A redécouvrir

Ghost in the shell

Réussir une adaptation

Lorsque Hollywood  envisage d'adapter des mangas et de l'anime, cela donne au mieux des projets heureusement avortés comme Akira au pire des réalisations catastrophiques comme le nanardissime Dragon Ball évolution. Pourtant en 2016 sort Ghost in the Shell, version live du manga/anime culte des années 1990. Deux films ont permis la réalisation de ce projet : Chronicle (adaptation non officielle d'Akira) et Lucy qui a confirmé la prestance de Scarlett Johansson. C'est Rupert Sanders à qui l'on doit le correct Blanche Neige et le chasseur qui a hérité de la lourde tache de donner vie à l'univers de Masume Shirow/Mamoru Oshii.



Un monde transhumaniste

Le film adapte l'histoire de l'anime de 1995 réalisé par Mamoru Oshii. Dans un futur proche, la technologie et les progrès de l'intelligence artificielle ont changé le monde. Les robots sont présents à tous les étages de la société tandis que les implants cybernétiques améliorent les capacités physiques et intellectuelles des hommes. Pour différencier virtuel et réel, la science a défini le terme de ghost, la conscience individuelle, ultime vestige de le l'humanité. 

Avec ces technologies émerge une nouvelle menace, les cybercriminels capables de pirater les robots et les esprits humains. Pour y faire face, la police a mis sur place une brigade l'élite, l'unité 9, avec à sa tête le Major Kusanagi, prototype militaire de cyborg abritant un cerveau humain. Dotée de capacités hors normes, elle se lance à la poursuite du puppet master, un terroriste pirate de la conscience et de secrets politiques. Mais cette enquête va la mener sur la piste de sa propre origine. 

Des défis nombreux

Le film se devait de relever un grand nombre de défis. D'abord incarner les personnages cultes de la saga. Sur ce point c'est une réussite. Scarlett Johansson auréolée de ses prestation dans Lucy et Under the skin est formidable. Son corps est magnifiquement mis à l'image pour dégager la sensualité, le charnel et l'énigmatique attirance, froideur de cet être trop parfait pour être humain. L'actrice joue très bien et permet de faire ressentir les émotions, ce qui est difficile car comme c'est un cyborg tout passe par les yeux et peu par les traits de visage. Autour d'elle les acteurs font aussi parfaitement le job : Pilou Asbaek (de Game of thrones) en Batou, Takeshi Kitano dans le rôle du chef ou encore Juliette Binoche. Petit bémol sur l'incarnation du Puppet Master qui manque un peu de magnétisme...

Second défi l'univers. Les précédentes adaptation de manga-anime s'était attirée les foudres des fans en voulant occidentaliser un univers japonais. Celle donna l'horrible Dragon Ball projeté dans le monde des lycées américains ou la volonté d'envoyer Akira à New York... Dans Ghost In the shell, les producteurs évitent cet écueil en précisément pas le lieu de l'action. Tout se passe comme dans Blade Runner (le film), au sein d'une métropole futuriste cosmopolite au croisement des architectures de Hong-Kong, Tokyo et New York. L'univers du manga permet très facilement d'intégrer un casting diversifié sans être taxé de white washing. Autre point fort, le réalisateur soigne sa mise en scène alternant des hommages à la série/film (la scène du toit, les robots geishas) n'hésitant pas à s'inspirer des autres films de la saga avec des plans aériens, jeu de lumière, exploration d'un univers urbain foisonnant. 

Des promesses non tenues

On peut saluer son ambition d'aller plus loin qu'un simple film d'action sur fond d'intelligence artificielle. Le film est diablement beau, poétique. Les scènes d'actions sont bien écrites et bien réalisées (le combat avec les tenues de camouflage) mais comme dans l'anime elles ne sont qu'un élément au service de la réflexion sur la nature de cette humanité hybride, sur l'étrange passé du major, sur l'impression de bouillonnement de vie et de grand vide laissée par cette métropole tentaculaire couverte d'hologrammes. Une petite poésie se dégage (avec de beaux emprunts à Blade Runner ou Minority Report) dans l'incarnation de ces vies virtuelles plus contemplatives qu'actives de leur existence. Car Ghost in the Shell est un film triste. Que valent ces vies quand on ne sait plus discerner le vrai souvenir de l'implant ? que vaut le corps humain augmenté mais encore plus vulnérable ?

Et pourtant malgré ces qualités les film ne tient  pas toutes ses promesses. La faute d'abord a une musique qui n'arrive pas à transcender son sujet sauf lorsqu'elle reprend les thèmes de l'anime d'origine. Autre défaut la dimension politique, centrale dans l'anime est quasi absente. Cela s'explique par la volonté de ne pas ancrer le film dans un lieu, une temporalité claire. Toute la lutte qui donne son souffle à la saga est ici désamorcée. Enfin la dimension philosophique malgré les astuces du scénario reste encore largement survolée.

Beau, divertissant, ambitieux, Ghost int the shell se révèle une bonne introduction à l'univers riche et complexe de l'anime. Meilleure adaptation hollywoodienne d'un manga/anime, le film réussit à respecter son matériau d'origine ce qui malgré ses défauts le rend éminemment respectable.

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