inception ou du récent The Phone.

 Lucid Dream possède d'indéniables qualités dans son scénario qui faute d'un budget suffisant et d'une mise en scène audacieuse sont sous exploitées. Un honnête divertissement, dommage.


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